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Le dollar de tous les risques

mercredi 17 novembre 2004, par Hassiba

Le dollar continue sa baisse face à pratiquement toutes les monnaies du monde. Une baisse qui inquiète les Européens.

Le dollar a perdu près de trente pour cent de sa valeur face à l’euro et aux autres devises. Le dinar algérien, lui aussi, continue son appréciation face au dollar mais accentue sa baisse face à l’euro.

Une situation qui pèse déjà lourdement sur les indicateurs macroéconomiques.

Ainsi, la dette algérienne dont la monnaie de compte est le dollar, malgré une baisse continuelle liée à une politique de désendettement plus ou moins réussie, a connu un « gonflement » artificiel en raison de la parité de la monnaie américaine face à l’euro. Le même effet monétaire pourra être appliqué au budget de l’Etat. Le ministre des Finances a calculé son budget sur la base d’un dollar qui s’échangerait à 76 dinars en moyenne annuelle. C’est sur cette base que la fiscalité pétrolière a été estimée à 899 milliards de dinars. Cela étant, toute baisse ou glissement de la devise américaine entraînera mécaniquement une réduction des entrées en dinars au budget. La baisse du dollar peut avoir aussi un effet inflationniste en raison du renchérissement des importations libellées en euros. Cette situation qui alarme les décideurs économiques du monde ne semble pas susciter de débat en Algérie.

En Europe, une réunion des ministres des Finances de la zone euro s’est tenue en présence du patron de la Banque centrale européenne (BCE). Une réunion qui avait pour objet la valeur du dollar et le renchérissement de l’euro sur le marché des changes. Ainsi, selon les ministres des Finances de la zone euro, les « fluctuations récentes » sur les marchés des changes, qui ont conduit à une envolée de l’euro « ne sont pas bienvenues », a indiqué le ministre néerlandais des Finances, Gerrit Zalm, dont le pays préside l’UE. « La volatilité excessive des taux de change est indésirable », a ajouté le ministre néerlandais à l’issue de la réunion de l’Eurogroupe. Les ministres « n’ont rien demandé à la BCE sur ce point », a indiqué M. Zalm en réponse à une question sur une éventuelle intervention de la banque sur les marchés des changes. « La BCE, sagement, ne promet rien, ni dans le sens d’une action ni dans le sens d’une inaction », a ajouté M. Zalm. « La politique américaine en faveur d’un dollar fort serait utile pour empêcher les mouvements brutaux des taux de change, qui ne sont pas les bienvenus », a-t-il encore affirmé.

De son côté, le ministre des Finances français, Nicolas Sarkozy, estimait que le décrochage du dollar face à toutes les autres principales monnaies doit conduire les Etats-Unis à préciser s’ils adhèrent toujours aux termes du communiqué du G7 de Boca Raton condamnant la volatilité excessive des taux de change. « Le texte de Boca Raton (en février 2004) reste la référence. Si les Américains devaient changer de politique, ce serait à eux de le dire », a indiqué M. Sarkozy à l’issue de la réunion. « C’est le dollar qui baisse fortement, par rapport à l’euro mais aussi au dollar canadien, au franc suisse et au yen. Ces évolutions sont liées à l’accumulation des déficits chez nos amis américains », a affirmé M. Sarkozy. Il a fait état d’un « plein accord entre les ministres de l’eurogroupe, la Commission européenne et la Banque centrale européenne sur l’inquiétude concernant une évolution déstabilisatrice et trop rapide » des monnaies.

Pour sa part, le ministre belge des Finances, Didier Reynders, a estimé qu’un euro au-dessus de 1,30 dollar était « une inquiétude ». Mais en réponse à cette réunion qui s’est tenue lundi dernier, le secrétaire américain au Trésor, John Snow, a affirmé hier sur les ondes de la BBC que les Etats-Unis sont déterminés à réduire leur déficit budgétaire tout en reconnaissant que « le déficit américain était trop important ». « Nous, Américains, savons que notre déficit [budgétaire] est trop important et qu’il faut le réduire. Le président [Bush] est déterminé à réduire l’ampleur du déficit », a déclaré John Snow à la BBC. « Il y a deux façons de réduire un déficit », a-t-il poursuivi. « Il faut faire croître l’économie avec plus de gens au travail, une activité économique plus profitable et un marché plus robuste qui crée plus de recettes pour le gouvernement », a détaillé M. Snow. « C’est bien, mais ce n’est pas assez, a-t-il ajouté. Il faut aussi contrôler nos dépenses et c’est pourquoi le président [Bush] a soumis au Congrès américain un budget qui est le plus draconien depuis des décennies en matière de dépenses discrétionnaires. »

La veille à Dublin, le secrétaire américain au Trésor avait répété l’attachement des Etats-Unis à la politique du dollar fort. « Nous sommes en faveur d’un dollar fort. Un dollar fort est dans l’intérêt des Etats-Unis », avait-il déclaré à des journalistes à Dublin. Il avait également souligné que « la valeur des devises doit être déterminée sur un marché ouvert et concurrentiel », excluant ainsi toute volonté politique de soutenir artificiellement le dollar.Une situation qui ne se présente pas sous les meilleurs auspices pour les économies européennes ainsi que celles à l’image de l’Algérie, mono-exportatrice de matière première sauf si la Federal Reserve américaine décide d’être moins complaisante avec l’administration Bush.

Par Amine Echikr, La Tribune