Accueil > INTERNATIONAL > Palestine : le compte à rebours pour une paix juste

Palestine : le compte à rebours pour une paix juste

mardi 11 janvier 2005, par Hassiba

Malgré le boycottage du Hamas et l’opposition des mouvements hostiles au renoncement à la lutte armée, Mahmoud Abbas a remporté, sans surprise, l’élection présidentielle palestinienne qui s’est déroulée le 9 janvier dans les territoires occupés, avec 65% des suffrages, selon les premiers sondages à la clôture des opérations de vote.

Candidat du Fatah et actuel chef de l’Organisation de libération de la Palestine, depuis le décès de Yasser Arafat le 11 novembre dernier, Abbas a appelé à la reprise des pourparlers avec Israël juste après le scrutin qui coïncide avec l’installation d’un nouveau gouvernement Likoud-travaillistes.

Environ 1,2 million de Palestiniens sur un total de 1,8 million d’électeurs pour une population de 3,7 millions d’individus, dont la majorité est âgée de moins de 18 ans, selon des chiffres communiqués par la Commission électorale, étaient appelés, dimanche 9 janvier, à désigner le successeur de Yasser Arafat à la Présidence de l’Autorité palestinienne. 8 000 prisonniers palestiniens détenus par Israël n’ont pu voter. Les Palestiniens de l’extérieur et des camps de réfugiés en ont été également exclus. Si Israël, sous les pressions internationales, américaines notamment, a autorisé les Palestiniens vivant dans la partie orientale d’El Qods à se rendre aux urnes, ils ont été autorisés à le faire dans des conditions très restrictives, en raison de l’enjeu politique que représente la ville sainte dont Israël souhaite faire sa capitale définitive.

El Qods, enjeu électoral

Ainsi, la campagne électorale à El Qods n’a pu se tenir que dans des lieux privés et avec l’accord des autorités israéliennes qui délivraient aux candidats le laissez-passer pour se rendre dans la cité. A El Qods, également, les opérations dans les 6 bureaux de poste se sont déroulées sous surveillance de 1 500 membres des forces de l’ordre israéliennes et des observateurs internationaux, dont l’ancien président américain Jimmy Carter et l’ex-Premier ministre français Michel Rocard.

Il s’agit de la seconde présidentielle organisée depuis la création, en 1993, de l’Autorité palestinienne suite aux accords d’Oslo. Arafat avait été élu avec 80% des voix en 1996 pour un mandat de quatre ans, mais le renouvellement des instances intérimaires chargées de l’administration de Ghaza et de la Cisjordanie avant l’établissement d’un Etat palestinien, conformément au processus d’Oslo, a été empêché par le blocus israélien et la stratégie d’élimination politique de Yasser Arafat, enfermé dans la Mouqataa.

Le scrutin du 9 janvier 2005 sous occupation militaire présente donc un double enjeu : reconduire ces institutions intérimaires, juridiquement obsolètes, et désigner une direction palestinienne, présidence et gouvernement, devant permettre la reprise des négociations comme le souhaite le quartette.Mahmoud Abbas « Abou Mazen », dirigeant de l’intérim, nouveau chef de l’Organisation de libération de la Palestine après la mort de Yasser Arafat, avait été désigné par le Fatah comme son candidat fin novembre. Premier ministre démissionnaire durant la présidence d’Arafat, Abbas, qui déclare se situer dans la ligne d’Arafat, a réaffirmé les revendications palestiniennes dans le contexte d’une reprise éventuelle des pourparlers avec Israël : un Etat palestinien en Cisjordanie, dans la bande de Ghaza et El Qods-Est, et le droit au retour pour les réfugiés palestiniens de 1948.

Face à Abbas, 6 candidats sur les 10 enregistrés initialement étaient en lice. Deux représentants des formations historiques : Tayssir Khaled, l’un des principaux dirigeants du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) est rentré d’exil après la création de l’Autorité palestinienne. Il est également membre du comité exécutif de l’OLP depuis 1991. Son mouvement, opposé au processus d’Oslo, avait boycotté les élections générales de 1996. Le FDLP aurait investi M. Khaled, faute de candidat commun avec un mouvement palestinien. L’ex-Parti communiste, le Parti du peuple palestinien, était représenté par Bassam Al Salhi, son secrétaire général qui a participé à la première Intifadha. Al Salhi, emprisonné à plusieurs reprises, avait pris position contre les négociations de Camp David en 2000.

