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Cure d’austérité chez IBM

samedi 7 mai 2005, par nassim

Nouvelle stratégie mondiale accompagnée de massives suppressions d’emplois chez IBM. Objectif annoncé : investir les marchés les plus porteurs.

IBM tourne le dos à la Vieille Europe. A entendre la firme américaine,

Stratégie de croissance chez IBM .

une croissance trop molle de la demande, notamment en Allemagne et en France, la fait fuir. Pour les syndicats, c’est surtout la possibilité de faire effectuer les mêmes tâches à des coûts nettement inférieurs, dans d’autres pays européens ou en Asie. Pour « mieux intégrer [ses] activités au niveau mondial, mais aussi faire face aux problèmes de rentabilité dans les régions à croissance moins forte », IBM a concentré en Europe l’essentiel des coupes de son plan de restructuration de 10 000 à 13 000 emplois. Il se fera sur la base de départs volontaires, mais le groupe n’exclut pas des départs forcés si le compte n’y est pas.

« Massacre ». « Il ne s’agit pas d’une réaction à nos résultats du premier trimestre comme certains l’ont dit, confiait vendredi Fred McNeese, porte-parole d’IBM pour l’Europe, mais d’une nouvelle étape vers le changement de notre business model. » Un modèle économique qui a d’abord privilégié les délocalisations massives des activités de fabrication ­ sur les 12 000 emplois en usine que comptait la France au début des années 90, IBM n’en a plus que 500 ­ puis les cessions d’activités à faible valeur ajoutée (vente de la branche PC au chinois Lenovo, des disques durs à Hitachi). Ce modèle s’oriente vers une « délocalisation de la force de travail », comme le dénonce Michel Perraud, délégué CFDT d’IBM France. « Le massacre continue, poursuit-il. Bientôt, il ne restera plus que les cadres dirigeants et les personnels en contact avec le client. Les ingénieurs ou les techniciens seront soit délocalisés, soit sous-traités. » Un avis partagé par John Segrich, analyste chez JP Morgan, selon lequel « la haute technologie, utilisatrice de main-d’oeuvre qualifiée, est à son tour concernée » par ces transferts d’emplois très rapides à l’échelle mondiale.

De fait, IBM, qui souhaite maintenant étendre à sa division de services le principe de « centralisation de l’approvisionnement », a déjà procédé à des regroupements uniques pour certaines activités administratives. Déjà appliquée pour la France et la Belgique, la gestion des justificatifs des notes de frais des 329 000 salariés d’IBM dans le monde sera à terme entièrement centralisée à Manille, aux Philippines. Pour l’Europe, toute demande d’un salarié sur ses cotisations retraite ou l’historique de sa carrière chez IBM passe par un service basé à Budapest, en Hongrie, etc.

« Jeu de dominos ». Afin « de responsabiliser les équipes commerciales et de faire en sorte que le processus de décision soit plus proche des clients », comme le dit McNeese, le groupe a aussi décidé de zapper un échelon hiérarchique en éliminant sa direction paneuropénne basée en partie à la Défense. Au lieu de cinq régions précédemment, l’Europe et le bassin méditerranéen seront réduits à deux entités, une chargée du Nord et l’autre du Sud, gérées par deux « nouveaux centres d’opérations et de décision » (operating hubs) de 200 salariés chacun basés à Zurich et Madrid. Des pools d’experts chargés de fournir l’assistance juridique ou financière aux forces de vente éparpillées en Europe.

Pour IBM, cette restructuration consiste aussi à redéployer ses forces en direction des marchés jugés plus porteurs comme l’est de l’Europe, la Russie et au-delà l’Inde, la Chine ou le Brésil. Avec, à la clé, des marchés de conseil et d’équipements lourds, bien plus juteux que la simple fourniture de services de gestion informatique. « C’est un jeu de dominos permanent, conclut Claude Lefloch, représentant syndical CFE-CGC au comité de groupe européen, dès que les coûts commencent à augmenter quelque part, comme c’est le cas en Irlande, on bouge ailleurs. La seule question, c’est, à la fin, il va nous rester quoi ? »

Par Christophe ALIX et Fabrice ROUSSELOT, liberation.fr