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Avec la flambée des cours, le pétrole de la mer du Nord a retrouvé de son attrait

lundi 4 avril 2005, par Hassiba

Daniel Roche voudrait paraître tranquille, mais on le sent nerveux. Pour ce Français, chef de la plateforme d’Elgin-Franklin, il est bien difficile de garder la tête froide devant l’immense derrick qui soutient une tige, au bout de laquelle une mèche de forage creuse la roche jusqu’à la poche sous-marine, à cinq kilomètres de fond.

"C’est vrai qu’on a beaucoup de boulot en ce moment", lance l’Offshore Installation Manager en charge de ce gigantesque mécano situé à une heure de vol d’hélicoptère d’Aberdeen. Avec la flambée du prix du baril, sortir le maximum de pétrole des entrailles de la mer hostile environnante, où les vagues peuvent atteindre des creux de trente mètres, est la première des priorités.

Total est le principal opérateur de cette installation qui tourne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La compagnie met le paquet sur les deux plates-formes jumelles d’Elgin-Franklin, qui extraient 135 000 barils/jour. En effet, le pétrole extrait à une température, de l’ordre de 190 degrés, et à une pression record, est léger et peu soufré, comme l’exige la fabrication de l’essence. A l’heure où les capacités de raffinage, à l’autre bout de la chaîne, sont insuffisantes, cette huile de couleur rose est particulièrement prisée. Une fois filtré et séparé de l’eau et du gaz, le pétrole est expédié par oléoduc vers le terminal de Kinneil, en Ecosse. Total compte encore accroître sa présence à Elgin-Franklin : il y prévoit de coûteux projets de nouveaux forages, baptisés du nom évocateur de "gorille"...

Les bons jours sont de retour en mer du Nord, se félicite Malcolm Webb, patron de l’association britannique des opérateurs offshore basée au port pétrolier d’Aberdeen. Soixante-trois nouveaux puits ont été forés en 2004, un record dans l’aventure des hydrocarbures britanniques, commencée à la fin des années 1960. La hausse des prix a ralenti le mouvement général de retrait des grands pétroliers d’une zone pourtant venue à maturité. La durée de vie des plates-formes les moins productives a été allongée. Parallèlement, les progrès techniques ­ forage à l’horizontale, analyse sismique en trois dimensions et amélioration de la performance des sous-marins et des oléoducs ­ ont permis de réduire les coûts élevés de l’exploration-production engendrés par des conditions climatiques difficiles. Ici, au large de la côte orientale du royaume, les compagnies produisent en moyenne à 10 dollars le baril, avec des pointes à 15 dollars, contre 2 dollars dans le golfe Persique. Mais avec des cours dépassant les 55 dollars, c’est plus que rentable.

Septième producteur mondial d’hydrocarbures, le Royaume-Uni, de surcroît, est perçu par les professionnels de l’or noir comme un pays politiquement et économiquement stable. Et comme il n’appartient pas à l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP), les groupes énergétiques internationaux qui y sont installés échappent aux quotas de production ou aux accords de partage de production chers au cartel.

"Elgin-Franklin, c’est la mer du Nord d’un autre âge. Nous représentons l’avenir" : complet strict, cravate passe-partout, John Scrimgeour, directeur pour l’Europe du Nord de Petro-Canada, affirme incarner la deuxième vie de l’offshore écossais. Son entreprise a fait son entrée, il y a quelques années, par la porte latérale en se concentrant sur la découverte de gisements moyens de 25 000 barils/jour. Sans l’envolée des prix, son champ de Triton n’aurait jamais vu le jour.

SAVOIR-FAIRE MINIER
Aujourd’hui, une barge-usine y "pompe" 25 000 barils/jour. La production y est traitée et entreposée avant chargement sur un pétrolier pour exportation. Le "court-circuitage" des oléoducs, tenus par les grandes compagnies, et l’utilisation d’une structure plus légère et plus mobile qu’une plate-forme ont permis de rentabiliser le site. Par ailleurs, grâce au savoir-faire hérité de l’industrie minière canadienne, la "junior" a découvert trois champs satellites voisins.

Talisman est un autre exemple de la réussite du processus de transformation du modèle d’exploitation de la mer du Nord. Lancée sur la piste des puits abandonnés par les majors, cette PME canadienne est devenue le troisième propriétaire de plates-formes de la zone britannique. En 1997, elle a racheté à BP la petite plate-forme Beatrice, nichée dans la partie centrale de la mer du Nord. Aujourd’hui, le gisement en question produit 5 000 barils/jour. Et est rentable, grâce à des frais généraux très resserrés.

Par Marc Roche, lemonde.fr


L’OPEP pourrait augmenter sa production
Le président koweïtien de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), Ahmad Al-Fahd Al-Sabah, a indiqué, dimanche 3 avril, qu’il va très rapidement engager des consultations avec les ministres des dix autres pays membres du cartel en vue d’un éventuel nouveau relèvement ­ à hauteur de 500 000 barils par jour ­ du quota de production, actuellement fixé à 27,5 millions de barils par jour.

Lors de sa réunion d’Ispahan, en Iran, le 16 mars, l’OPEP avait décidé d’augmenter son plafond de 500 000 barils par jour et annoncé un second relèvement de même ampleur avant sa réunion de juin, si la flambée des cours se poursuivait. Or la hausse des prix a été de 33 % depuis janvier, notamment entretenue par les fonds spéculatifs. Ceux-ci parient sur les tensions d’un marché caractérisé par une forte demande des Etats-Unis, de la Chine et des pays émergents face à une offre proche de ses limites. Le cours du baril ne cesse en tout cas d’aller de record en record. Lundi 4 avril, le brut léger américain a atteint 57,79 dollars le baril sur le marché asiatique.