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Dda Ali : L’hommage du peuple au maquisard

samedi 4 septembre 2004, par Hassiba

Deuil et émotion à Ighil Imula ce jeudi, jour les funérailles de Ali Zamoum. Le village, qui a vu naître la Révolution de Novembre, il y a un demi-siècle, s’est mobilisé comme un seul homme pour rendre l’ultime hommage au “survivant”.

À l’entrée du village, cette banderole accueille fièrement les visiteurs : “Une vie, un combat au service de l’Algérie.” Les funérailles seront simples à l’image de ce qu’était Zamoum l’humaniste.

Plusieurs personnalités ont fait le déplacement à Tizi N’tleta pour assister aux obsèques de feu Zamoum, dont la dépouille mortelle a été rapatriée de Paris mercredi matin. Outre la délégation des officiels conduite par les ministres des Moudjahidine et de la Solidarité nationale, il y avait Mouloud Hamrouche, Rédha Malek, le général-major, Mohamed Touati, des ex-ministres tels que Mazouzi, Abada Abdelmoumène, des anciens membres de la Fédération de France du FLN, des compagnons d’armes du défunt, notamment des membres de l’ALN des ex-wilayas III et IV.

Des représentants de partis politiques y étaient également, tout comme plusieurs personnalités de la société civile. L’on a remarqué ainsi la présence de Ferhat Mehenni, Aït Menguellet, des anciens de la troupe Debza que dirigeait Kateb Yacine. Une amie du défunt a fait le déplacement de France pour assister aux obsèques de Zamoum ; il s’agit de Axelle Bovet, membre du réseau Jansen en Belgique lors de la lutte armée déclenchée par le FLN. La demeure où avait été tapée la proclamation du 1er Novembre a été transformée pour la circonstance en véritable centre de pèlerinage pour tout ce beau monde venu des quatre coins du pays.
Au centre culturel du village, se tenait une exposition retraçant les grands faits saillants de la Révolution de Novembre. Son neveu Rabah Zamoum, fils du colonel Si Salah, dit avoir respecté la volonté du défunt, qui avait demandé à être enterré au Carré des martyrs de son village. À 13h30, c’est la levée du corps.

Des youyous fusent de la maison comme pour rendre l’ultime hommage au père. Après le recueillement devant la stèle du 1er Novembre, le cortège funèbre prend la direction de Tizi N’Tleta, devancé par un immense emblème national porté par des potaches. Tout au long du trajet, la Chahada est psalmodiée à tue-tête par les vieux du village.
Devant le Monument aux morts, le neveu du défunt, la gorge nouée, s’efforcera, après la prière de l’absent, de lire l’oraison funèbre en présence d’une foule nombreuse. Tout en retraçant sommairement la biographie militante de l’un des derniers témoins de Novembre 1954, l’orateur ne manquera pas de remercier les amis qui ont entouré Ali Zamoum au niveau du village ainsi que “toutes les structures qui ont contribué à sa prise en charge, de l’hospitalisation au rapatriement de la dépouille”. “Ali Zamoum nous laisse un visage du passé, mais aussi celui de l’avenir, dont la génération actuelle peut s’inspirer efficacement”, ajoute l’orateur qui informe que l’Association Tagmats que présidait Ali Zamoum, portera dorénavant le nom du défunt. 14h45, levée des couleurs, puis salve d’honneur tirée par une section de l’ANP, avant la mise en terre.

Ali Zamoum sera enterré à côté de ses compagnons d’armes, notamment du capitaine Dris Ahmed, décédé il y a quelques années. Une anecdote : alors qu’ils étaient inséparables au café de Tizi N’tleta où les parties de dominos s’éternisaient à longueur de journée, Ali Zamoum et son ami Dris Ahmed s’étaient promis d’être enterrés l’un à côté de l’autre au monument des martyrs.
Conformément à leur volonté, il en sera ainsi. Ali Zamoum rejoint ses amis de toujours, M’hamed Issiakhem et Kateb Yacine dans l’immensité des cieux, où son étoile brillera encore sur Ighil Imula à l’entrée duquel le tissu à l’écriteau trône comme un trophée : “Une vie, un combat au service de l’Algérie”.

Y. A.

Témoignages :
 Krim Arezki (frère de Krim Belkacem) : “J’ai connu Ali Zamoum en 1955 à la prison de Tizi Ouzou. J’avais 19 ans et lui en avait 20 ou 21 ans. C’était lui qui encourageait les prisonniers à résister et à ne pas céder à la torture. Il était d’un courage exemplaire et d’une amabilité sans limites. Après le cessez-le-feu, il a occupé de hautes fonctions administratives, mais il est resté égal à lui-même. C’est-à-dire un homme responsable, généreux et toujours modeste. Il y a quelques mois, je l’ai rencontré à Boghni, toujours avec son burnous habituel qu’il porte depuis le 1er novembre 1954. Il est resté le même, c’est-à-dire totalement proche de son peuple qu’il a tout le temps servi sans retenue”.

 Ouali Aït Ahmed (moudjahid et ex-sous-préfet de Tizi Ouzou) : “Ali Zamoum faisait partie de la race des grands révolutionnaires qui ont contribué à l’histoire de ce pays. C’est lui qui était chargé, par le regretté Krim Belkacem, d’imprimer la fameuse proclamation du déclenchement de la guerre de Libération nationale le 1er novembre 1954, une tâche historique qu’il avait assumée héroïquement dans la clandestinité à Ighil Imoula, son village natal. Après l’indépendance, il a été préfet de Tizi Ouzou alors que j’étais sous-préfet à Azazga. Là, j’ai eu l’occasion d’apprécier son grand sens de responsabilité et surtout sa générosité, sa bonté et son amabilité”.

 Le Pr Mohammed Abdelmoumène (ex-ministre de la Santé et du Travail) : “Ali Zamoum a toujours vécu avec le peuple qu’il servait sans retenue. C’était un homme conséquent avec lui-même et avec ses idéaux. Il est parti en nous laissant un grand exemple de dévouement et d’actions inlassables. Il y a quelques jours encore, je l’avais rencontré en France, et il avait toujours le même souffle de vie, la même intensité et le même enthousiasme.
Tout récemment, avant son grand départ, il me parlait du projet de Bounouh et d’un ensemble de choses concernant sa région. Il appartient à nous de concrétiser tous ces nombreux projets qu’il avait à cœur au profit des pauvres et des démunis”.

Par Samir Leslous, Liberté