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"Rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord"

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  • #46
    Bien sur que non, qu'il n'est pas possible de "quantifier" la douleur, mais lorsqu'on affirme quelque chose (4 millions) en l'occurence, et qu'on laisse "imaginer" à son lecteur ce que pu être le "crime" de la colonisation, on peut au moins justifier le chiffre qu'on propose.
    Celà dit, j'ai également parlé des causes de cet hécatombe de population, du en priorité aux calamités "naturelles" de l'époque et surtout des années 1864 à 1869. Cinq années terribles qui virent se succéder sécheresse (et ses conséquences sur 3 années) et épidémies.
    Je ne vise aucun prix Nobel, soyez rassuré, mais j'ai une profonde admiration pour la Vérité historique, même si elle dérange les idées reçues...

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    • #47
      @chitane 83
      vous etes prof d'histoire...il s'agit de notre histoire

      pour le chiffre je te renvoie a ma revue collections d'histoire n15 2002...publiée depuis plus de 25ans par les historiens les plus reputés et non des profs d'histoire a qui on demande ..role positif etc...

      la je cite un un passage du cahiers du centenaire de l'algerie ecrit par jean mirante 1930 directeur des affaires indigenes en algerie" En gros, dans le royaume arabe, pendant la durée du second Empire, les statistiques ont accusé dans le chiffre de la population indigène un recul d'un cinquième. Elle est tombée de 2.500.000 à 2.000.000 d'habitants, en pleine paix, par simple insuffisance de vie moderne et de prospérité matérielle, pendant que la colonisation marquait le pas.".
      ..
      .alors durant le second empire (1852 1870) je te dirais que la petite kabylie n'a été soumise qu'en 1854 les ouled sidi chiokh en 1964 durant plus de six ans ,de spahis et d'el keblouti cherif boubeghla fatma nsoumer 1851 1860sans parler de zaatcha juste vant et el mokrani en 1871...je pourrai m'etalet longtemps sur le sujet ,

      c'est ce que qualifie le directeur des affaires indigene par "en pleine paix".
      .on peut mettre en doute le chiffre qu'il avance sur le recul de la population algerienne qu'il n'a pas pu nier...au fait les chroniques d'epoques rapportes comment les chiens des zaatchas sont devenus sauvages parceque toutes la population a été aneantis ,c'est des chroniques de soldats français....

      je t'invite a lire ce document tres bien commenté et documenté et j'invite les forumiste a le lire en entier car ce que dit chitane 83 et le gouvernement francais actuel est grave:
      http://www.sospsy.com/Bibliopsy/Biblio9/biblio008.htm
      « Puis-je rendre ma vie
      Semblable à une flûte de roseau
      Simple et droite
      Et toute remplie de musique »

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      • #48
        Voilà des chiffres un peu plus plausibles. La révolte Kabyle dont tiennent compte les statistiques de 1872, donne l'évaluation de 20.000 victimes parmi les autochtones. Ce qui est considérable compte tenu des moyens dont disposaient les troupes à l'époque: fusil "Chassepot" à poudre et à un coup, artillerie légère dite de campagne de faible portée, qui avec les pistolets (à un coup) constituaient l'essentiel des armes à feu (pas de mitrailleuse, pas de fusils mitrailleur ou de mitraillette, pas d'artillerie à grande portée et bien entendu pas d'aviation et de chars), et les armes "blanches", sabres et baïonettes. Les plus grandes batailles, entre troupes régulières, faisaient quelques centaines de morts et de blessés, voire quelques milliers et on était loin de connaître les hécatombes humaines de la guerre de 14-18...
        Ne pas évoquer les grandes famines et les épidémies, fréquentes dans ces années là et qui n'avaient rien à voir avec le fait "colonial" relève de la malhonnêteté intellectuelle, il faut tout de même en convenir ! Ce qu'il serait interessant c'est de pouvoir comparer une même pèriode avant 1830, pour avoir une juste évaluation des pertes de population. Mais il n'existe aucun document fiable antèrieurement à cette année là.
        N'oublions pas non plus, que les conflits entre tribus "maures" de l'Est et de l'Ouest algérien faisaient aussi des ravages, avant 1830... Celà dit sans vouloir minimiser le fait que la France n'était effectivement pas "chez elle" en Algérie !

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        • #49
          Intéressant ce que tu écris, Chitane 83.
          Dommage que l'éclairage que tu apportes ne dépasse pas les premières décennies de début de la colonisation.

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          • #50
            la France n'était effectivement pas "chez elle" en Algérie !
            Voila qui est bien car ce n'est pas une affaire de chiffre !

            Si parcontre ce ne sont que les chiffres qui vous interessent il faudrait alors poursuivre vos calcules jusqu'au bout c'est a dire 1962. Sachez monsieur qu'a partir d'un certain seuil les chiffres ne veulent absolument plus rien dire car difficiles a apprehender par l'esprit humain et a mon avis ce serait tenter de banaliser "l'imbanalisable" (excusez la barbarite du terme)

            Dites moi que siginfie pour vous 300 a 700 milles morts d'Hiroshima ?

