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Boeing pirate l’envol de l’A380

mercredi 27 avril 2005, par nassim

Alors qu’Airbus fait voler son dernier-né, l’A380 l’américain Boeing annonce plusieurs contrats.

C’est comme l’histoire du vieux cousin détesté qui s’invite au dernier moment à la réunion familiale annuelle. Hier, Boeing a décidé de gâcher la fête de la famille Airbus. Celle qui doit consacrer en début d’après-midi (sauf en cas de météo délicate) le premier vol de son bébé, l’A380, le plus gros avion du monde, la fierté européenne, un des arguments de campagne des partisans du oui au référendum. Ce premier essai au-dessus de l’Atlantique, entre une et cinq heures, doit entamer une longue série de 2 300 heures de vol indispensables avant l’obtention de la certification.

Toulouse a tout prévu : retransmission en direct sur un écran géant, place du Capitole, lancer de 25 000 ballons, la venue d’au moins 50 000 personnes agglutinées le long de la piste. Tout, sauf le coup de pied de l’ennemi américain. Hier, Boeing a improvisé une conférence de presse mondiale par téléphone pour claironner que le 787 Dreamliner, son futur avion (entre 250 et 280 passagers) qui doit voler en 2008, connaît un succès « vraiment phénoménal », selon les mots de Mike Bair, vice-président en charge du programme. Le lendemain d’une commande ferme d’Air Canada de 14 Dreamliner (plus 18 exemplaires du 777), Air India, la deuxième compagnie nationale indienne, a annoncé hier l’achat de 50 Boeing dont 27 exemplaires du 787. Sans même comptabiliser cette victoire, l’américain a annoncé dans la foulée avoir reçu à ce jour 217 engagements (mais seulement 64 fermes) pour son futur appareil, de la part de 18 compagnies aériennes.

Après un début de campagne commerciale laborieuse, ce double succès confirme que Boeing tient avec son 787 une alternative crédible à l’A380. « Nous n’avons jamais remarqué un tel intérêt pour un nouveau programme », a même fanfaronné Mike Bair, tout heureux d’avoir (enfin) une bonne nouvelle à annoncer. Ce double contrat la veille du premier vol de l’A380 vient redonner un peu de crédit à la vision stratégique de Boeing consistant à privilégier non pas les gros avions pour de très longues distances, mais des avions de taille moyenne, capables de joindre des aéroports de petite taille.

Une opportune remise en selle au moment où Airbus connaît une double incertitude. D’abord, un patron, Noël Forgeard, qui quitte l’avionneur pour prendre la coprésidence d’EADS, sans avoir réglé sa succession. Ensuite, un affrontement entre Bruxelles et Washington sur les financements publics qui pourrait priver Airbus des aides remboursables européennes. Boeing peut être content de lui : il a parfaitement réussi à s’incruster à la fête.

Par Grégoire BISEAU, liberation.fr