Accueil > ECONOMIE > G8 : Le néocolonialisme expliqué aux Arabes

G8 : Le néocolonialisme expliqué aux Arabes

mercredi 9 juin 2004, par Hassiba

Le plan que devait présenter, hier, George W. Bush à ses alliés stratégiques du G8, en présence de quelques pays de la région concernée, notamment l’Algérie, le Bahreïn, le Yémen et la Jordanie - l’Egypte et l’Arabie Saoudite ayant décliné l’invitation - porte sur des projets de réforme touchant presque tous les domaines politiques et économiques (gestion financière, lutte contre la corruption, la société civile, les droits de l’Homme, la liberté d’expression, les élections ...), quant au volet sécuritaire, il sera discuté lors du sommet de l’Otan, à Istambul, les 28 et 29 juin prochains.

De l’avis des observateurs, la mouture du projet, tel que rapporté par la presse il y a quatre mois, présentait déjà des lacunes profondes et semblait dominée par une approche technique transcendant des questions aussi vitales que la problématique - de nature complexe par définition - des systèmes politiques en place dans les pays de la région.
Les initiateurs du projet prévoient, néanmoins, tout un agenda et des mécanismes de contrôle et de suivi à travers un travail de coordination continue au niveau des ministères des Affaires étrangères de chaque pays concerné. Une sorte de programme d’aide obligatoire, dont chaque bénéficiaire est tenu par une obligation de résultat.

Si l’ensemble des alliés occidentaux de Washington, y compris les plus rétifs, approuvent aujourd’hui, sans réserve, l’idée d’aider le Grand Moyen-Orient à s’émanciper et à surmonter ses multiples crises, le moment semble toutefois inopportun pour une Amérique aujourd’hui discréditée dans le monde à cause de ses multiples mésaventures dans cette même région. Les Etats-Unis ont en effet donné un mauvais exemple en matière du respect de la personne humaine, notamment en Irak, avec le scandale de la célèbre prison d’Abou Ghraïb qui n’en finit pas de révéler la nature colonialiste de l’expédition américaine, alors que Washington tente ces jours-ci de faire voter une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies devant accorder le transfert de souveraineté aux Irakiens et lui autorisant le maintien de ses troupes dans l’ancienne Mésopotamie.

Les paradoxes des choix américains
Si sur le principe, l’initiative américaine paraît louable, les observateurs ne comprennent pas toujours les préférences et critères sur lesquels se base l’administration de la Maison-Blanche pour arriver à sélectionner les modèles à suivre. Quand des régimes quasi-féodaux tel que l’Emirat du Qatar, des monarchies telles que la Jordanie ou le Maroc, ou des Etats policiers comme la Tunisie sont décrits comme des exemples en matière de modernisation et d’ouverture démocratique, des expériences pionnières dans le GMO, telle que l’expérience iranienne en matière notamment de liberté de la presse, de l’alternance au pouvoir, sont complètement ignorées lorsqu’elles ne sont pas incriminées et menacées. Tous les doutes sont permis quant aux réelles intentions des Américains sur ce sujet.. On sait qu’au nom d’une certaine idée de la démocratie, les dirigeants américains continuent de cataloguer Téhéran dans la case des Etats terroristes et des pays de l’Axe du mal, logeant à la même enseigne les deux seuls régimes laïcs de la région : la Syrie et l’Irak de Saddam Husseïn. En dépit de la croisade déclenchée contre le terrorisme islamiste, au nom de laquelle a été décidée l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak, ils persistent à faire abstraction de la donne islamiste dans le jeu politique dans toutes les contrées qu’ils ont conquises, an moment où ils encouragent l’intégration des courants islamistes modérés dans la gestion politique des pays où ceux-ci sont interdits et réprimés, et exhortent par la même occasion, les pays traumatisés par la violence islamiste comme l’Algérie à trouver un compromis avec les plus radicaux.

L’occupation occultée
En somme, l’équipe dirigeante à Washington continue d’estimer que le manque de démocratie dans les pays du GMO est la cause principale du développement de l’extrémisme religieux et, par extension, du terrorisme international qui fait tant de mal depuis quelques années. Le président Bush le dit clairement dans son discours à la nation du 20 janvier dernier. « Tant que le Proche-Orient restera en proie à la tyrannie, au désespoir, à la colère, il continuera à produire des hommes et des mouvements qui menacent la sécurité de l’Amérique et de nos amis. (...) Nous allons défier les ennemis de la réforme ».

Une thèse que récuse un large secteur de l’opinion arabe laquelle, sans nier le fait de la répression des régimes locaux, considère que c’est plutôt la poursuite de l’occupation dans les territoires palestiniens et en Irak qui constitue la principale source de révolte et un gisement inépuisable pour tous les mouvements idéologiques radicaux, panarabistes ou fondamentalistes, qui s’en servent pour attiser la haine de l’Occident et ancrer 1’idéologie islamiste au sein des populations. De Hamas à Al Qaïda, en passant par la rébellion chiite en Irak, tous les mouvements se réclamant du djihad s’en inspirent et justifient leur action subversive par la violence et les affres des invasions et de l’occupation...

Dans son projet, Washington transcende cet enjeu d’occupation dans la région du Moyen-Orient et, de ce fait, ne la considère pas comme un facteur de régénération de l’extrémisme religieux ou comme un obstacle à l’émancipation des pays de la région. Rien de particulier n’a été, par exemple recommandé, dans cette recette à l’Etat hébreu, lui-même partie intégrante de cet ensemble mythique du GMO, mais qui est traité comme une démocratie mûre et responsable, raison pour laquelle il est déjà assuré de l’appui indéfectible et inconditionnel de Washington.

par Mussa Acherchour, La Nouvelle République