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            • #51
              lisez ceci
              http://www.sospsy.com/Bibliopsy/Biblio9/biblio008.htm
              « Puis-je rendre ma vie
              Semblable à une flûte de roseau
              Simple et droite
              Et toute remplie de musique »

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              • #52
                A Chitane

                Au début de la conquête les généraux français ont progressivement revisé à la hausse le peuplement de l'Algérie. A l'entame, il leur fallait minimiser le nombre pour justifier d'un pays "vacant". Les statistiques sont l'un des outils de tous les pouvoirs pour supporter leurs politiques.
                A l'époque on raisonnait en terme de nombre de "feux" et par approximation. Le recencement moderne date du 20ème siècle.
                Il faut savoir que la conquête a été présentée à ses débuts comme une "libération" des autochtones de la domination ottomane. L'appétit colonial est intervenu après.
                La stratégie des "libérateurs" à coup de promesse a gelé, le temps qu'il faut, la "solidarité" musulmane. Le reste du pays a laissé les français faire, croyant dur à la déclaration de Tunis (je crois).
                Les tribus et autres beyliks se sont rendus compte trop tard du stratagème de l'occupation. Ceci pour la bataille des chiffres.
                A dire vrai, le fait est que la morale en Histoire est très peu opérante. Il faudra alors refaire les cartes de la planète et celles des territoires tribaux avec.
                Par ex:le rapport de force donne à Israël le droitde la force contre la force du droit. Dans un siècle(si la situation perdure), Israël sera aussi légitime que la TURQUIE qui se base sur des territoires conquis par le "droit de la force".
                L'Etat "Westphalien" se voulait être garant du respect de la souveraineté des Etats. Il est remis en cause par la nouvelle stratégie du droit d'ingérence.
                On peut être libre sans être grand mais on ne peut pas être grand sans être libre

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                • #53
                  Je préfère une réponse mesurée comme celle-ci que ce "Devoir de mémoire" donné par un illustre inconnu sur un site... psy !
                  Texte entaché d'extravagances telle que ce "porte-parole du peuple algérien" qui s'exprime dans les années (18)30 ! A partir du moment où l'on trouve ce genre de choses dans un texte qui se veut "historique" on devient méfiant...Quel "Peuple algérien" ? Rien non plus sur les terres marécageuses de la Mitidja, où furent casés les premiers colons "civils", ni sur les cataclysmes naturels qui creusaient pourtant des coupes sombres parmi la population. Et rien non plus sur l'éviction des Berbères, authentiques "propriétaires" de l'Algérie, par les invasions arabes antérieures à la colonisation française... Ceux-ci, réfugiés dans les montagnes Kabyles et les Aurès-Nementcha, opposeront une farouche résistance à ces "nouveaux" envahisseurs qu'étaient les Français, comme ils l'avaient fait contre les Romains et les Arabes !
                  Alors c'est vrai qu'on trouve de tout et n'importe quoi et surtout une floraison de chiffres tous plus contradictoires les uns que les autres et dire que l'occupation de l'Algérie par la France fut totalement pacifique est contraire à la réalité. Mais dire que cette colonisation fut criminelle et comparable à un génocide est aussi contraire à la réalité et à l'honnêteté

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                  • #54
                    role positif??

                    Les habitants d’Alger, jusqu’alors si réservés, se joignaient au mouvement. Des armes circulaient sous le burnous, passaient les portes. Deux kabyles étaient surpris à la porte de Bab-Azoun, poussant deux chameaux chargés de fusils. Torturés, ils restèrent muets. On les fusilla. On retrouvait des soldats poignardés la nuit dans les ruelles. Arme dont usent les nations mises au secret pour se faire entendre, des carbonari aux fenians de l’Ira, le terrorisme était né. Les Français ne pouvaient plus sortir d’Alger sans risquer leur tête. La marine braqua ses pièces sur la ville. On abattit des maisons pour permettre aux batteries de Bab-El-Oued et de Bab-Azoun de prendre les rues en afilade. Les habitants étaient fouillés, les quartiers ratissés. Quarante conspirateurs furent fusillés ou pendus le 29 juillet. Le manège infernal des exécutions sommaires et des représailles s’ébranlait.

                    Le général Petiet nous raconte que les condamnés à mort chantaient toute la nuit, avant d’aller au supplice. Il demanda à son interprète s’ils n’étaient pas devenus fous. « Non, répondit-il, ils chantent l’hymne des héros martyrs de la foi ». C’est encore ce chant qui s’élève, repris en choeur, des prisons de France et d’Algérie, dans les heures qui précèdent les exécutions de Fellagha.

                    « Qu’avons-nous fait de nos solennelles proclamations? déplorait alors le baron Pichon. C’est ainsi qu’on crée des révoltés qui deviennent des héros pour leurs compatriotes ». Bourmont essaya de renouer les contacts, de prolonger les habituelles équivoques des négociations faussement souhaitées, qui lui avaient si bien servi. On lui répondit qu’un gardien de boeufs de la Mitidja ne voudrait pas être surpris en train de traiter avec un Français ». Nos amis devinrent suspects. Le marabout de Koléa, dont le prestige était immense, le perdit d’un seul coup en le mettant à notre service. « Ben Zamoun, qui avait paru disposé à se rapprocher de nous, écrivit Bourmont, à changé de langage et appelle aux armes ». Pour l’Algérien, la rupture d’une négociation qui n’est pas menée de bonne foi est irréparable. Il est fâcheux que nos maîtres ne s’en soient pas avisés plus tôt.

                    Le parjure était trop grave, la blessure trop profonde. « Les Français, écrit Hamdan, n’avaient pas accompli le centième de leurs promesses, qui étaient formelles... Non, le serment ne devait pas entrer dans les ruses de guerre. Il s’agissait d’honneur et de bonne foi. On peut dire hautement qu’on avait commis un péché politique ». En 1833, les Maures d’Alger diront au roi: « Nous avons été trompés et dupés et maintenant nous supportons toutes les imaginables. Une telle violation des proclamations rendrait féroces les êtres les plus dociles ». Cette violation eut de si graves conséquences qu’une des premières missions assignée à la commission d’enquête, en 1833, fut de rechercher quel avait été sur l’état du pays l’effet de « proclamations qui avaient garanti l’affranchissement des tribus ». Cette violation, répondra-t-elle, est « l’un des plus grands embarras du gouvernement et la source de la plupart des griefs ». Laurence, qui fut longtemps à Paris le directeur des Affaires algériennes, dira encore en 1835, à la tribune du Parlement: « Les proclamations de Bourmont sont des monuments pour les indigènes... Elles sont toujours debout, comme les monuments d’une justice trop longtemps refusée... »

