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Le Maroc entre islamisme et fracture sociale

samedi 12 juin 2004, par Hassiba

Les panneaux de la réclame vantant les produits servis à crédit au consommateur de Casablanca au Maroc se découvrent à la publicité politique.

Les panneaux à fond rouge avec, au milieu, l’étoile du drapeau de la monarchie alaouite appellent à combattre la haine, l’obscurantisme et le terrorisme, en ce début de saison chaude dans une ville de 4 millions d’habitants, noyée dans les odeurs de mazout et les rumeurs de durcissement de la grève des pilotes de la Royal Air Maroc. Trois dérives à éviter pour contrecarrer le syndrome du 16 mai 2003. Le royaume vivra dorénavant avec, comme repère, l’avant et l’après-16 mai. Date phare où bon nombre de certitudes passeront à l’échafaud. La spécificité marocaine est sérieusement mise en cause, et l’Algérie des dix années de terreur « afghane » n’est plus le contre-modèle à ne pas suivre. « Le mythe est cassé », déclare un homme de culte. « Le Marocain, du plus impliqué dans les affaires de son pays au plus détaché, découvre que le terrorisme n’est plus uniquement l’affaire des autres, il est devenu transnational, et nous ne sommes pas devant un phénomène importé », nous dira El Ayadi, sociologue et historien à l’université de Aïn Chouk de Casablanca.

La presse écrite, qui a fait un saut qualitatif remarquable, dans le sens d’une liberté de ton que lui envieraient nombre de nos « Républiques » arabes, s’en fait l’écho régulièrement. Elle rappellera ces jours-ci, à l’occasion du premier anniversaire de cette funeste journée, le traumatisme causé au corps social marocain et indique que rien ne sera comme avant. Les islamistes, montrés du doigt à la suite du carnage de Casablanca où plus de quarante victimes seront dénombrées, jurent par tous les dieux qu’ils n’y étaient pour rien dans les attentats kamikazes. Mais personne ne veut croire que les islamistes de El âdl oual ihsène de Abdeslem Yacine et le Parti pour la justice et le développement (PJD), représenté au Parlement) ont banni de leur stratégie le langage de la terreur.

Côté partis politiques traditionnels, c’est la lente agonie. Leurs élites politiques présentes au Parlement sont des coquilles vides et le salut dans cette direction-là n’est pas pour demain, dira Mohamed Tozi, l’anthropologue marocain spécialiste du mouvement islamiste chérifien. « L’avenir est aux ONG (organisations non gouvernementales) », dira pour sa part Jamila Settar, présidente active d’une association versée dans la défense des droits de la femme et de l’enfant. Elle nous informe que pas moins de 20 000 ONG ont vu le jour au Maroc au cours des dix dernières années. « Elles abattent un travail considérable dans l’émancipation de la société marocaine », ajoutera-t-elle, insistant sur l’efficacité de ces associations apolitiques présentes dans le tissu social en ville et à la campagne et de citer, pour preuve de cette avancée, l’application de la moudawana, le nouveau code du statut personnel, qui consacre pratiquement l’égalité entre l’homme et la femme. C’est l’une des meilleures réalisations du royaume chérifien sous le règne du jeune roi Mohammed VI. Tous les gens de gauche notamment insistent à dire que c’est là un acquis indéniable dans la démocratisation d’un pays « plombé par 40 ans d’absolutisme et de dérives totalitaires », selon Abdellah Zâzâa, un ancien hôte des geôles du défunt roi Hassan II.

