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Conclusions de l’enquête sur le séisme du 21 mai 2003

L’état est responsable de la catastrophe

mardi 23 mars 2004, par Hassiba

La commission chargée des investigations pour situer les défaillances a été curieusement empêchée d’effectuer un travail très fouillée.

L’État, dans toute sa hiérarchie, est responsable de la catastrophe qui a fait près de 3 000 victimes, un certain 21 mai à Boumerdès et à Alger. Il y a eu défaillance à tous les échelons. C’est la conclusion globale à laquelle sont arrivés les experts qui ont mené l’enquête décidée par le ministère de l’habitat, au lendemain du séisme pour situer les responsabilités de tous les intervenants dans l’acte de bâtir dans ces deux wilayas.

Le rapport remis par cette commission au ministère de l’habitat relève un certain nombre d’anomalies. L’une de ces irrégularités est lié à la construction d’habitations sur des zones où dormaient des failles et sur des terrains marécageux. Les experts ont constaté que le savoir-faire dans l’acte de bâtir a été négligé entièrement.

En termes plus clairs, les décideurs ont, selon des sources, autorisé n’importe qui à devenir entrepreneur ou promoteur immobilier. Pour devenir un coiffeur, l’État exige un diplôme de l’intéressé, mais la création d’une entreprise du BTPH ne nécessite aucune qualification ni autre exigence.

L’aspect ayant trait au contrôle technique des constructions a été longuement évoqué dans le rapport de la commission. Le CTC qui, par vocation, disait les quatre vérités et touchait du doigt les erreurs commises par les bâtisseurs, a été déstructuré et démembré pour donner lieu à 5 directions régionales. Sur décision des pouvoirs publics, les activités de cet organisme sont devenues purement commerciales...

Or, auparavant, le CTC constituait une veille en terme de contrôle... La réglementation qui régissait le secteur depuis 1980 est, de nos jours, inadaptée à la réalité du terrain. Le règlement parasismique algérien, (RPA) de 1999 dans sa version 2002 est, selon certaines sources, truffé d’irrégularités qui ont été ajoutées à la hâte. “On aurait dû tenir compte de celui de 1981...”, souligneront ces sources.

Le groupe d’experts qui a mené l’enquête a travaillé en toute liberté. Les enquêteurs ont voulu, toutefois, travailler sur des échantillons avant que le déblaiement des gravats ne soit effectué. Chose qui ne leur a pas été accordée ensuite... Voulait-on cacher quelque chose avec une telle décision ? Pourtant, au début de l’enquête, le ministère de tutelle a donné toute la latitude aux membres de la commission de situer les responsabilités quand bien même cela concernerait l’administration centrale.

Les défaillances situées

Ils ont commencé par expertiser les bâtisses qui se sont effondrées et qui ont causé beaucoup de victimes. L’échantillon ne peut être de ce fait exhaustif. Le travail d’un mois qui leur a été accordé n’a permis de relever que les très graves défaillances seulement. Les défaillances viennent également de l’aménagement du territoire qui n’a pas pris compte de l’existence de séismes. Tout ce qui a été fait comme études de la part de la maîtrise d’œuvre n’a pas été au point, révèlent encore les mêmes sources. À cause de l’absence du contrôle technique et du suivi, la réalisation des édifices s’est effectuée d’une manière inadéquate sans la moindre norme.

Il y a eu trafic et tricherie sur la fabrication et l’utilisation des matériaux de construction. “Tout le monde était au courant, mais personne n’a osé mettre le holà”, préciseront ces sources. Les décideurs chargés du secteur de l’habitat en sont responsables, car un rapport financé pourtant par l’Algérie et confié au Pnud en 1995 concluait que Alger et sa périphérie étaient sous la menace d’un séisme majeur.

C’était un document caché dans les tiroirs depuis, car il n’arrangeait guère les pouvoirs publics à l’époque. L’État a préféré taire les conclusions de cette expertise au lieu de prévenir les différents intervenants dans l’acte de bâtir de l’énorme risque. Et si les dirigeants avaient pris en compte les diverses observations de ce rapport ? La réponse à cette question est toute simple : le nombre de morts n’aurait pas atteint ce seuil effarant.

L’État savait...

Le constat des experts est que l’état n’a pas tiré les leçons des séismes qui ont endeuillé l’Algérie. Le danger persiste toujours, puisque deux autres failles menacent la capitale et ses environs. Le rapport remis au ministère de l’habitat a, faut-il le signaler, été transmis aux tribunaux d’Alger et de Boumerdès. Mais les chances d’incriminer ou de sanctionner un intervenant restent minimes, car c’est à la fois tout le monde et personne qui est responsable de la catastrophe du 21 mai dernier...

B. K., Liberté