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La crise silencieuse d’Union Bank

samedi 13 mars 2004, par Hassiba

Il est des banques privées dont les difficultés fatales font les choux gras de la presse. D’autres, à l’image de l’Union Bank, passent au travers des mailles journalistiques. Pourtant, Union Bank est en état de cessation de paiement depuis l’été dernier, pour un montant officieux estimé à 200 milliards de centimes.

Une bagatelle, dirait Ahmed Ouyahia, le chef du gouvernement. Les déposants de cette banque privée n’ont pas battu le pavé comme ceux de Khalifa Bank, et ne se sont pas manifestés dans les colonnes des journaux. Brahim Hadjas, le président du conseil d’administration d’Union Bank, et néanmoins patron d’un groupe aux activités multiples, a expliqué, dans une mise au point au Quotidien d’Oran (1er mars 2004), la démarche qui permet à cette banque privée, « illiquide mais solvable », d’exister encore. En d’autres termes, Union Bank n’a pas d’argent mais elle est capable d’avoir de l’argent. Pendant que les Algériens suaient sous la canicule, le 24 août 2003, cet établissement privé était en cessation de paiement. En d’autres termes encore, il n’avait pas de quoi honorer ses créances. Plus un sou dans les caisses. La Banque d’Algérie le savait mais n’a pas disserté sur le sujet. Ni elle ni les partenaires d’Union Bank, chacun selon ses intérêts bien compris, n’ont fait de bruit. La banque de Brahim Hadjas n’a pas eu à subir les foudres légales de la Banque d’Algérie.

Elle a recouru à la procédure du règlement judiciaire. Elle s’en est remise à la justice-dont on nous a souvent dit qu’elle était très peu spécialisée en matière économique et financière -pour obtenir un jugement qui lui permette d’éviter le sort de Khalifa Bank. Le 14 octobre de l’année dernière, un jugement de première instance lui donne gain de cause. Il déclare que « les avoirs d’Union Bank couvrent largement ses dettes, compte tenu des moyens matériels dont elle dispose, notamment en bien immobiliers et constructions qui garantissent le paiement de ses créanciers ».

C’est un arrêt qui fait incontestablement jurisprudence mais qui soulève quelques questions liées à l’activité bancaire en général. En effet, Union Bank a en même temps obtenu du juge « l’autorisation d’exploiter et de poursuivre l’administration et la gestion » de la banque, « assistée par un syndic-administrateur judiciaire ». Avec le concours de ce dernier, elle va s’atteler à « payer son passif ». D’après la mise au point de Brahim Hadjas, aucun délai n’est fixé. Et si cette opération de sauvetage n’est pas réussie, qui se porte garant du recouvrement des créances ? La Banque d’Algérie ? Comment se fait-il que la banque des banques prenne le risque de laisser exister un établissement qui a absorbé deux fois le montant de son capital social ? Et puis, aujourd’hui, quel lien professionnel et financier la Banque d’Algérie peut entretenir avec Union Bank ? Quel est le montant exact de son découvert vis-à-vis de la Banque d’Algérie ? Paie-t-elle des intérêts ? Ces derniers ne risquent-ils pas de grever l’opération de sauvetage consentie par la justice à Union Bank ?

On peut, sans préjuger de quoi que ce soit, estimer que si le cas d’Union Bank-en crise en réalité depuis 1997- avait été convenablement traité en son temps, d’autres scandales bancaires auraient pu être évités. Toutes ces questions, jusqu’à présent sans réponse, aucun spécialiste ni responsable habilité ne s’y étant intéressé, rendent encore plus lourd le silence qui entoure la crise d’Union Bank. Une banque en crise, complètement désargentée (!), « mais solvable » et « pas en liquidation ».

Oualid Ammar, Le Quotidien d’Oran