Notre interlocuteur, activiste de la défunte organisation trotskiste Ila el amam qui revendiquait dans les années 1970, entre autres, l’instauration d’une république laïque sur les terres de Sa Majesté, s’intéresse aujourd’hui à la vie de quartiers. L’homme condamné à perpétuité puis gracié dans les années 1980 a eu le temps de revoir ses ambitions politiques à la baisse. Surtout ses illusions dans un système fermé par le makhzen. Il s’intéresse « prioritairement » à la vie des quartiers périphériques de Nimer et Bouchentouf. Des cités déjà prises en charge par les militants besogneux et convaincus du mouvement islamiste. Des militants que l’on retrouvera aussi bien dans la ville la plus tentaculaire du royaume, mais également dans les autres grosses agglomérations de Tanger, Rabat, Fès, Meknès, Marrakech et Oujda. « Efficace dans son action de proximité, le mouvement islamiste travaille la société marocaine dans le long terme et pas nécessairement dans une attitude conflictuelle avec ceux qui s’apparentent au mouvement moderniste », dira Layadi. Et c’est ce choix qui semble faire peur aux courants démocratiques. Une peur alimentée par « l’exemple » offert par les 16 Marocains kamikazes de la carrière Thomas du bidonville de Sidi Moumen qui se sont fait sauter sur des objectifs touristiques et administratifs de la ville de Casa qui détient, à elle seule, plus de 50% de l’ensemble du potentiel économique marocain. Des cibles « symboliques » édifiées dans le giron d’une administration décriée par tous parce que obsolète et surtout soumise à la loi du plus fort.

« Les terroristes sont de chez nous, donc arrêtons de trouver des complots de l’extérieur », dira Abou Bekr Jamaï, le jeune et rebelle directeur du magazine. Le Journal. Le téméraire homme de plume qui a reçu l’année dernière le prestigieux prix de la liberté d’expression décerné par l’organisation américaine CPJ, l’équivalent de celui reçu par Omar Belhouchet en 1993, n’est pas le seul à insister sur le travail de fourmi du mouvement islamiste, notamment celui du PJD (présent au parlement avec 43 sièges PJD pur jus appuyé par une bonne trentaine de sympathisants convaincus). « Faites un tour du côté des bidonvilles de Moulay Rachid, El Barnoussi, El Hai El Hassani et El Ouelfa et vous serez édifié sur leur stratégie de maillage », nous avertit Jamai. « C’est parce que les partis ont manqué à leur devoir que les islamistes ont su investir le terrain », ajoutera Mahboub Dali, un artiste de style ghiouane qui a rangé aujourd’hui son instrument de joie et son implication dans les luttes démocratiques.

L’homme, dépassant la cinquantaine, ancien membre de l’UNFP, est blasé. Il est cependant indéniable que le gouvernement marocain a lancé de grands chantiers de mise à niveau l’électrification rurale à l’échelle du pays, le désenclavement de régions, le fonçage de puits en milieu rural, l’alphabétisation, la restructuration du tissu industriel, l’aménagement du territoire pour un équitable accès au développement afin d’éradiquer, sinon atténuer les dysfonctionnements graves qui ont donné naissance à toutes les fractures sociales mais, de l’avis de tous, le chemin à parcourir reste encore long. « Rien n’est définitivement acquis », dira Houfaidi Settar, professeur de droit public et de relations internationales à l’université de Casa. « Il faut conforter le combat de l’émancipation par une vigilance sans faille », insistera l’universitaire membre de l’unité de formation et de recherche en études euroméditeranéennes. La presse économique, très critique, il faut le reconnaître, rappelle à longueur de pages et de jours, la nécessité de réformer d’abord le système makhzénien.

Et quand on parle makhzen au Maroc, on touche pratiquement aux fondements du régime mis en place depuis des siècles par une monarchie séculaire. La France qui avait établi le protectorat au tout début du XXe siècle n’avait pas jugé bon de le changer. La colonisation s’était faite par superposition de structures administratives de gestion des hommes et non par un remplacement radical de modèles antérieurs. C’est cet héritage qui semble poser aujourd’hui problème. Il faut se dire que ce n’est pas la personne du roi qui est mise en cause. Toutes les personnes que nous avons interrogées, aussi bien celles de droite que de gauche, celles islamistes ou celles appartenant au courant laïque démocrate, admettent que les discours sur la nature du régime (monarchique ou républicain) n’ont plus lieu d’être. La royauté est un élément constitutif de la nation marocaine. Sur ce point précis, le débat semble clos définitivement.

