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La Chine détricote l’Europe du textile

mardi 26 avril 2005, par nassim

Les mesures de sauvegarde, envisagées par l’Europe pour contrer la déferlante des textiles provenant de la Chine, irritent Pékin sans satisfaire Paris.

Se fâcher avec les Chinois, ou donner du grain à moudre au non au référendum sur la Constitution ? C’est le dilemme de la Commission européenne, sommée par plusieurs Etats membres de l’Union, la France en tête, de prendre des mesures protectionnistes pour endiguer la déferlante des textiles chinois sur l’Europe. Si Bruxelles comprend l’angoisse des industries textiles européennes, elle ne veut pas entrer dans une logique de « guerre commerciale », comme l’a réaffirmé dimanche Peter Mandelson, commissaire au Commerce. Car l’Union aurait beaucoup à perdre, notamment dans des domaines à haute valeur ajoutée, comme les avions, les trains mais aussi les services, si la Chine décidait de répliquer. « La coopération sino-européenne est globale, et stratégique », a menacé hier le ministre chinois des Affaires étrangères, Li Zhaoxing...

« Bon sens ». Pékin est bien déterminé à résister aux velléités européennes de remettre en cause la fin des quotas textiles entrée en vigueur le 1er janvier. « La Chine est fermement opposée aux limitations imposées », a déclaré, hier, le ministre du Commerce chinois Bo Xilai. « La Chine ne porte pas la responsabilité principale pour le phénomène de hausse brutale des exportations », a-t-il rappelé, puisque la période transitoire de dix ans aurait dû permettre aux producteurs de textile de s’adapter. Or « certains pays n’ont pris aucune mesure », accuse le ministre chinois selon qui Pékin « a déjà employé de nombreux moyens pour limiter la hausse brutale dans le textile ».

En trois mois, l’explosion des exportations chinoises est patente : Pékin reconnaît qu’elles ont augmenté de plus de 50 % vers l’Union. Sur certains produits, la hausse est « spectaculaire », a admis Peter Mandelson. « La mondialisation va dans le bon sens, mais elle doit s’effectuer à un rythme acceptable même si le secteur du textile est depuis longtemps mondialisé », plaide Jérôme Bédier, président de la Fédérations des entreprises du commerce et de la distribution.

Le gouvernement français entend, pour sa part, s’emparer de l’affaire pour montrer que l’Union peut être un bouclier contre la « mondialisation sauvage ». Jacques Chirac, lors de sa rencontre télévisée avec les jeunes, le 14 avril, avait promis que « les clauses de sauvegarde s’appliqueront dans les dix ou quinze prochains jours ». « La protection de l’emploi ne peut pas attendre », a martelé hier Michel Barnier, le chef de la diplomatie française. « Avec le textile, on voit bien que c’est seulement avec l’Europe qu’on peut répondre », a renchéri Patrick Devedjian, ministre délégué à l’Industrie sur Europe 1, qui a réclamé une procédure d’urgence pour d’accélérer le recours à des clauses de sauvegarde. Le problème est que la procédure prévue par l’accord supprimant les quotas est longue : après une enquête et des consultations « informelles » avec les Chinois, qui peuvent durer soixante jours, la Commission peut lancer des consultations « formelles » de trois mois, pour convaincre Pékin de prendre des mesures d’autolimitation des exportations. A défaut, l’Union peut alors, mais seulement alors, décider elle-même de rétablir des quotas. Autrement dit, même si la Commission se passe des consultations informelles, les clauses de sauvegarde ne seront pas annoncées avant le référendum français

Exploser. La Commission n’a, au demeurant, aucune envie de se précipiter, pour plusieurs raisons. « Les décisions doivent être des décisions qui ne peuvent être attaquées par la Chine », a dit Nicolas Schmit, le ministre luxembourgeois délégué aux Affaires étrangères dont le pays exerce la présidence de l’UE. De plus, une bonne partie de la production européenne est déjà délocalisée, notamment en Chine. Des mesures protectionnistes pourraient se retourner contre les Européens. Si les importations chinoises explosent, c’est parce que les Européens achètent ces produits. « On ne peut pas souhaiter durant des décennies le développement de pays comme la Chine ou l’Inde et, dès qu’ils deviennent compétitifs dans un secteur, leur fermer nos marchés », ironise un fonctionnaire européen.

Par Jean QUATREMER, liberation.fr