                    Elles devaient peser longtemps encore sur toutes les tentatives de négociations. Lors de celles de 1832, qui furent peut-être notre dernière chance de terminer la guerre d’Algérie par une « protection à l’égyptienne », u duc de Rovigo qui lui demandait la reconnaissance du tribut, Ahmed déclara que, la proclamation du roi ayant garanti l’indépendance, les Algériens en étaient dispensés. « Après avoir violé ces promesses, ajoute-t-il, comment pourriez-vous tenir les traités que vous voulez faire? » Je citerai la réponse du général en chef, elle le mérite: « Le maréchal de Bourmont s’est servi de tous les moyens qu’il jugeait utiles à la perte de ses ennemis. S’il était resté à Alger, il serait revenu sur ce qu’il avait promis. Nous sommes ici par droit de conquête. On ne lit pas le destin, l’avenir appartient à Dieu. « Ahmed Bey dit alors à Hamdan Khodja, qui servait de négociateur: « Ainsi, ils violent leurs engagements au gré de leurs intérêts. Même si nous faisions un traité à des conditions sacrées, ils les violeraient tout comme avant. » Hamdan nous apprend qu’en 1832 les Kabyles répondirent à nos avances qu’on ne pouvait e fier à des parjures. Et voici la réplique des chefs kabyles aux propositions de Bugeaud en 1844: Forts de vos promesses nous avions gardé la neutralité. Nous possédons les écrits de vos prédécesseurs.
                    « Puis-je rendre ma vie
                    Semblable à une flûte de roseau
                    Simple et droite
                    Et toute remplie de musique »

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                    • #55
                      Role Positif??2

                      Tenez vos premiers engagements et le mal n’existera pas entre nous ». Leur langage se comprend. Ces velléités de négociation n’ont jamais été que ruses de guerre à la Bourmont. Que s’était-il donc passé à Alger après le 5 juillet pour que la déception fut si profonde? Laissons répondre les deux témoins les moins discutables et les mieux placés. Le général comte Berthezène qui prit Alger à la tête de sa division et en fut le gouverneur en 1831, et le général d’Aubignosc qui fut en 1830 notre premier directeur de la police en Algérie. « ce fut un système de rapine et de violence, dit Berthezène, une conduite indigne du nom français qui révolte tout ce qui a le sentiment de la justice ». « Les garantis méconnues provoquent la résistance sourde des citadins, confirme d’Aubignosc: nous sommes venus en amis, en libérateurs, ils ont eu foi en nos promesses. On les pile, on les torture, on insulte tout ce qu’ils ont de plus sacré ».

                      Que dira la commission d’enquête, choisie par le roi parmi les féaux (hormis un ou deux libéraux, tolérés pour figurer l’alibi de l’opposition constructive)? « Nous avons décoré de trahison le nom de négociation, d’actes diplomatiques de honteux guet-apens ». Quand d’Aubignosc déplore que la colonie ait une assiette équivoque », disons qu’il pratique l’euphémisme. Mais, pour les Clauzel, Louis-Philippe et autres Thiers, ce qui comptait, c’était l’assiette. Le reste n’importait guère. Je pense au mot de Talleyrand, attribuant ses pouvoirs à son zèle d’être « ce chien assez avisé pour porter toujours au cou l’assiette de ses maîtres ».

                      « ... Maîtres indépendants de votre patrie ».

                      Les proclamations, nous l’avons vu, garantissaient l’indépendance et les libertés, les personnes et les biens, les choses de la religion et du culte. L’indépendance, nous savons ce qu’il en fut. Mais ce qui surprend encore, c’est la hâte cynique que l’ont mit à la bafouer. Alger tombé, Polignac mandait aussitôt à Bourmont: « Occupez Bône, la France doit exercer son autorité dans toute sa plénitude. » Le lendemain même de la convention du 5 juillet Bourmont signait un arrêté proclamant la « prise de possession » immédiate du pays et « l’amalgame » des indigènes. Dès le 8 juillet, les journaux du gouvernement réclamaient l’annexion et on pouvait lire dans Le sémaphore du 14 juillet: « Le complément politique de notre victoire est une loi en deux articles: art. 1: Alger, Oran et Constantine font partie du territoire français. Art. 2: Ils forment trois départements. » En prenant possession, le 7 septembre, de son fief algérien, Clauzel proclamait au nom du roi, « l’occupation du royaume d’Alger et de toutes les provinces qu’il comprend, pour y faire régner pour toujours la justice et les lois. » Indispensable corollaire: il promettait en même temps des « punitions exemplaires » à ceux qui faisaient courir de coupables rumeurs d’abandon. La fameuse ordonnance royale de 1834 faisait de l’Algérie, et sans esprit de retour, « une possession française en Afrique, adoptant ainsi les conclusions de la commission d’Afrique: « 1° Alger doit être définitivement occupé par la France. 2° Il doit l’être à titre e colonie française. » Si les tribus prétendent conserver la possession libre et indépendante du pays, ce serait la guerre prompte et terrible, la soumission ou la destruction ». Vous appartenez désormais à la France », proclamera Clauzel. Le roi, recevant alors une délégation de « colons » algériens, leur déclarait sans ambages: « je veux qu’on dise le département d’Alger comme on dit le département des Bouches-du-Rhône ».

