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Azazga : La Mecque de la restauration

samedi 28 août 2004, par Hassiba

Pour ceux qui ne conçoivent pas le plaisir sans le plaisir de la table, le nom de la ville d’Azazga, localité riche par sa culture et son histoire, est aussi associé et intimement lié à tout ce qui se fait de mieux dans la gastronomie nationale.

A Azazga, entre deux restaurants il y a souvent un autre restaurant et tous rivalisent dans l’art de mitonner les plats. Et ce n’est pas un hasard si les cuisiniers de cette localité sont très recherchés par les restaurateurs des régions environnantes puisque leur seule évocation sert de base publicitaire au local.

Bien des anorexiques y retrouvent subitement l’appétit et les habitués des lieux ne sont pas près d’être frappées de maigreur congénitale. Les restaurateurs de cette ville n’ont pas besoin d’aguicher leur clientèle à grands renforts d’artifices architecturaux ni d’enseignes ostensibles. La propreté des locaux et l’accueil y pallient aisément car à tous les coups les clients sont sûrs d’en ressortir satisfaits. Autre règle d’or chez les anciens cuisiniers qui lèguent à leurs successeurs de judicieux conseils : ne jamais héler un client qui sort en omettant de payer son repas. La générosité des restaurateurs trouve son prolongement dans les élans de solidarité qu’ils manifestent en toute circonstance à tous ceux qui en ont besoin.

Y a-t-il un secret qui expliquerait un savoir-faire ancestral dont la réputation dépasse largement les frontières de la région à telle enseigne que les gourmets viennent parfois de très loin pour y savourer les plats mijotés avec un art consommé ? Une chose est néanmoins sûre : les écoles et autres établissements spécialisées dans l’art de cuisiner n’ont rien à voir dans cet héritage propre à la localité et si d’aucuns évoquent la baraka des ancêtres pour justifier ce savoir-faire acquis et transmis de génération en génération dans une région connue pour son sens de l’hospitalité et où le caractère rituel et sacré des repas renvoie à une culture ancestrale très nettement affirmée dans les coutumes berbères en plusieurs circonstances de la vie quotidienne et des rythmes saisonniers et agraires, certains plus pragmatiques notent sans autre précision l’apport des Pères Blancs dans ce domaine, notamment leur contribution découlant d’une meilleure connaissance de la nature et donc des légumes et des viandes.

Il est vrai que la ville, un des tout premiers carrefours économiques de la région avec le marché hebdomadaire Souk Essebt considéré comme l’un des plus importants de Kabylie, a fait de l’activité de la restauration son métier de toujours. Un cuisiner chevronné explique que la qualité intrinsèque d’un cuisinier réside d’abord dans la nature de son organisme : il ne doit pas avoir les mains moites. Le reste, expliquet- il, consiste dans la curiosité que l’on met pour percer le secret des légumes, des épices, des viandes et des huiles. Certains légumes, explique-t-il, rendent à la cuisson plus d’eau que d’autres, des huiles inodores ne rancissent pas, certaines graines révèlent mieux que d’autres leurs parfums et donnent un goût aromatique aux plats. Des plats nécessitent d’être arrosés d’un jus pour éviter qu’ils noircissent et retenir un goût particulier alors que telle épice relève mieux la saveur d’un repas... Ainsi mitonnés, conclut notre interlocteur, les plats surprennent le palais de leurs subtiles saveurs. Cependant, précise- t-il, un bon cuisinier doit avant tout aimer la cuisine pour faire partager ce goût à ses clients. Il n’est donc pas exagéré de dire qu’à Azazga tous les cuisiniers sont des chefs mais qu’aucun guide gastronomique ne vient en couronner le talent avéré. Cela ne les empêche pas de préserver et perpétuer leur tradition culinaire de génération en génération.

On nous faisait remarquer à ce sujet que le réalisateur du célèbre film L’aile ou la cuisse une comédie qui traite de la gastronomie française mettant en vedette Louis de Funès et Coluche, serait originaire d’Azazga. Cependant l’heure est à la réflexion sur la meilleure façon de vulgariser et promouvoir ces traditions culinaires à base culturelle, fondée avant tout sur la générosité.

Un rendez-vous annuel qui réconcilierait les Azazguis avec leur art s’impose de nos jours à l’exemple de ce qui se fait pour les bijoux à Ath Yenni ou le tapis à Ath Hichem...

Par Salem Hammoum, Le Soir d’Algérie