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L’Algérie face aux mutations mondiales

dimanche 18 juillet 2004, par Hassiba

La démocratie et l’instauration de l’économie de marché concurrentielle à finalité sociale inséparables étant avant tout une nouvelle culture et un long apprentissage. En Algérie, la population aspirant à un meilleur devenir, les attentes sont nombreuses et les défis à relever autant ce qui implique des actions audacieuses de redressement national.

Cette modeste contribution s’inscrit dans cette perspective de concilier les impératifs du développement national et les enjeux de la mondialisation -rapport social complexe -irréversible, l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, tenant compte de la protection de l’environnement, la modernité et la préservation de notre authenticité.

Elle s’articulera en deux parties interdépendantes à savoir :
 la mondialisation.
 les repères pour une nouvelle politique économique et sociale

1. Le processus
de mondialisation

Toute la future politique économique et sociale algérienne 2004/2008 devra tenir compte des mutations planétaires afin de nous adapter à ce monde interdépendant en perpétuel mouvement et d’éviter notre marginalisation. Car il ne saurait être question d’occulter la consolidation des grands espaces Asie( Apec)-Amérique (Alena)- l’Europe qui s’étend sur son flanc Est et Sud, dont la future carte euro-méditerranéenne. Il serait souhaitable de favoriser la création d’un centre culturel et d’une université euro-méditerranéennne (lieu de dialogue des civilisations et de fécondation des cultures), d’une banque et une Bourse euro-méditerranéenne horizon 2008/2010 afin de favoriser la libre circulation des biens et des personnes et l’investissement au sein de cet espace.
La notion de globalisation (certains parleront de mondialisation) correspond à un état historique du développement du capitalisme dont le processus n’est pas achevé. Elle concerne un certain stade de développement des échanges de biens et de services, d’intégration des marchés financiers et d’extension de la multinationalisation des appareils productifs, de diffusion de connaissances technologiques et de comportements de consommation, le rôle des services jouant un rôle croissant surtout au XXIe siècle. Aussi cette globalisation concerne tant l’accroissement des échanges que la transnationalisation des circuits agro-industriels, commerciaux, bancaires, de services. Dans la mesure où les grandes sociétés calquées sur l’organisation militaire où Coca-Cola, Général Motors, IBM éclatent en réseaux complexes à travers le monde et se substituent à la configuration passée de l’accumulation fondée sur la consommation de masse, une accumulation fondée sur l’économie personnalisée dont le pivot est la vente en fonction de besoins exclusifs d’où la percée des producteurs de symboles et l’avancée des segments de la PMI/ PME.

Les firmes n’exportent plus seulement leurs produits, mais leurs méthodes marketing, leur savoir-faire sous forme d’usines, de points de vente et de publicité. La manipulation de symboles dans les domaines juridiques et financiers s’accroit proportionnellement avec cette production personnalisée, ce qui donne une nouvelle configuration même de l’emploi caractérisée par un système de formation et d’éducation performant évolutif, condition d’ailleurs de l’attrait de l’investissement direct étranger rendant caducs les avantages comparatifs anciens fondés sur le faible niveau de qualification. Avec la chute des syndicats corporatistes souvent appendice de pouvoirs bureaucratiques s’accompagnant d’un nombre croissant d’accords collectifs, les emplois dans la production courante tendent à disparaître comme les agents de maîtrise et d’encadrement impliquant une mobilité des travailleurs (c’est la fin des emplois rentes), la généralisation de l’emploi temporaire, et donc une flexibilité permanente du marché du travail.
Au fur et mesure que les coûts de transport baissent avec la révolution dans la bureautique, la télématique, la centralisation de banques de données (informatiques), les produits standards et l’information qui les concernent, la marge de profit sur la production de masse se rétrécit en raison de l’absence de barrières à l’entrée. En raison de cette mondialisation, le fondement de la réussite est le groupe et l’apprentissage en groupe et non la compétition individuelle. Le rôle des Etats régulateurs se déplace pour la cohésion sociale, la lutte contre l’exclusion et la pauvreté, le développement de certains investissements administration, infrastructure, éducation, santé, transport, mécanisme de redistribution au profit des régions et couches défavorisées ciblées et ce au moyen de mécanismes de redistribution appropriés. Ainsi sont posés les liens inextricables durant cette phase d’ajustement structurel de l’économie mondiale entre croissance et équité.