                      Mais il n’est pas de prison sans barreaux. Le 8 juillet, Bourmont demandait la création d’une cour prévôtale extraordinaire « qui permette l’exécution immédiate de la sentence ». Nos lois sont trop lentes, disait-il, et « des formes trop lentes seraient un signe de faiblesse ». Le 15 octobre, un décret de Clauzel soumettait l’Algérie à la loi du 13 brumaire an V, qui, des troupes, étend la juridiction des conseils de guerre aux indigène du pays conquis. Dès lors, tout devenait possible. Le code militaire de 1802, en effet, punissait de mort « toute tentative d’embauche en faveur de l’ennemi » (1, 14), termes d’une portée aussi arbitraire et imprécise que ceux de nos actuelles atteintes à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat. Légalisant ainsi le triomphe de la Croix sur le Croissant, le tourniquet des trois tribunaux militaires aussitôt établis à Alger, Oran et Bône se mit à tourner allègrement. En 1832, dans le territoire « soumis », un Algérien sur 320 passait en conseil de guerre, et parmi les inculpés un sur cinq était exécuté! Comme le constatait la commission d’enquête sur la guerre kabyle de 1871, notre « justice » considérait les Algériens à la fois comme des ennemis vaincus, ce qui entraînait les tributs de guerre, comme des sujets coloniaux, ce qui « justifiait » un séquestre de 400.000 hectares et comme des citoyens français, ce qui permettait de les exécuter comme criminels de droit commun. On les frappait des trois chefs, en leur refusant les garanties de l’un au nom de deux autres.
                      « Puis-je rendre ma vie
                      Semblable à une flûte de roseau
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                      • #56
                        Role Positif?3

                        La garantie des biens? « En ce qui concerne les propriétés, déclarait la commission de 1833, il y a violation manifeste des engagements ». Bien des auteurs en ont montré et chiffré l’ampleur. Je m’en tiendrai aux tout premiers jours. Notre entrée à Alger fut le signal du pillage. Les journaux ultras en accusaient les juifs ou les soldats. La vérité est tout autre. « Malgré les traités, dit Aubry Bailleul, les officiers d’état-major ont pillé et volé impitoyablement ». Le général de Loverdo raconte qu’on voyait les chefs « mener la meute à la curée » et « des porteurs de noms illustres descendre de la Casbah les bras chargés de butin » (c’est probablement moins lourds à porter). « Si la France n’a plus rien à espérer du Trésor, ajoutait-il, il n’est pas perdu pour tout le monde ». Le Dr Pfeiffer qui s’était tant réjoui de notre entrée à Alger, elle devait lui permettre de revoir les compatriotes, dit sa déception quand un soir, rentrant à l’hôpital, il trouva sa maison « ratissée » par la civilisation, « régénérée », comme on disait. Des 5.000 maisons d’Alger, 3.000 furent confisquées et 900 démolies. Bourmont laissa détruire ces bazars où se trouvaient les ateliers de tissage, de broderies et de soieries qui faisaient la renommée d’Alger et les ressources de tout en petit peuple artisans et de marchands. Il fallait bien penser à nos exportateurs. Dans la campagne autour de la ville, ce fut pire encore. « L’occupation française a porté la destruction après elle, dit la commission, le luxe des maisons et des cultures ne reparaîtra plus de sitôt ». Pour répondre à l’indignation d’Hamdan, Clauzel invoquera cet argument: « Le génie militaire et les Ponts et Chaussées ont détruit à qui mieux mieux, mais il fallait bien employer les trop nombreux ingénieurs. » Tout cela cependant n’était que « les petits inconvénients de la guerre », comme il disait. Infiniment plus grave pour le peuple algérien fut son décret du 8 septembre 1830 qui séquestrait les biens habous (fondations religieuses) et ceux des domaines de l’Etat algérien. Ce décret touchait la majorité des propriétés urbaines, une bonne partie de la Mitidja et des plaines côtières. Dès lors, l’histoire foncière en Algérie ne sera qu’une suite de confiscations collectives ou individuelles, séquestres de tribus rebelles, « punies » ou en fuite. Les principales étapes « légales » en furent la loi de 1840 sur l’expropriation forcée (« inique et scandaleuse », dira Tocqueville), les décrets de cantonnements, les lois de 1863 et 1887, peut-être les plus désastreuses en dépit de leur apparence inoffensive: en individualisant des terres collectives familiales indivises, elles livraient en effet à une spéculation européenne sans scrupules une population éperdue de faim et d’épuisement. Longtemps, l’achat plus ou moins forcé de biens indigènes, revendus cinq ou dix fois plus cher, fut la principale ressource des « colons » algériens. Un officier des bureaux arabes expliquait à Tocqueville: « Il n’y a pas, monsieur, de colonisation possible sans terre. Il faut donc déposséder les tribus pour mettre les Européens à leur place. « Comme disait Raousset-Boulbon « l’expropriation est la condition première de toute colonie ». Le résultat, nous l’avons sous les yeux: trois millions d’hectare ses meilleures terres entre les mains européennes, lesquelles tiennent 90% des plaines d’Alger, d’Oran et de Bône, et 95% des plantations de vignes et d’agrumes.

                        Les promesses solennelles de respecter toutes les choses de la religion et du culte ne furent guère mieux tenues. La commission déplorait qu’après deux ans d’occupation, soixante-deux mosquées d’Alger eussent été confisquées et dix détruites. L’enquête officielle d’Albert Devoulx nous apprend en 1865 que des cent trente-deux mosquées d’Alger avant 1830, nous n’en avions laissé que douze au culte musulman. Qu’étaient devenues les autres? Détruites ou consacrées casernes, hôpitaux, écuries, bains publics, magasins, couvents, églises catholiques... ou incluses dans ces quartiers réservés au repos du guerrier, telle la petite mosquée de Sidi Hellel. Ainsi en fut-il dans les autres villes. A Oran, notre occupation ne laissa qu’une seule mosquée aux Algériens. « Nous avons profané sans ménagements les asiles sacrés des Musulmans, déclare la commission. Nous avons jeté les ossements des cimetières au vent ». Ce « vent » amena les bateaux qui les avaient chargés jusqu’à Marseille, où on les vendait aux fabricants de noir animal. Dans le même temps, le maréchal Clauzel s’emparait des pierres tombales pour se faire construire trois moulins... dont les ailes se refusèrent toujours à tourner. Il faut croire que le vent d’Afrique en avait assez des tristes besognes qu’on lui réservait.

