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Tirs groupés contre Donald Rumsfeld

mardi 18 mai 2004, par Hassiba

A peine le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld tente-t-il de sortir la tête de l’eau glauque du scandale sur sa responsabilité personnelle dans les sévices infligés à des soldats irakiens détenus dans la prison d’Abou Ghraïb qu’il est vite rattrapé par l’actualité qui ne semble plus vouloir le lâcher.

Les nouvelles accusations du journaliste du New Yorker, Seymour Hersh, celui-là même qui avait révélé avec la chaîne CBS le scandale en question impliquant nommément Donald Rumsfeld et ses collaborateurs, Paul Wolfowitz et le chef de l’état -major interarmées Richard Myers ont de nouveau placé le haut commandement militaire américain sur le gril. Les sévices infligés aux prisonniers ont été « la résultante d’une décision approuvée secrètement en 2003 par Rumsfeld et ses collaborateurs », a révélé le journaliste du New Yorker. Sur ordre du secrétaire à la Défense, une unité d’élite de l’armée spécialisée dans les interrogatoires musclés avait infiltré sous de fausses identités la prison d’Abou Ghraïb pour la mission très spéciale de faire parler les prisonniers irakiens par des méthodes peu orthodoxes qui ont terni davantage encore l’image des Etats-Unis présentés comme le berceau des droits de l’homme. Le Pentagone s’est empressé de démentir les informations du New Yorker tandis que le principal accusé, Donald Rumsfeld, sur lequel l’étau se resserre de plus en plus, observait toujours un silence embarrassé sur ces nouvelles accusations.

Et dans son malheur, il ne peut même plus compter sur ses amis de l’establishment lorsque le secrétaire aux Affaires étrangères, Colin Powell, en vient par des déclarations sentencieuses à lui faucher les fragiles béquilles sur lesquelles il continue désespérément de s’appuyer pour tenter de sauver sa peau et celle du gouvernement en place dans cette affaire dont ils se seraient bien passés en cette période préélectorale. « J’ai honte » s’est exclamé le secrétaire aux Affaires étrangères interrogé par la chaîne de télévision NBC révélant qu’il avait été induit en erreur quant à la vérité sur la détention des armes de destruction massive par l’Irak reconnaissant que la cia avait « délibérément » diffusé cette fausse information sur la base de témoignages d’un Irakien, un ingénieur chimiste, frère d’un collaborateur de Chalabi, homme des Américains, membre du Conseil provisoire irakien.

Le mea culpa de Colin Powell sonne comme un désaveu de l’engagement militaire américain en Irak justifié par la prétendue possession par l’Irak des Adm dont ni les inspecteurs en désarmement de l’Onu, ni les marines n’ont trouvé la moindre trace. Colin Powell, le général reconverti dans des responsabilités civiles, se dédouane donc comme il peut dans ce mauvais feuilleton irakien qui n’en finit pas chaque jour d’apporter son lot de révélations et de rebondissements en chargeant les services de renseignements américains comme cela fut le cas lors des attentats du 11 septembre où l’Administration Bush avait fait endosser la responsabilité de ces attentats au Fbi pour n’avoir pas été informé de la préparation de ces attentats.

Colin Powell, qui semble avoir mal digéré le mauvais rôle qu’on lui avait fait jouer notamment en plaidant devant le Conseil de sécurité de l’Onu un dossier qui s’est révélé vide et monté de toutes pièces avec grand renfort de photos -satellites sur des informations représentant de supposés sites abritant des armes de destruction massive, donne l’impression de vouloir pousser à la manifestation de la vérité pour situer les responsabilités au sein de l’Administration américaine quant à la guerre en Irak et ses conséquences qui n’en finissent pas d’éclabousser les Etats-Unis.

Le remue-ménage

En Jordanie où il se trouvait dimanche pour prendre part au Forum économique mondial, Colin Powell avait estimé en effet qu’il était important « de faire la lumière » sur l’affaire du scandale des sévices infligés à des prisonniers irakiens par les soldats américains. Il appuie ainsi une nouvelle demande de parlementaires américains aussi bien démocrates que républicains en vue d’auditionner le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld pour s’expliquer sur les accusations du New Yorker. « Nous devons mener cette enquête aussi loin que possible », a déclaré sur Nbc le sénateur républicain John McCain, membre de la commission des forces armées du Sénat. La solidarité dans le camp de Bush semble prendre de sérieuses lézardes. On ne veut plus être les dindons de la farce dont les ingrédients ont été concoctés comme tout le prouve aujourd’hui par un cercle restreint de hauts responsables américains regroupés autour de George W. Bush. Après avoir volé au secours de son secrétaire à la Défense la première fois, au début de l’éclatement du scandale des sévices contre les prisonniers irakiens exprimant haut et fort son soutien à Donald Rumsfeld, le président américain aura du mal à continuer à jouer encore longtemps à ce rôle de pompier pour tenter de sauver le soldat Rumsfeld des lignes ennemies sans courir le risque d’y laisser sa peau. Selon un dernier sondage Time/Cnn publié dimanche, les Américains sont de moins en moins nombreux à soutenir l’engagement militaire de leur pays en Irak : 42 % contre 59 % en décembre dernier.

Autant que George W. Bush, la cote de popularité du secrétaire à la Défense ne s’en porte pas mieux . Selon le même sondage, 32 % des Américains interrogés pensent que Donald Rumsfeld devrait démissionner à la suite du scandale de la prison d’Abou Ghraïb. Les excuses, les dénégations du président américain et de son secrétaire à la Défense, les opérations de marketing de ce dernier comme la visite effectuée le 1er mai dernier à la prison d’Abou Ghraïb pour faire diversion une visite qui s’était soldée par la libération de 300 prisonniers irakiens de cette prison de sinistre réputation et l’annonce par le haut commandement américain en Irak de l’abandon de certaines méthodes et techniques d’interogatoire utilisées en Irak tout ce remue-ménage ne pourra pas exonérer l’administration Bush des crimes de guerre commis en Irak, dont il aura à présenter le bilan au peuple américain en novembre prochain lors de l’élection présidentielle.

Par S. Bensalem, elwatan.com