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Le « Financial Times » fait saliver la City

mardi 26 avril 2005, par nassim

Sous la pression des actionnaires, le « Financial Times », le quotidien économique britannique pourrait être vendu.

Vendra ? Vendra pas ? Depuis une dizaine de jours, la rumeur court les rues de la City de Londres.

Le Financial Times dans la tourmente.

Le groupe Pearson s’apprêterait à céder, sous la pression de certains de ses actionnaires, le Financial Times, prestigieux quotidien économique et financier dont les pages saumon sont lues dans toutes les places financières du monde. Ce serait « la vente du siècle », titre The Independent, tandis que le Times évoque lui aussi la perspective d’une vente. La direction de Pearson dément formellement. « Nous n’avons aucune intention de vendre le FT. C’est une marque fantastique », déclare une porte-parole. De son côté, Olivier Fleurot, le PDG du quotidien, assure qu’il n’est pas au courant d’un tel projet.

« A ma connaissance, c’est faux », a-t-il indiqué hier à Libération. Ce Français de 52 ans, ancien directeur des Echos, est aux commandes du FT depuis six ans. Et il a une petite idée sur l’identité de ceux qui font courir la rumeur d’une cession. « C’est le Times qui en a parlé le premier. Or le Times appartient à Rupert Murdoch, qui aimerait bien, sans doute, mettre la main sur le FT. »

Fourre-tout. Ce n’est pas la première fois que des informations filtrent dans la presse britannique sur une éventuelle cession de cette institution qu’est le Financial Times. « Moi vivante, le FT ne sera jamais vendu », a coutume de répondre Marjorie Scardino. Nommée présidente du groupe britannique il y a huit ans, cette Texane se retrouve, à l’époque, à la tête d’un incroyable fourre-tout : une participation dans la banque Lazard, un vignoble bordelais (le château-latour) et même... les mannequins de cire du musée londonien de Madame Tussaud. Marjorie Scardino vend alors des pans entiers du groupe pour le recentrer sur l’édition (Penguin, Simon & Schuster, des manuels scolaires aux Etats-Unis). Et, surtout, elle conserve ce symbole qu’est le Financial Times (ainsi que sa filiale française, les Echos).

Mais voilà : le groupe Pearson est coté en Bourse. Et certains gros actionnaires, peu sensibles à l’honneur de posséder un quotidien aussi vénérable que le FT, voudraient bien s’en débarrasser. C’est le cas du fonds d’investissement américain Franklin Templeton, deuxième plus gros actionnaire de Pearson avec 12 % du capital. Son représentant en Grande-Bretagne, Martin Cobb, estime que le Financial Times « devrait gagner des dizaines de millions de livres sterling » alors qu’il était encore dans le rouge l’an dernier, après deux années noires (lire ci-dessous).

« Piranhas ». Olivier Fleurot, le PDG du titre, souligne que « le Financial Times est en plein redressement. Il vaudra bien plus cher dans deux ou trois ans ». Mais tout le monde n’a pas forcément envie d’attendre. Et la vente récente du Daily Telegraph a réveillé bien des appétits. Le quotidien conservateur britannique a été cédé aux frères Barclay, riches propriétaires d’un petit quotidien écossais, pour la somme de 665 millions de livres (980 millions d’euros). On retrouve d’ailleurs les jumeaux Barclay cités comme possibles acheteurs du FT. Tout comme l’homme d’affaires australo-américain Rupert Murdoch. Ou encore le groupe Dow Jones, propriétaire du Wall Street Journal. Bref, comme l’écrit The Independent, « les piranhas de Fleet Street [le quartier de la presse à Londres] vont faire bombance avec de la chair couleur saumon ».

Pour compliquer un peu plus l’affaire, la ligne éditoriale du FT est elle-même contestée. Le directeur de la rédaction depuis 2001, Andrew Gowers, est accusé par certains actionnaires d’avoir délaissé l’information financière pure et dure au profit de sujets de société, de culture, de politique et même de sport. Selon une partie de la presse britannique, il serait sur un siège éjectable.

« L’ami de l’honnête financier et du respectable agent de change », le slogan du Financial Times lors de sa création en 1888, ne serait-il plus ce qu’il était ? On entendra probablement cette critique vendredi lors de la réunion annuelle des actionnaires de Pearson.

Par Olivier COSTEMALLE et Olivia RENAUDIN, liberation.fr