                        Les décrets des 7 septembre et 9 décembre 1830 portèrent un coup grave à la religion et à la culture islamique: ils affectaient les revenus de toutes les fondations charitables et culturelles aux domaines français (que dirigeait, ironie de l’histoire, le colonel de Gerardin, le chef de la fameuse mission des Proclamations!). De ces revenus dépendaient l’entretien des monuments historiques, celui des mosquées et de leurs imams, celui des écoles, collègues, universités et de leurs professeurs, celui des conduites et fontaines d’eau potable d’Alger, l’assistance sociale aux pensionnés de guerre, aux malades, vieillards, orphelins et indigents des cités. « La ville se transforma en une population de mendiants et de désespérés », dit d’Aubignosc. Elle manqua d’eau. Les écoles durent fermer. Les monuments, faute d’entretien, tombèrent en ruines. Ces décrets furent catastrophiques pour la culture musulmane. « De quoi vous plaignez-vous? répondra Clauzel aux plaintes d’Hamdan. A ceux qui le demandent, on distribue trois sous par jour.
                        « Puis-je rendre ma vie
                        Semblable à une flûte de roseau
                        Simple et droite
                        Et toute remplie de musique »

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                        • #57
                          Role Positif?4

                          Que faisiez-vous des revenus des Habous? Vous alliez en Pèlerinage pour en ramener la peste. Votre culte? Est-ce que nos canons ne vous annoncent pas la fin du jeûne? Est-ce qu’on ne laisse pas vos moutons entrer à Alger pour l’Aïd? » La mauvaise foi de « ces Maures faux et rampants », comme les qualifiait hautement monsieur le maréchal, était sans borne.

                          Mais l’Islam était aussi à la base des lois civiles, criminelles et fiscales. Exiger les impôts coraniques, la zakat et l’achour, au nom de la nation chrétienne conquérante, était une atteinte directe au sens national et religieux du croyant, qui se devait de le refuser. Le tribut devint ainsi, entre nos mains, la plus efficace des provocations et des excuses de répression. Dès le premier jour, les taux furent triplés. S’y ajoutaient les « contributions correctionnelles »: ainsi sur des prétextes futiles, Rovigo frappera les deux petites villes de Koléa et de Blida d’une amende de 2.300.000 francs: la vente totale n’aurait pas atteint cette somme, remarque Hamdan.

                          Non moins contraire aux proclamations, aux yeux d’un musulman pour qui « la justice est la soeur de la piété », fut le décret du 22 octobre 1830 qui subordonnait la justice musulmane au contrôle de la justice française.

                          Trente ans plus tard, dans la Revue des deux Mondes, Jules Duval, qui exprimait alors la pensée officielle, écrira: « ... Un pas de plus, et la stratégie politique abordera, pour les entamer avec prudence, les institutions musulmanes et a leur tête la religion... Une attaque directe violerait les proclamations et soulèverait ces tribus. » Après quoi il déplore que le dogme de la Trinité rebute ces monothéistes, se félicité des 100.000 francs d’aumônes distribuées tous les ans (deux francs par mois par famille secourue! ), et exalte l’abnégation « des religieux », même des femmes du monde, poussées par un dévouement que stimulait la curiosité, qui ont pénétré sous les tentes pour soigner les femmes arabes ».

                          « ... Votre pays restera dans l’état où il se trouve... »

                          Le respect des personnes fut-il mieux assuré? La proclamation offrait une garantie: l’indépendance, brandissait une menace: l’extermination . Pendant que la première était tournée en dérision, qu’advenait-il de la seconde? La réponse tient en deux chiffres. En 1832, le porte-parole du peuple algérien, Hamdan Khodja, avec une solennité testamentaire, écrivait n exergue de son Miroir: le royaume d’Alger est une nation de dix millions d’âmes ». En 1872, le premier recensement valable et complet de l’Algérie française nous apprenait qu’elle comprenait 2.100.000 musulmans. Devant ces deux chiffres, une première question s’impose, qui exige une réponse sans équivoque: à défaut de recensement général valable avant 1872, dispose-t-on d’éléments suffisants pour répondre de l’estimation d’Hamdan? Une telle ampleur de destruction - huit millions en quarante ans - ne pouvant s’expliquer que dans le cadre d’une entreprise systématique, y a-t-il eu volonté d’extermination? S’il en est ainsi, s’est-elle méthodiquement réalisée?

                          Ces trois questions, aussi pénibles qu’elles soient, nous n’avons pas le droit de les esquiver. Aujourd’hui moins que jamais. Parce qu’il y va de l’honneur de nos maîtres du siècle dernier, de celui de nos trois dynasties, de celui de nos hiérarchies politiques, militaires et religieuses. Parce que, depuis six ans, la Seconde guerre d’Algérie replonge ce pays dans l’enfer qui fut le sien de 1830 à 1872. Parce que, si Hamdan dit vrai, le premier devoir de tout citoyen français est d’opposer un non catégorique, aussi maladroit ou véhément qu’il puisse être, à la remise en marche de l’engrenage qui aboutit à pareil forfait.