L’Europe du Sud et le Maghreb ne sauraient échapper à cette adaptation et plus globalement toute l’économie méditerranéenne. Car il y a lieu de dépasser les nationalismes chauvinismes étroits dans la mesure où le véritable nationalisme à l’avenir se définira comme la capacité d’accroître ensemble le niveau de vie de nos populations par notre contribution à la valeur ajoutée mondiale. Le monde actuel est caractérisé par l’interdépendance. Comme je le soulignais précédemment, cela ne signifie pas la fin du rôle de l’Etat mais une séparation du politique et de l’économie qui ne saurait subir les aléas de la conjoncture concrétisant ainsi les liens inextricables entre démocratie politique, démocratie sociale grâce à l’éclosion de la société civile signe le plus évident la vitalité de toute société et démocratie économique (entendu économie de marché concurrentielle loin de tout monopole source de rente et de surcoût) dans un univers géographique solidaire.

Car il y a lieu de ne pas confondre les anti-mondialisations qui ne sont pas contre une économie de marché concurrentielle humanisée mais condamnent plutôt les économies étatistes totalitaires. De la Havane à Porto Alègre en passant par Seattle, des voix s’élèvent contre cette forme de mondialisation .Ils appellent à une économie de marché sociale solidaire, à un mouvement des citoyens impliquant la société civile ( Bourdieu parle de société civile internationale) afin de réaliser un contrepoids perdu depuis l’effritement du bloc communiste, nécessitant de mieux encadrer les marchés par une nouvelle régulation institutionnelle, sociale et politique au niveau mondial, montrant l’importance de l’Etat régulateur ou l’Etat stratège comme nerf de la régulation sans briser le ressort des énergies créatrices . La démocratisation par la fin des dictatures et de la corruption au niveau du Tiers-Monde et une plus grande moralisation de la gestion de la cité (qualifié de bonne gouvernance), la symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident, le dialogue des cultures et la tolérance sont les pistes à explorer pour éviter ce dualisme Nord -Sud préjudiciable à l’avenir de l’humanité. Les derniers évènements devraient encore mieux nous faire réfléchir, évitant cette confrontation des religions car autant l’Islam, le christianisme ou le judaïsme ont contribué fortement à l’épanouissement des civilisations, à cette tolérance en condamnant toute forme d’extrémisme. Autre point essentiel est l’aplanissement des divergences sur le protocole de Kyoto entre Américains et Européens sur la nécessité de protéger l’environnement en utilisant la récente étude de l’OCDE d’indice de bien-être économique durable qui retranche de la production domestique les coûts de pollution et y ajoute la valeur du travail domestique .

Même des hebdomadaires proches des milieux d’affaires internationaux comme le Business Week, The Economist, et le Finantial Times attirent l’attention contre les effets pervers d’une déstabilisation de l’économie mondiale, en misant exclusivement sur les marchés boursiers volatiles, en excluant tant les inégalités internes du Nord que toute la zone Sud. La mondialisation est un bienfait pour l’humanité à condition d’intégrer les rapports sociaux et ne pas la circonscrire uniquement aux rapports marchands, en synchronisant la sphère réelle et la sphère monétaire, la dynamique économique et la dynamique sociale. Transitoirement, l’action stratégique consistera en la consolidation de l’espace euro-maghrébin (il est suicidaire de faire cavalier seul) dont la finalité devra être une coordination des politiques socio-éducatives, économiques, fiscales, douanières, et financières (une monnaie et une banque centrale maghrébine), tenant compte des avantages comparatifs.