Sous les fourches caudines de la Banque mondiale

Le style M6 semble plaire, le rajeunissement progressif de son staff de conseillers est souligné à chaque fois, sa disponibilité à raffermir juridiquement et socialement la citoyenneté marocaine est saluée par l’ensemble des femmes et hommes qui luttent aujourd’hui sur les terrains des droits de l’homme. Par contre, ce qui semble poser problème, c’est le système dans lequel évolue le souverain. Un système qui, malgré toutes les ouvertures politiques et sociales réalisées cette dernière décennie, reste figé sur des dogmes et des pratiques de pouvoir et de « cérémonials éculés », selon Tozi, incompatibles avec le libéralisme prôné notamment par les instances nationales en charge du développement économique et des institutions internationales (FMI-Banque mondiale-Associations des droits de l’homme) à cheval sur les questions de transparence dans la gestion des biens publics et des
libertés individuelles. Les représentants politiques, recrutés dans les partis émiettés par les scissions internes, et les syndicats rongés par les doutes et les histoires de leadership, restent confinés dans de vieilles querelles idéologiques passées de mode et « si le régime, passé il n’y a pas très longtemps maître dans l’art de la domestication, leur fait appel, c’est plus pour servir d’alibi réel que comme contrepoids », estime Zâzaâ, président d’une fédération qui englobe 94 associations de quartiers. Une grande démobilisation est cependant observée chez les jeunes, et les taux d’abstention lors des élections locales et nationales sont effarants à chaque consultation électorale, nous dira un directeur d’école publique déprimé lui aussi par cette attitude de dédain vis-à vis de tout ce qui a trait à l’exercice du devoir civique.

Casa (la capitale économique) et à un degré moindre Rabat (la capitale politique) pourraient être l’archétype du Maroc actuel. Ces deux cités distantes d’une centaine de kilomètres l’une de l’autre et que relient des trains d’une grande précision, toutes les demi-heures, offrent au même moment au visiteur étranger l’image la plus moderne du Maroc post-Hassan II, mais également la plus hideuse. En effet, le royaume du XXIe siècle dans ses dimensions urbanistiques et technologiques passe allègrement et sans transition au royaume du dénuement. L’avant-goût est déjà servi lorsque vous prenez le train, d’une propreté irréprochable, il faut le souligner, pour contourner les innombrables bidonvilles qui enserrent ces deux cités assiégées de demandes sociales et de rendez-vous de la Banque mondiale. L’anachronisme est là et il indique clairement comment les tensions sociales aggravées et qui sont encore présentes avaient failli créer l’irréparable ce fameux 16 mai 2003.Un cataclysme qui a remis les compteurs à zéro de « tous ceux qui croyaient que le Maroc était immunisé » pour reprendre Layadi. « La confrérie » d’El âdl oual ihsane comptabiliserait 100 000 adhérents, selon quelques-uns.

