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Afrique : la croissance en mal d’emplois

samedi 25 septembre 2004, par nassim

Réunie au Burkina, l’Union africaine a lancé de nouvelles pistes pour lutter contre le chômage en Afrique.

Pourquoi la croissance ne génère-t-elle pas ou si peu d’emplois ? Cette interrogation n’est pas réservée aux pays riches du Nord. L’Afrique a, elle aussi, décidé de se pencher sur une question qui se pose avec une acuité particulière sur ce continent : entre 1981 et 2001, le nombre de personnes vivant avec un dollar par jour a, en effet, doublé en Afrique subsaharienne, passant de 164 à 314 millions de personnes (sur une population totale estimée à 820 millions). Dans certains pays, moins de 10 % de la population dispose d’un travail rémunéré. Un chiffre qui doit être pondéré par l’existence d’un vaste secteur informel, par nature inquantifiable, permettant à de nombreux foyers de survivre. Face à l’ampleur de cette catastrophe, les chiffres de la croissance retrouvée en Afrique paraissent bien dérisoires : selon le Fonds monétaire international (FMI), celle-ci devrait enregistrer un taux de 4,5 % en 2004, avant de grimper à 5 % l’an prochain.

Microcrédit. Réunis début septembre au Burkina Faso, les dirigeants de l’Union africaine (qui regroupe une cinquantaine de pays) ont adopté un plan d’action visant à favoriser la création d’« emplois décents » (en opposition aux emplois informels). Lors d’un sommet extraordinaire à Ougadougou consacré à l’emploi et à la lutte contre la pauvreté ­ le premier du genre ­, ils se sont engagés à consacrer 10 % de leurs budgets aux investissements dans le secteur agricole (70 % de la population africaine est rurale), à favoriser le développement du microcrédit et à promouvoir le commerce interafricain. Bien que modestes, ces mesures apparaissent encourageantes aux yeux de certains. « Le simple fait que l’Union africaine ait organisé un sommet sur une telle thématique est déjà un succès en soi », assure l’un des responsables du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), Zéphirin Diabré.

La réunion de Ouagadougou a aussi souvent tourné au réquisitoire contre « l’égoïsme » des pays riches. Le maintien des barrières douanières et des subventions aux exportations agricoles a été stigmatisé par les participants, tout comme les effets néfastes des politiques d’ajustement structurel prônées par le FMI. Le secrétaire de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, a ainsi évoqué les politiques de privatisation qui ont abouti, selon lui, à « la liquidation des entreprises ». En écho, le directeur du Bureau international du travail (BIT), Juan Somavia, a reconnu les erreurs de la communauté internationale en Afrique : « On s’est concentré sur le financier, et pas sur la création d’emplois, le travail décent et les investissements qui doivent aller avec. »

Face à cette contestation, les institutions financières internationales ont appelé à Ouagadougou les pays industrialisés à tenir leurs engagements , notamment en augmentant sensiblement le montant de l’aide publique au développement ... tout en citant certains blocages qui compromettent la réduction de la pauvreté sur le continent.

Infrastructures. Pour le vice-président de la Banque mondiale, Callisto Madavo, les Africains ont d’abord besoin d’investissements massifs dans leurs infrastructures, et de moyens financiers accrus dans la lutte contre le sida. Le responsable a également invité les dirigeants de l’Union africaine à améliorer le « climat des affaires ». « Il faut 153 jours pour démarrer un business à Maputo (capitale du Mozambique, ndlr), seulement deux jours à Toronto », a-t-il noté. De son côté, le directeur général du FMI, Rodrigo Rato, a réaffirmé que « la réduction de la pauvreté [exigeait] un taux de croissance durable et élevé », lui-même sous-tendu par l’existence d’un « secteur privé dynamique ». Retour à la case départ ...

Par Thomas HOFNUNG, www.liberation.fr