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Terri Schiavo est morte

vendredi 1er avril 2005, par nassim

Dans le coma depuis quinze ans, l’Américaine Terri Schiavo était au cœur d’une bataille entre son mari et ses parents, ces derniers voulant la maintenir en vie.

C’est la fin d’une tragédie personnelle devenue l’enjeu d’un vaste débat sur l’euthanasie aux Etats-Unis. Jeudi matin, un peu après 9 heures, heure américaine, Terri Schiavo, la Floridienne de 41 ans plongée dans un état végétatif depuis 15 ans, est décédée dans sa clinique de Pinellas Park, au sud-est de Tampa.

Le 18 mars dernier, sur décision d’un juge, les médecins avaient débranché ses tubes d’alimentation. Déclenchant alors une bataille politico-juridique de tous les instants, tandis que George W. Bush, soutenu par la droite républicaine au Congrès et par le mouvement chrétien, était directement intervenu pour essayer de maintenir la jeune femme en vie. Depuis quinze jours, la saga de Terri Schiavo n’a pas quitté la Une de la presse américaine. Et jeudi encore, ses derniers instants ont donné lieu à une nouvelle controverse. Ses parents, Bob et Mary Schindler, qui se sont battu jusqu’au bout pour tenter de faire réalimenter leur fille, ont accusé son mari et tuteur légal, Michael Schiavo, de les avoir empêchés d’être présents lors du décès. « C’est une honte, tout cela est impensable », a commenté Randall Terry, le directeur d’Operation Rescue, le groupe anti-avortement qui a organisé de nombreuses manifestations à Pinellas Park pour s’opposer à « l’éxecution » de Terri.

C’est en 1998 que Michael Schiavo,

Terri Schiavo

aujourd’hui avec une autre femme, était intervenu pour la première fois devant un tribunal de Floride, pour essayer d’interrompre l’alimentation artificielle de Terri. Selon lui, sa femme, tombée dans un état végétatif en 1990 après un un arrêt cardiaque provoqué par une carence en potassium, lui avait toujours dit qu’elle ne voudrait pas vivre si elle n’avait pas toutes ses fonctions. Très vite toutefois, les parents de Terri, qui assurent que leur fille « leur répond » et espèrent une rémission, s’opposent à l’époux. La bataille devant les tribunaux va donc durer plus de sept ans. A deux reprises, en 2001 et 2003, les tubes d’alimentation de Terri sont débranchés, avant d’être reconnectés. Mercredi soir encore, après plus d’une dizaine de recours devant les tribunaux, les parents ont demandé une ultime intervention de la Cour Suprême, la deuxième en moins d’une semaine. La plus haute instance juridique américaine a cependant refusé de considérer la réalimentation de la jeune femme.

Mais c’est sans aucun doute la dimension politique de l’affaire qui a résonné le plus aux Etats Unis. Le 18 mars, alors que les tubes étaient « débranchés », plusieurs leaders républicains au Congrès s’étaient emparés du dossier au nom de la protection du « droit à la vie ». Ils décident alors de repousser leurs vacances de Pâques et de rester le week-end à Washington, pour faire passer une loi spéciale demandant à un juge fédéral de reconsidérer le cas. George W. Bush écourte son week end dans son ranch de Crawford, pour venir signer la législation au milieu de la nuit. Il déclare que « dans des cas si compliqués, mieux vaut toujours se placer du coté de la vie ».

L’intervention du président et des élus n’aura pourtant pas forcément l’effet escompté. Les juges, tout d’abord, refusent d’intervenir. De nombreux commentateurs se demandent également si le Congrès et le locataire de la Maison Blanche n’ont pas outrepassé leur pouvoir, en s’immisçant dans une affaire privée sous la pression des groupes chrétiens conservateurs. Dans plusieurs sondages, les Américains disent alors regretter à plus de 70% l’intrusion des politiques dans l’histoire, mettant en avant une nécessaire « séparation des pouvoirs ». En une semaine, Bush voit alors sa cote de popularité chuter de sept points dans les sondages. Une baisse que les experts attribuent en partie à la saga Schiavo.

Jeudi, depuis la Maison Blanche, le président a néanmoins choisi de réiterer ses convictions. « Aujourd’hui, des millions d’Américains sont attristés par la mort de Terri Schiavo », a-t-il déclaré. « Je demande à tous ceux qui l’ont honorée de continuer à travailler pour construire une culture de la vie. » A Pinellas Park, le corps de Terri Schiavo devait être transporté dans l’après-midi pour subir une autopsie demandée par Michael Schiavo, celui-ci voulant « montrer au monde » les séquelles au cerveau subies par sa femme. Mais le combat autour du corps de la jeune femme pourrait se poursuivre : Bob et Mary Schindler se sont pour l’instant formellement opposés à la crémation voulue par leur gendre...

Par Fabrice ROUSSELOT, liberation.fr