Contrairement au PJD, adepte de l’entrisme et admirateur déclaré des partis islamistes turcs, El âdl oual ihsane s’est toujours refusé de figurer au Parlement et au gouvernement. « Nous avons 1 million d’adhérents sur le territoire national, mais nous refusons d’être une association croupion », clame son état-major installé à Salé que l’indolent Oued Bouregreg sépare de Rabat. Pour rester dans la comparaison, disons que le riche du quartier chic d’Anfa à Casa ne partage presque rien avec l’ouvrier agricole déraciné du Tafilalet qui vient vendre « quelque chose » à Derb Ghellaf, espace privilégié de toutes les contrefaçons et marché préféré de tous les débrouillards de la terre. L’homme d’affaires marocain, qui fréquente les palaces des hôtels des boulevards Forces armées royales et de Moulay Hassan, ne cultive aucune espèce d’idée de rapprochement avec l’habitant du quartier populaire El Miter ou encore celui de la Carrière centrale, lieu de toutes les dérives et terreau fertile à La Salafia El Jihadia qui ne nous rappelle pas que de bons souvenirs. Le premier pensera aux conséquences sur ses affaires à la lisière de l’illégitime de l’accord de libre-échange signé dernièrement entre le Maroc et les Etats-Unis et des restrictions budgétaires proposées par l’inamovible ministre de l’Economie Fethellah Oualalou, alors que le second s’interrogera avec peine sur l’augmentation subite du prix de la sardine. Ce poisson bleu qui, à son tour, quitte l’assiette du pauvre pour cause de cherté et... d’inflation. Le fossé est concret dans la répartition et l’occupation de l’espace urbain, dans les fréquentations sociales et dans les attentes de chacun à l’ombre d’un makhzen encore pesant dans les relations quotidiennes. Quand l’un réfléchit longuement au matériau noble nécessaire à l’embellissement de sa piscine personnelle réalisée grâce à une grima glissée en douce à « l’autorité » du coin, l’équivalent de notre tchipa administrative, rentrée dans les mœurs, l’autre, l’indigent de Bab Marrakech, propose sa fille de 6 ans comme « bonniche » à trois cents dirhams le mois pour la famille du quartier aisé d’El Mâarif. « 30 000 fillettes recensées, uniquement à Casa, âgées entre 5 et 15 ans, travaillent comme domestiques dans des conditions d’esclavage chez des familles moyennes ou riches », nous apprend Me Settar. Il y aurait même des sortes de rabatteurs des intermédiaires payés pour trouver l’enfant idéal à la corvée. L’enfant coupé de sa famille ne gémira point sous les rafales d’humiliations, d’insultes et d’attouchements. Les petites filles de 12-13 ans font du baby-sitting, s’occupent des courses, de la vaisselle, du linge à sécher et accompagnent les enfants de leurs employeurs à l’école. Les autres villes du royaume comme Tanger ou Marrakech n’échappent pas à ce phénomène. Les salaires sont fixés en fonction de l’âge de la fillette. Cela va de 300 à 500 dirhams l’équivalent de 50 euros par mois. C’est l’horrible prix de l’informel et de la précarité où moins de 5% de la population bénéficient d’une couverture sociale.Le gouvernement de Driss Jettou, multipartiste, lui aussi venu voilà plus deux ans juste après le premier gouvernement d’alternance « socialiste » installé en deuxième moitié des années 1990, en 1997 exactement, sous le règne finissant de Hassan II, organise séminaire sur séminaire sur la bonne gouvernance, dans les grands palaces où se pavanent des charretées ininterrompues de touristes européens, japonais et américains en mal de soleil mais chez le petit peuple, « le grand peuple » qui vit d’expédients, dira Tozi, et chez le commerçant naturellement plus à l’aise dans l’informel et qui fait partie des 48 % des importateurs qui ne disposent même pas d’un local pour justifier de leur activité, l’intérêt est effectivement ailleurs. A chacun son univers. Fethellah Oualalou, encore lui, jette ces jours-ci un véritable pavé dans la mare en levant le voile sur les énormes inégalités en matière de politique salariale. Le ministre des Finances et de la Privatisation y divulgue les salaires des hauts cadres de l’Etat qui varient de 200 000 à 50 000 DH, d’un haut fonctionnaire à l’autre. Au Maroc, dans l’imaginaire collectif, le pouvoir c’est le roi. « La population en est profondément imprégnée. A parler franchement, l’élite élue ne pèse pas lourd face à la monarchie », nous dira Saâd Saâdi, le parrain des 215 recommandations du fameux « plan d’intégration de la femme dans le développement national » qui a fait sortir les islamistes et les conservateurs de leurs gongs, membre influent du Parti pour le progrès et le socialisme (PPS) et ex-ministre de la Famille dans le gouvernement Youssoufi.

