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Polygamie : dissuader par les allocations familiales

mercredi 30 mars 2005, par Hassiba

Officiellement, la polygamie est interdite en France. Mais l’Etat a constamment fermé les yeux sur ces 12 000 ménages à plusieurs épouses pour éviter le casse-tête d’une séparation obligatoire aux yeux de la loi, mais souvent impossible à mettre en oeuvre.

Pour sortir de l’impasse, Nelly Olin, ministre déléguée à l’Intégration, entend bousculer l’économie des foyers polygames. Elle propose de « mettre les allocations familiales sous tutelle » pour s’assurer qu’elles « bénéficient bien aux enfants et non à l’enrichissement du père polygame ». Lors d’un renouvellement de titre de séjour ou d’un signalement, une fois la polygamie avérée, un juge pour enfants désignerait un administrateur extérieur au ménage. Ce dernier répartirait l’argent entre les mères, à la condition qu’elles soient séparées, et surveillerait les dépenses.

Cette mesure s’inspire d’un amendement proposé en décembre dernier par l’élue UMP du Val-de-Marne, Chantal Brunel, « pour empêcher la capitalisation et le détournement des prestations familiales des allocataires polygames » et « tenter d’arrêter les flux » d’immigration. A l’époque, des députés UMP avaient chiffré le « coût » des familles polygames entre « 150 et 300 millions d’euros par an pour la communauté nationale et les services sociaux ».

Nelly Olin avait promis qu’elle retiendrait l’idée. Elle l’a incluse dans un ensemble de propositions législatives sur les droits des femmes issues de l’immigration, élaboré conjointement avec Nicole Ameline, ministre chargée de la Parité, et qui sera examiné à Matignon cette semaine. Prudent, l’entourage du premier ministre se dit « au stade de la réflexion » sur le sujet.

Car la mise sous tutelle des allocations familiales pourrait se heurter aux mêmes difficultés que la décohabitation prônée par une circulaire de 2001. Le mari devait se séparer de ses deuxième ou troisième épouses arrivées en France après 1993, sous peine de voir son titre de séjour suspendu. Dans les faits, peu de familles ont joué le jeu et peu de titres de séjour ont été retirés, car, concède le ministère de l’Intérieur : « Il est très difficile de prouver l’état de polygamie. »

Les associations de défense des femmes de l’immigration hésitent elles aussi sur la ligne à suivre. Certaines préfèrent promouvoir des aménagements de la polygamie et proposent d’installer les différentes épouses sur le même palier. C’est le cas de Kumba, présidente du Baobab, une association des Mureaux (Yvelines), où vivent 80 familles et leurs 1 000 enfants. « Décohabiter, oui. Divorcer, non ! », dit-elle.

Au GIP, groupement d’intérêt public national chargé de mettre en oeuvre le relogement des épouses, on reconnaît à mi-voix les limites de la lutte contre la polygamie. « La décohabitation ne marche que pour les femmes qui voulaient sortir de la polygamie. Les autres restent dépendantes. » Certaines ne maîtrisent plus leurs enfants lorsqu’elles se retrouvent seules et gèrent mal les aides aux mères isolées qu’elles perçoivent.

La tentation du statu quo se heurte cependant à un inquiétant constat : les enfants des familles polygames, élevés dans la promiscuité et parfois pris dans les rivalités entre co-épouses, sont surreprésentés dans la délinquance des mineurs, selon les premiers éléments d’une enquête conduite au ministère de la Famille. « Faute de place dans l’appartement, ce sont de véritables bandes de jeunes enfants qui traînent tard le soir dans les rues et commettent des méfaits », confirme Isabelle Gillette-Faye, la présidente du Groupement pour l’abolition des mutilations sexuelles (Gams). Elle approuve donc une « mise sous tutelle à condition qu’elle soit transitoire ».

Nelly Olin doit encore convaincre pour faire passer sa proposition. D’autant que la suspension des allocations familiales a toujours été un sujet politiquement délicat à gérer.

Par Cécilia Gabizon , lefigaro.fr