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Adoption du projet de loi sur les hydrocarbures en Algérie

lundi 21 mars 2005, par Hassiba

N’eussent été les 80 amendements introduits par le groupe parlementaire du Parti des travailleurs, le projet de loi sur les hydrocarbures aurait été adopté dans les cinq minutes qui auront suivi l’ouverture de la séance.

En raison d’abord du « caractère urgent » qu’il revêt. La Chambre basse venait de ratifier l’accord d’association avec l’Union européenne dont l’article 61, relatif à l’énergie, est étroitement lié au projet de Chakib Khelil.

Ainsi, pendant plus de quatre heures, les députés du parti de Mme Hanoune ont tenté, en vain, de convaincre leurs collègues qu’en votant cette loi, c’est une responsabilité historique qu’ils allaient prendre devant l’ensemble du peuple algérien. La secrétaire générale du Parti des travailleurs, qui a quitté l’hémicycle révoltée, mais aussi estomaquée, ne s’expliquait pas que les députés aient rejeté même l’amendement qui interdisait la privatisation de Sonatrach.

Du président de la République au ministre de l’Energie et des Mines en passant par l’ensemble des hauts responsables de l’Etat, ils ont affirmé que le projet de loi n’allait pas hypothéquer l’avenir de Sonatrach et encore moins la privatiser. Il s’agissait donc pour ces élus qui ont exprimé des inquiétudes sur la question de consacrer uniquement les garanties et assurances données publiquement. Il faut dire que les députés du FLN, qui avaient pratiquement déserté l’hémicycle samedi, étaient quasiment tous au rendez-vous d’hier. Il faut dire qu’ils ont été sermonnés la veille. Les téléphones ont fonctionné durant l’après-midi et la nuit de samedi. Renseignement pris, un député nous informera qu’il s’agissait de dire aux députés absents d’être au rendez-vus pour le vote. Pourtant, ils s’en trouveront qui ne répondront pas à l’appel. La raison ? Ils sont contre ce projet. Et pour ne pas avoir à s’impliquer, ils ont préféré rester chez eux ou tout simplement vaquer à leurs occupations.

En fait, si parmi eux il s’en est trouvé qui ont adopté une position politique claire, même allant à l’encontre de la consigne de leur parti, en décidant tout bonnement de boycotter et la séance des débats et celle du vote, les autres, par contre, ont été incapables d’assumer leur refus, préférant sauvegarder leurs privilèges. Ou encore faire bonne impression, pour ne pas être omis sur les listes électorales lors des prochaines échéances. Il y avait 160 absents, dont 55 ont décidé de se faire représenter par des procurations. D’autre part, il faut signaler que le nombre d’amendements était tellement important que le rapporteur de la commission économique, qui s’est transformé en véritable porte-parole du gouvernement, s’est quelque peu perdu dans la lecture du rapport complémentaire en ne faisant plus la différence entre un article amendé et la proposition d’un nouvel article.

Par ailleurs, personne n’a su décoder la position du groupe parlementaire du MRN. En effet, partant du principe qu’il considère le projet de loi comme dangereux et la voie vers le bradage des richesses pétrolières, tout le monde s’attendait à ce qu’il emboîte le pas au Parti des travailleurs en le rejetant au moment du vote. Mais il surprendra ses collègues en se contentant de s’abstenir.

Questionné par les journalistes, le chef du groupe parlementaire, Miloud Kadri, expliquera : « Notre vote est tactique. » (!)La veille, le ministre de l’Energie et des Mines s’est voulu très rassurant quant à l’avenir de ce secteur dans notre pays. Toutefois, il ne démentira pas les inquiétudes des députés qui se sont interrogés sur l’éventuelle hausse des prix des produits pétroliers et leurs répercussions sur les citoyens. En somme, laissera entendre M. Khelil, l’investisseur, auquel des exonérations importantes ont été accordées, devra rentabiliser l’argent qu’il aura mis pour financer un projet. Ce qui fera dire à un député du MRN que le ministre venait de « confirmer la hausse des prix du gaz et de l’électricité ». C’est ce même Chakib Khelil qui n’a pas caché sa satisfaction hier après l’adoption du document par l’APN.

Contents de ce qu’ils venaient de réaliser comme « réformes » du secteur de l’énergie, les députés, chapeautés par Daadouaa (qui n’a pas trouvé mieux lors de l’adoption des deux ordonnances portant codes de la famille et de la nationalité que de quitter l’hémicycle), quittaient l’enceinte législative avec le sentiment d’avoir sauvé la face par rapport à la direction du FLN, histoire de ne pas s’attirer les foudres de Belkhadem. Le MSP, lui, a été cohérent dès le départ. Il avait annoncé qu’il était convaincu par le contenu du document et son assentiment n’était donc pas une surprise. Le groupe parlementaire du PT, lui, ne se faisait pas d’illusions.

Toutefois, il estime que ce n’est pas encore perdu. Certes, dira Mme Hanoune, si ce projet était algérien, on aurait certainement pu faire passer des amendements. Mais il a été élaboré par un cabinet américain. Il ne fallait pas, par conséquent, toucher à une seule virgule.« On vient de déposséder la nation de ses richesses » et la secrétaire générale du parti d’ajouter : « L’histoire retiendra que l’APN a dénationalisé les hydrocarbures. Pour notre part, nous continuons notre campagne, car rien n’est perdu. » Elle laissera entendre que les choses peuvent changer, peut-être en faisant allusion au discours de Bouteflika qui avait déclaré que cette loi « nous a été imposée ». Mme Hanoune indiquera également qu’elle a interpellé officiellement le président de l’APN pour saisir M. Bedjaoui sur l’anticonstitutionnalité de cette loi. Et de conclure : « Nous dégageons toute responsabilité par rapport à son application. »Les travaux de la Chambre basse reprendront la semaine prochaine pour l’examen du projet de loi relatif au code des eaux.

Par Faouzia Ababsa, latribune-online.com