Coupure tangible

Saâdi avoue d’ailleurs que le roi Mohamed VI a fait plus que toute la classe politique réunie pour que la moudawana voit le jour. « Il en est l’artisan principal, même si le texte qui consacre la femme dans son statut de citoyenne à part entière est l’aboutissement de dizaines d’années de lutte, prises en charge par des ONG assurées de la justesse de leur cause. » « Ayant fait le deuil de son défunt père, il est roi à part entière. Mohamed VI construit, aujourd’hui, sa propre image en procédant à un rééquilibrage des forces à l’intérieur du régime qu’il incarne en y injectant sa propre symbolique », signale Tozi. Ces mêmes intervenants font régulièrement des griefs sévères à des élus, exception faite des élus islamistes, des élus payés disent-ils « pour se chamailler entre eux, coupés de leur environnement social ». « Ces représentants, issus presque exclusivement de partis fabriqués par l’administration de Driss El Basri, dans les années 1970 et 1980 gèrent plus leurs affaires que celles de leurs concitoyens et ne représentent finalement que leur personne », soutiennent nos interlocuteurs. La jeunesse exclue des deux chambres à palabres « n’accorde aucune espèce d’attention à ces supplétifs du régime », nous dira un vieux militant de la cause nationale aujourd’hui en retrait de toute vie politique. Là aussi, la coupure est tangible et ce n’est pas le conflit de générations qui atténuerait cette désaffection à l’endroit de la politique et des professionnels qui l’exercent.

Les Marocains désœuvrés de moins de 30 ans que nous avons interrogés dans nos déplacements dans le royaume n’aspirent dans leur grande majorité qu’à une seule chose : humer l’air de l’Amérique du Nord ou fouler du pied les immenses avenues des cités métropoles de la vieille Europe. 1020 réseaux de passeurs d’immigrés clandestins ont été démantelés en 2003 avec la capture de pas moins de 65 000 candidats à l’eldorado de l’hémisphère Nord. Des réseaux utilisés principalement par les immigrés montés des pays de l’Afrique sub saharienne mais également par de jeunes Marocains sans perspectives. Des jeunes qui exercent, à défaut de mieux, tous les métiers de la misère : cireur, petit vendeur, jardinier ambulant, marchand de khôl, gardien de voitures, moutchou de hammam, pickpocket ou videur de cabaret. Chez la couche des cadres en poste, la situation n’est guère reluisante, car au sein de cette dernière on se fait des soucis principalement pour les enfants. On n’est plus dans une logique d’émigration économique mais bel et bien dans un choix de société qui garantisse l’avenir de la descendance. L’école publique, nous apprend-on, est carrément en panne et l’école privée, en pleine expansion, ne propose guère mieux en fin de cursus scolaire même si « comble du paradoxe, les institutrices fonctionnaires du secteur public, émargeant au budget de l’Etat, inscrivent leurs enfants chez le privé », nous informent Fatna Bent Ali, membre d’une association de lutte contre l’analphabétisme des femmes en milieu rural.

Diplômes sous verre

« La prestigieuse Ecole supérieure de Mohamadia forme des ingénieurs en informatique pour la France et le Canada », ironise Abdelatif Mansour, un diplômé qui a dû mettre ses diplômes sous verre pour faire chauffeur de taxi. Il écoute comme tous les taxieurs de Casa qui nous ont pris en course des chansons du défunt cheb Hasni. « Il sait mieux que tout le monde parler de notre malvie, c’est notre star nationale. » Nous apprenons, par la suite, que 500 000 chômeurs diplômés, qui ont fait parallèlement l’école d’« El âdl oua El Ihsane dans les campus embrigadés par les barbus » attendent un hypothétique emploi et que pas moins de 12 000 nouveaux universitaires, venus par an sur le marché, élargiront cette frange de demandeurs de boulot qui iront grossir les 30 % de chômeurs « officiellement » déclarés. Une bombe à retardement. Une contrainte qui ne facilite pas la tâche d’un gouvernement sommé justement de dégraisser dans des pans entiers du secteur économique et d’une administration pléthorique que le makhzen a eu tout le temps de façonner à son image. Et son image, c’est l’immobilisme que tente de perpétuer une classe politique réticente à toute idée de redistribution du pouvoir. Une classe qui ne semble pas le moins du monde inquiétée par un secteur informel faisant « directement » vivre 20% de la population parce qu’encouragée, quelque part, à compter sur la protection des émules du... makhzen. Tout le monde trouve son compte quand la gestion est opaque. Chez les rentiers du système un peu plus. Des travaux d’Hercule qu’un gouvernement à lui seul ne peut réaliser. Même animé par toutes les bonnes volontés du monde.

Par Bouziane Ben Achour, elwatan.com