Comme le continent Afrique constituera un enjeu essentiel du XXIe siècle avec le Nepal, dont l’Algérie est un vecteur actif. D’une manière générale, la construction d’un Etat de droit pose donc fondamentalement le rôle futur de l’Etat dans le développement économique et social avec comme soubassement l’élément de renouveau culturel. La réforme de la justice liée à la restauration de l’autorité de l’Etat et à la sécurité doit répondre à l’attente des citoyens. Elle devra concilier un meilleur fonctionnement tenant compte du respect du droit international avec l’insertion de la société algérienne dans la globalisation, à la nouvelle réalité économique et sociale notamment de l’instauration des règles de l’économie de marché basées sur la dominance de la propriété privée, le prix comme facteur d’allocation des ressources rares et le respect du contrat par la dominance du choix des consommateurs.
Aussi s’agit- il de comprendre afin de prévoir toutes les incidences de l’accord de l’Algérie pour une zone de libre-échange avec l’Europe qui s’inscrit dans le cadre des accords de Barcelone restrictifs à une région, incluant des volets culturels et politiques et les futurs accords avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui concerne à la fois les flux de marchandises mais récemment les flux de capitaux, la propriété intellectuelle et les services. Cela implique d’ailleurs une uniformisation du droit international face aux nouvelles exigences internationales, encore que l’évolution du droit international face à ces mutations mondiales est en gestation comme en témoignent les perceptions différentes du concept de concurrence par les USA et la Commission de Bruxelles.

D’une manière générale , la compétition dans une économie ouverte globale fait que chacun a le monde pour marché et tous les consommateurs pour clients, ce qui renvoie au renouveau culturel souligné précédemment. Cela implique même de revoir même les concepts de politique industrielle et d’imaginer une nouvelle politique de l’industrie, voire de l’entreprise moteur de la croissance, afin de déterminer en dynamique les avantages comparatifs et de pouvoir négocier en connaissance de cause la mise à niveau de notre potentiel économique. L’adhésion à l’OMC et à la zone de libre-échange avec l’Europe implique donc de raisonner en dynamique afin de favoriser l’investissement direct étranger, le partenariat, le privé national pour insérer l’Algérie dans les logiques marchandes internationales, loin de la logique de la rente. L’adhésion à l’OMC implique par conséquent au moment de la consolidation des grands espaces économiques. Un Maghreb stable politiquement solide économiquement, élément déterminant de la stabilité de l’espace méditerranéen. Pour l’Algérie, ne pas adhérer à l’Organisation mondiale du commerce et à la zone de libre-échange avec l’Europe a certes des avantages à court terme (mono-exportateur d’ hydrocarbures) mais aura des répercutions négatives à moyen et long terme sur l’économie nationale en isolant le pays. Cela implique d’avoir une visibilité dans la démarche, de savoir ce que l’on veut en synchronisant les avantages comparatifs statiques avec les avantages comparatifs dynamiques.

Toujours est-il que l’implication de ces accords aura des répercussions importantes sur le devenir tant de l’économie que de la société algérienne en rappelant à titre d’exemple les principes résolutions des accords de l’OMC, rendant nécessaire l’accélération des réformes économiques dans leur ensemble dont l’adaptation du droit algérien à ces normes :
 a)- la première règle est l’application d’une politique commerciale ouverte et libérale, la protection nationale étant du seul ressort du tarif douanier « modéré » avec interdiction de restrictions quantitatives et la dualité des prix. En pratique se substitue progressivement les mesures non tarifaires.
 b) la deuxième règle est l’élimination des droits de douane et de tout obstacle au commerce au moyen de négociations multilatérales.
 c) la troisième règle est l’interdiction de discrimination entre les pays dont ils importent les marchandises ou ceux vers lesquels ils exportent. Cette règle est appelée la nation la plus favorisée.
 d) la quatrième règle veut que le pays n’applique plus à un produit importé après admission sur le marché intérieur moyennant les redevances à la frontière, des taxes intérieures, notamment la taxe sur le chiffre d’affaires et la taxe sur la valeur ajoutée (TCA et TVA) supérieures aux produits similaires produits localement.
 e) enfin dernière règle, la conformité aux normes de qualité internationale, notamment les normes de produits obligatoires et volontaires et les règlements. Sanitaires et phytosanitaires afin de protéger tant l’homme que l’espèce animal.
(A suivre)

Docteur Abderrahmane Mebtoul expert international au colloque de l’université de Mostaganem sur le développement durable, La nouvelle République