Les lignes rouges héritées de l’ère Arafat

Candidat indépendant, Moustapha Barghouti était cependant soutenu par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), autre mouvement hostile aux accords d’Oslo. Abdelhalim Al Ashkar, vivant aux Etats-Unis, a été arrêté deux fois par les autorités américaines et placé sous résidence surveillée. Saïd Baraka, homme d’affaires et professeur d’arabe à Ghaza, se présentait sans étiquette. Arrêté par Israël et expulsé vers le Liban-Sud en 1989 en raison de ses liens avec le Djihad islamique, il est rentré à Ghaza en 1996. Il est membre du Conseil national palestinien. Abdel Karim Shaber, avocat à Ghaza et candidat indépendant, a fait campagne sur le droit au retour des réfugiés. Le désistement le plus spectaculaire est celui de Marwane Barghouti, chef du Fatah en Cisjordanie, emprisonné par Israël. Le Hamas et le Djihad islamique ont, quant à eux, appelé au boycottage de l’élection, tout en précisant qu’ils coopéreraient avec le président élu. Le mode de scrutin en vigueur le 9 janvier a été la proportionnelle simple à un tour.

Le candidat ayant recueilli le plus grand nombre de voix -et pas nécessairement la majorité absolue- est proclamé président de l’Autorité palestinienne pour un mandat de quatre ans, renouvelable une seule fois. La Commission électorale palestinienne avait entamé la mise à jour des listes électorales entre septembre et octobre 2004. Environ 67% des électeurs potentiels se font enregistrer.

Embûches sur le chemin de la paix

Avant même la proclamation officielle des résultats prévue le lundi 10 janvier, Mahmoud Abbas était crédité de 65% des voix, contre 20% à Mustapha Barghouti, son principal concurrent, alors que le taux de participation était estimé à 66% par la Commission centrale des élections. Certes, la victoire de Mahmoud Abbas, qui a besoin d’une majorité écrasante pour asseoir une légitimité, était largement attendu. Pour le ministre palestinien Saeb Erekat, ce scrutin « est un message au président Bush, au reste du monde : le problème que nous avons ici, ce n’est pas la sorte de système que nous avons, ce n’est pas la réforme, c’est l’occupation israélienne ». Le président américain estimant que toute reprise des pourparlers israélo-palestiniens devait s’accompagner d’une vaste réforme du gouvernement palestinien.

Avant la fin même du scrutin, Ariel Sharon, qui soumettait, le 10 janvier, son nouveau gouvernement d’union nationale à un vote de confiance de la Knesset, s’était dit prêt à rencontrer Mahmoud Abbas. Si la victoire de Abbas et la formation du nouveau gouvernement israélien sont perçue par la plupart des observateurs comme une étape clé vers la résolution du conflit israélo-palestinien, de redoutables défis n’en attendent pas moins Abbas. Sur le plan interne, les principaux mouvements palestiniens, qui s’étaient engagés à ne pas entraver le bon déroulement de l’élection, ne partagent pas les positions défendues par le successeur d’Arafat quant à la méthode de négociation avec Israël. La question du renoncement sans condition à la lutte armée étant un sujet de discorde majeur. « Nous respectons le choix du peuple palestinien, mais pour Abou Mazen, avoir obtenu 70% des voix des électeurs inscrits signifie qu’il a eu le soutien de quelque 35% des Palestiniens. C’est très faible », a estimé le cheikh Hassan Youssef, dirigeant du Hamas en Cisjordanie. Une manière de signifier que le président palestinien n’aura pas la latitude complète de négocier sur des bases non consensuelles.

Et la première interrogation demeure l’échéance de création d’un Etat palestinien. Verra-t-il le jour en 2005, alors que le plan israélien de retrait de Ghaza ne démarre que cette année et s’étalera en plusieurs phases ? Pour le président George Bush, l’élection constitue « une étape essentielle vers l’objectif d’un Etat palestinien ». La promesse d’une augmentation de 50% de l’aide financière aux Palestiniens (200 millions de dollars) constituera-t-elle une compensation suffisante pour désamorcer les revendications des camps de réfugiés ?

De plus, si le Premier ministre israélien qualifie Abbas d’« interlocuteur valable », il n’en exige pas moins le désarmement des Palestiniens en préalable au lancement de négociations. Or, de la satisfaction ou non des revendications palestiniennes dans des délais acceptables avec un agenda concret pour la création d’un Etat palestinien indépendant dépendent le mandat d’Abbas et son option stratégique de « démilitarisation ». La conférence internationale prévue à Londres le 1er mars débouchera-t-elle sur une solution favorable aux Palestiniens ? Israël n’y participera pas et le Fatah la désapprouve. Le compte à rebours ne fait donc que commencer.

Par Chabha Bouslimani, La Tribune