                          Ces questions sont capitales pour le destin de nos deux peuples. L’affirmation d’Hamdan, en effet, retourne contre ses auteurs l’argument-clef de voûte de la colonisation française et de la guerre d’Algérie, celui de tous les manuels et dictionnaires, du Larousse à l’Encyclopédie britannique, d’Augustin Bernard à Gabriel Esquer, et qui convient jusqu’aux Algériens eux-mêmes. A le marteler pendant des dizaines d’années, il n’est de clou, si énorme soit-il, qui ne finisse par s’enfoncer: le peuple algérien serait une création de l’Algérie française, dont les bienfaits auraient transformé quelques milliers de pirates et de Bédouins, soumis au vatagan d’une clique de janissaires coupeurs de têtes, en neuf millions de « parts entières », qui sont les derniers des ingrats s’ils ouvrent la bouche pour dire autre chose que merci. Telle est la suprême victoire du conquérant, dont parlait Nietzsche: faire signer par le peuple opprimé le procès-verbal de son indignité en le livrant aux chaînes et aux prisons de la mauvaise conscience. C’est au nom de cet argument que depuis plus d’un siècle on applique au peuple français « ce cautère par où s’écoulent son sang et sa fortune », comme disait l’abbé de Pradt en 1831.
                          « Puis-je rendre ma vie
                          Semblable à une flûte de roseau
                          Simple et droite
                          Et toute remplie de musique »

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                          • #58
                            Role Positif?5

                            Mais l’argument est infiniment plus dangereux pour le peuple algérien: cette offense signifie que livré à lui-même comme il l’était avant nos bienfaits, il dégénère en une poussière de tribus en voie d’extinction de « hordes errantes de barbares fainéants et fantastiques parasites accaparant un pays fertile devenu inculte et désert, où trouveraient place huit à dix millions de chrétiens. « Quel service à rendre à l’Europe et à l’Afrique que de « régénérer ce pays, de le déblayer de ses populations indigènes, décombres qui l’obstruent! » Ainsi parlait en 1832 un des hommes u maréchal Clauzel, Armand Hain, fondateur de la société coloniale d’Alger. L’Aperçu sur la régence, étude « statistique » sur le pays à conquérir, rédigée au moment de l’invasion par le ministère de la Guerre et distribuée à tous les officiers de l’expédition d’Alger pour leur donner une juste idée de leur conquête et l’enseigner à leurs troupes, tente de nous expliquer pourquoi cette « vaste et nouvelle Amérique », comme disait Bugeaud, n’a pas même un million d’habitants ». Les femmes, livrées par la paresse des Arabes, qui passent toute leur vie à fumer..., à la turpitude de moeurs extrêmement relâchées... et, par leur saleté, à la gale et toutes sortes de maladies de peau..., pratiquement de nombreux avortements pour ne pas avoir trop d’enfants..., lesquels d’ailleurs, nus jusqu’à huit ans, et ensuite ouverts de haillons, dorment sur des tas de feuilles sèches..., et sont accrochés le jour au dos de leur mère, qui leur donne le sein par dessus l’épaule ». Mais soyons justes: « Les femmes les plus riches portent des caleçons ou des capuchons à pompons... Ces ornements sont quelquefois en or... C’est une souillure de porter le Coran au-dessous de la ceinture... Les femmes n’ont pas de religion. Beaucoup doutent qu’elles aient une âme... On leur fait croire qu’elles ne sont faites que pour la reproduction. Ce qui, le climat aidant, les dispose nécessairement au plaisir » (clin d’oeil au troupier). « L’élection du dey donne toujours lieu à un massacre. Car tel est le résultat inévitable de l’élection populaire » (clin d’oeil aux absolutistes).

                            Voilà la littérature officielle dont on nourrissait l’élite de l’armée d’Afrique. Le vocabulaire se fera ensuite moins naïf, mais il se trouvera encore des généraux de la conquête, comme le général Petiet, pour écrire que « les kabyles, qui ont la peau presque noire, portent des mocassins faits de lambeaux de peaux de chèvres encore chaudes, des caleçons turcs et des bonnets grecs ». Dès le premier jour installés dans l’erreur, ils n’en sont jamais sortis.

                            Ce qui est ici en jeu est d’une telle gravité que nous ne pouvions que nous taire devant l’histoire et recueillir la réponse qu’elle va donner aux trois questions qui lui sont posées. Et d’abord, est-il permis de tenir Sidi Hamdan Khodja pour un témoin digne de foi? Fils de l’ancien Makataji (le premier secrétaire d’Etat chargé de la comptabilité et de la correspondance diplomatique de la régence), neveu de l’Amin Essekka (directeur de la Monnaie), professeur de droit à la zaouia d’Alger, parlant le turc, le français et l’anglais, Hamdan avait voyagé en Orient, en Angleterre et en France (son fils était élevé dans un collège parisien). Confident du dey Hussein, fondé de pouvoir de ses filles, conseiller et ami des beys d’Oran et de Constantine, tenant par sa mère aux grandes familles arabes du pays, ayant voyagé par tout le royaume et pouvant l’apprécier avec le recul nécessaire, nul n’était mieux placé que lui pour nous en donner une évaluation motivée. Non seulement son Miroir mais tous ses actes le montrent sincère ami de la France. Le consul d’Angleterre ne s’y trompait pas et lui battait froid.

