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Tunisie : dégradation des droits de l’homme

mardi 3 mai 2005, par Hassiba

Pour avoir dénoncé les violations des droits humains et l’invitation d’Ariel Sharon en Tunisie, Mohamed Abbou a été lourdement condamné.

Mohamed Abbou

L’avocat Mohamed Abbou, trente-neuf ans, a finalement été condamné à trois ans et demi de prison par le tribunal de première instance de Tunis. Le procès s’est ouvert jeudi matin dans un climat tendu, en présence d’observateurs des barreaux de Paris, Bordeaux, Montpellier, Bruxelles et des Pays-Bas ainsi que de représentants des ambassades de France, de Suisse et du Canada, de Human Rights Watch et de la FIDH. Le verdict a été rendu vendredi aux environs de deux heures du matin. Le tribunal de Tunis était quadrillé par une forte présence policière qui a donné lieu à des échauffourées avec des militants des droits humains tunisiens.

Les policiers ont tenté d’empêcher les amis et les avocats - plusieurs centaines qui s’étaient portées volontaires pour défendre leur collègue - de pénétrer dans l’enceinte du tribunal. La journaliste Sihem Bensedrine a d’ailleurs été molestée à l’entrée du tribunal par des policiers. Cette affaire a mobilisé pratiquement tout le barreau tunisien. Certains d’entre eux observaient un sit-in de protestation à la Maison de l’avocat de Tunis depuis plus de trois semaines.

L’avocat était inculpé dans deux affaires. La première concernait un article paru sur un site Internet dénonçant la torture dans les prisons tunisiennes ; il a écopé d’un an et demi de prison. La seconde est relative à une plainte d’une avocate tunisienne pour « agression » ; il a écopé de deux ans de prison. En fait, cette affaire remonte à 2001. L’avocate en question, proche du pouvoir, avait à l’appui de sa plainte un certificat médical. Or, selon la défense de Me Abbou, il s’agit d’un faux : en réalité, l’avocate a été victime d’un accident de la route, comme l’ont démontré les défenseurs de l’inculpé. Qui plus est, l’instruction de cette affaire s’est déroulée sans permettre à la défense de faire appel à des témoins. De ce fait, les avocats ont dénoncé « un procès politique pour délit d’opinion ». Pour sa part, Me Abbou, qui a reconnu être l’auteur des articles incriminés, a qualifié les procès intentés à des opposants tunisiens de « honte pour la justice » de son pays.

Pour Daniel Voguet, avocat, présent au procès en qualité d’observateur, « c’est une parodie de justice ». Me Abbou a été arrêté chez lui en pleine nuit, « arbitrairement », au lendemain de la publication d’un texte dénonçant l’invitation d’Ariel Sharon par le président Ben Ali pour assister au Sommet mondial sur la société de l’information qui aura lieu en Tunisie en automne prochain. La police a arrêté l’avocat tunisien sans prendre la peine de respecter la procédure en la matière. En effet, selon Daniel Voguet, le dossier d’inculpation a été « fabriqué a posteriori ».

En fait, tout porte à penser qu’en infligeant une si lourde peine à un avocat qui a eu le tort d’exprimer une opinion sur la situation des droits humains en Tunisie, le pouvoir tunisien a cherché à délivrer un signal en direction des avocats tunisiens qui revendiquent, à juste titre, l’indépendance de la justice par rapport au politique, de ne toucher ni à la politique du chef de l’État ni à sa personne, voire à son proche entourage. Par cette lourde sentence, le pouvoir tunisien a tracé les limites que les avocats tunisiens ne doivent pas franchir s’ils ne veulent pas subir les foudres du régime.

Par Hassane Zerrouky, humanite.presse.fr