                            Ce fut Hamdan qui décida le dey de traiter avec Bourmont. Au péril de sa vie, il mena les négociations avec le bey de Constantine que lui avait confiées le duc de Rovigo. « Je m’étais félicité, écrivait-il, de voir mon pays se placer sous le protectorat de la France ». Si les forcenés de l’Algérie française, comme Clauzel et Gentry de Bussy (qui était, à Alger, les yeux et les oreilles du roi), le haïssaient, même des fervents de la conquête, comme le général Pellissier (« c’est un homme d’esprit, plus éclaire que ne le sont les Maures »), le général d’Armandy (« ses idées m’ont toujours paru très raisonnables »), le général Valazé (« cet esprit délié nous propose une organisation municipale très bien conçue ») ne lui refusaient pas leur estime. Le duc de Rovigo, qui l’avait beaucoup pratiqué, écrivait dans un rapport au ministère: « C’est l’homme le plus intelligent de ce pays, le plus habile et le plus justement vénéré. Et il est foncièrement honnête, ce qui est fort rare. » Notre premier gouverneur civil, le baron Pichon, qui ne cessa d’être en désaccord avec Rovigo, pour une fois le rencontre: « C’est le plus notable de ces Maures capables... qui sont l’aristocratie et la force morale de la nation algérienne, et qui ont les connaissances étendues et approfondies de ce pays. » En 1834, dans un message au Parlement, le docteur Barrachin, intendant civil, c’est-à-dire préfet d’Oran, déclarait: « Je dois signaler à votre attention tout ce que dit Sidi Hamdan dans son ouvrage sur ce pays qu’il connaît mieux que personne. »
                            « Puis-je rendre ma vie
                            Semblable à une flûte de roseau
                            Simple et droite
                            Et toute remplie de musique »

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                            • #59
                              Role Positif?6

                              Ce que dit Le Miroir sur les exactions et les cruautés de l’occupation, sur l’état et la population de la Régence, déchaîna la colère des Algéristes. Le maréchal Clauzel, qui se sentait particulièrement visé, fit publier dans L’Observateur des Tribunaux une réfutation qui est un modèle de stupidité et de goujaterie, à la mesure du personnage. Son argument le plus décisif fut qu’un des fils d’Hamdan avait contracté la syphilis et qu’il avait en main le mémoire du médecin qu’il l’avait constatée. Son journal, l’Afrique française, écrivit que « la finesse et la bonhomie de cet Hamdan..., le premier à oser s’attaquer corps à corps à l’administration coloniale... n’étaient que duplicité ». La vérité est que tous les rapports des prédécesseurs et des successeurs de Clauzel - comme les procès-verbaux de la commission - non seulement confirment les thèses du Miroir, mais encore en soulignent la modération. Dès lors, Hamdan était perdu. « Il est devenu un point de mire, dira Pichon, et je doute qu’il puisse tenir longtemps ». « Ce brave homme, ajoute le général d’Aubignosc, lutte contre une injustice qui le ruine. L’odieux l’emporte sur l’absurde dans ces trames honteuses ».

                              Les gens du roi étaient sans merci pour ceux qui discutaient leur pré carré. Pourtant, le Miroir est le seul livre sur l’Algérie que mentionnera la commission d’Afrique, qui non seulement se gardera bien d’en contester la démonstration ou d’en discuter les chiffres, mais permettra de redresser les abus qu’il signale. Lorsque Sidi Hamdan, comparaissant devant elle le 23 janvier 1834, lui remettra un mémoire, dont le texte, reproduit à la fin de ce volume, nous donne la mesure de la pertinence politique et de la pénétration de cet esprit éminent, son président, le duc Decazes, lui dira: « La commission examinera la justice de vos réclamations et il y sera fait droit. Avez-vous d’autres faits à nous exposer? » Mais Hamdan répondra qu’il s’en tient à ses écrits. Il n’est pas, en effet, de documents plus convaincants.

                              Pichon avait vu juste. Hamdan ne put tenir. Ruiné, menacé, sa famille persécutée, son neveu disparu à Bône en quelque « corvée de bois », il dut se réfugier en Turquie en mai 1836. « Je ne rentrerai dans mon pays, dit-il, que lorsque je pourrai espérer de tribunaux indépendants des garanties suffisantes ». Il mourut en exil. Il est certain qu’Hamdan ne pouvait donner qu’une évaluation sincère et raisonnable de la population algérienne de 1830. Il connaissait les méthodes de recensement européennes. Pourquoi n’aurait-il menti que sur ce point précis, et risqué le discrédit de l’avenir par un chiffre fantaisiste? Comment pouvait-il prévoir en effet que le premier recensement valable ne devait avoir lieu que quarante ans plus tard? Le Miroir nous décrit sa méthode d’enquête: parcourant le royaume, il s’adressait aux collecteurs d’impôts des villes, villages et tribus, calculant le nombre de feux, la moyenne des âmes par foyer, recoupant les indications d’un village par celles des villages voisins. A la même époque, les évaluations françaises, aussi arbitraires que tendancieuses, varieraient de quatre cent mille à quatre millions! Les causes de cette imprécision étaient multiples. Tout recensement était impossible pour le conquérant dans un pays en pleine guerre dont il n’avait pénétré que les marges. Pour des raisons fiscales, religieuses, politiques et militaires, les notables refusaient tout renseignement et brouillaient les cartes à plaisir. (Il en était de même au Maroc, où il fallut attendre 1936 pour pouvoir faire un recensement complet), les Maghrébins donnent toujours, pour le nombre d’habitants, le nombre de combattants ou le nombre de fusils ou de cavaliers, souvent très différents du nombre d’hommes adultes, ou encore le nombre de quanouns (feux) et de mesbah (lampes); mais jamais le nombre d’âmes. Ainsi procèdent El Bekri, El Idrissi, Marmol ou Léon l’Africain. Quand le bey de Constantine dit qu’il peut lever un million de combattants, cela signifie que sa province comprend environ cinq millions d’âmes. « La première difficulté de notre administration en Algérie, écrivait Le Moniteur, est l’absence de tout dénombrement, qui répugne aux Musulmans. En Europe, les habitations sont dans les lieux ouverts. Ici, elles sont cachées! » En 1850, la commission d’investigation scientifique (colonel Cartette) déclare - après vingt ans de présence - que le chiffre n’est pas connu: « Ce n’est que depuis quelques années qu’on fait quelques recherches. Mais, avouons-le, les résultats présentent des lacunes considérables ».
                              « Puis-je rendre ma vie
                              Semblable à une flûte de roseau
                              Simple et droite
                              Et toute remplie de musique »

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                              • #60
                                Role Positif??7

                                Tailliart, l’auteur des bibliographies algériennes, pourra dire qu’ « en 1830, l’ignorance des choses et gens de la Régence était à peu près absolue ». Nous avions, il est vrai, détruit en 1830 toutes les archives de la Cassauba. Longtemps, du reste, on ne connut que quelques points de la côte que l’on prenait pour la partie la plus peuplée. Le général de Mirbeck, en 1847, dira ce que disait aussi Bugeaud: « La population peut y être évaluée à la moyenne des départements de France ». Avant 1830, la pleine de Seybouse nourrissait plus de quarante tribus, nous apprend Monck d’Uzer. En 1844, les seuls Kabyles du Djurdjura pouvaient, selon le général de Bellonnet, mettre en ligne cent mille fantassins. La densité de la Kabylie varie de 80 à 200 au kilomètre carré. La commission scientifique de 1844 n’en reconnaîtra que 42, alors qu’en 1871, après l’effroyable saignée des quatre guerres kabyles, on en trouvait encore 72!

                                Le chiffre de dix millions donné par Hamdan répond à la capacité démographique du pays. La Régence au dire de tous les auteurs, était le plus fertile, le mieux cultivé et le plus vaste des trois royaumes (Cf. Algier, Leipzig 1808). La fertilité de l’Algérie, de ce grenier du monde romain, de cette chrétienté de 350 évêchés, était légendaire chez les anciens. Clauzel lui-même conviendra qu’elle comprenait déjà, si l’on en croit les auteurs, dix millions d‘habitants. Cette fertilité nous surprend dès le débarquement de 1830. Les journaux de l’époque s’en émerveillent: « Cela rappelle les contrées les plus fertiles et les mieux cultivées d’Europe », claironne Le National. Plus sobre est le rapport Valazé: « Le pays nous paraît riche, cultivé, couvert de bestiaux, de maisons et de jardins oignés ». Il est difficile de se figurer les milliers de maisons de campagne qui couvrent ce beau pays, écrira de son côté Montagne. C’est un coup d’oeil qu’on ne retrouve nulle part ailleurs sauf dans les environs e Marseille, beaucoup moins étendus, agréables et fertiles. » Débarquant à Bougie, la commission constate que « la plaine est très riche de toutes sortes de cultures ». La province d’Oran? « Pays d’une admirable fertilité », dira Tocqueville. C’est ce qu’avait déjà dit Piscatory, le secrétaire de la commission de 1833, à la tribune de la Chambre: « La riche et fertile province d’Oran est habitée par une population nombreuse et bien plus civilisée qu’on ne croit ». La région de Bône? « Troupeaux à immenses vergers de toutes beauté », dit Monck d’Uer en 1830 . (Le Colonel de Saint-Sauveur conviendra qu’elle produisait beaucoup plus du temps des Turcs ».) Blida? « Les plantations font de ce territoire un paradis terrestre » (général de Bartillat, juillet 1830). Le colonel suisse Saladin prétendra qu’il « n’a rien vu de comparable en Europe à la région de Blida », après avoir été frappé de « la richesse des environs de Tlemcen ». La Kabylie? « Le pays est superbe, dira le maréchal de Saint-Arnaud, un des plus riches que j’aie jamais vus ». Il ajoutera: « nous avons tout pillé, tout brûlé ». Je voudrais citer, pour finir, un précieux témoignage: le prince allemand Pukler-Muskau et l’explorateur belge Haukman purent accomplir en 1835 un périple de huit jours à travers les parties de la Mitidja et du petit Atlas restées insoumises et cela juste avant que notre conquête n’en bouleversât l’aspect. Drouet d’Erlon, le général en chef, leur avait prêté son officier d’ordonnance - l’oeil et l’oreille du maître. Au retour, celui-ci fit son rapport, dont voici quelques extraits: « Tout le territoire jusqu’aux montagnes est partout cultivé en céréales. Jardins plantés de superbes orangers ». Puis, pour le petit Atlas: « Cette partie de l’Atlas est couverte de cultures, de villages répandus dans les vallées et sur les flancs des montagnes. On ne peut s’empêcher de penser que ces vallées ignorées recèlent encore des vérités et que cette terre eut sa période de gloire ».

                                Ils gravissent alors le mont Hammel pour dominer le panorama: « Une vallée dont la beauté surpasse tout ce qu’on a vu s’étend de l’Atlas à la mer. Une végétation brillante couvre partout le sol sur lequel on voit de toutes parts de nombreux troupeaux ». Ils redescendent ensuite vers Matifou: « La contrée qui entoure la Rassauta est sans contre dit la plus belle et la plus féconde de toute la Mitidja ». Ils rentrent enfin dans la zone soumise: « Aux approches de Maison Carrée, la scène change subitement d’aspect. C’est une zone d’une affreuse stérilité ». Mostaganem? Voici le premier rapport de Gentry de Bussy, ultra entre les ultras: « pays couvert d’arbres fruitiers de toutes espèces. Jardins cultivés jusqu’à la mer, grande variété de légumes grâce à un système d’irrigation si bien entendu par les Maures ». Second rapport: « Depuis l’occupation, le pays n’offre plus que sécheresse et nudité ». On saisit alors l’aère saveur de cette remarque du Moniteur se plaignant de « l’état négligé d’un pays qu’on a voulu nous présenter comme en plein rapport. Evidemment, nous avons bien éclairci un peu la campagne... » Cet « éclairci » est à retenir.
                                « Puis-je rendre ma vie
                                Semblable à une flûte de roseau
                                Simple et droite
                                Et toute remplie de musique »

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