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Le gouverneur de la Banque de Belgique Guy Quadem en visite en Algérie

mardi 15 mars 2005, par Stanislas

Ce jeudi 10 mars 2005, le Gouverneur de la Banque nationale de Belgique, monsieur Guy Quadem, a été l’hôte de son homologue algérien, le Gouverneur de la Banque d’Algérie, M. Mohammed Laksaci.

Le conférencier s’adressait à une assistance composée essentiellement de PDG de banques et de cadres supérieurs de la Banque d’Algérie et de banques commerciales.

Il a articulé sa présentation autour de trois points essentiels : les acquis, les réussites et les succès de l’euro, les problèmes rencontrés dans sa mise en oeuvre et a enfin conclu sur les perspectives et les défis qui se posent à la zone euro, actuellement.

Parmi les réussites et succès figure incontestablement d’abord la promotion de la paix dans un continent européen ravagé par des siècles de guerre entre les voisins ensuite le défi technologique du remplacement de onze monnaies nationales par une monnaie unique et la lourde opération logistique du passage à la monnaie unique scripturale en 1999 et fiduciaire en 2002.

Au 1er janvier 1999, en effet, l’euro scriptural était adopté et les opérations bancaires progressivement réalisées en euros. Dès le 4 janvier de la même année, la politique monétaire est devenue commune, fixée à Frankfurt, tous les quinze jours, par le Conseil des Gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), le marché monétaire devenant unique ainsi que le système de paiement baptisé TARGET. En janvier 2002, l’adoption de l’euro fiduciaire a conduit à remplacer la totalité de la circulation fiduciaire en trois mois.

Parmi les acquis de cette mise en oeuvre de l’euro, le Gouverneur de la Banque de Belgique notera la stabilité totale des taux de change entre douze monnaies européennes, la stabilité des prix donc du pouvoir d’achat et le contrôle de l’inflation. Pour mieux illustrer ces acquis, M. Qadem rappellera que la Belgique exporte les ¾ de sa production parmi lesquelles les 2/3 à destination de l’Europe. L’adoption de l’euro et la stabilité du taux de change auront donc permis d’éliminer pratiquement les fluctuations entre les monnaies européennes devenues marginales et réduit d’autant les coûts de transactions.

Le contrôle de l’inflation est aujourd’hui effectif, selon le conférencier, puisque le taux directeur fixé par la BCE en mai 2003 à 2% n’a pas bougé alors en même temps que l’inflation qui a été estimée dernièrement à 2,5%, ce qui donne en fait des taux réels nuls.

Les taux d’intérêt des marchés ou taux longs, fixés par les opérateurs économiques et les particuliers restent également modérés à 3,6% ces derniers temps.

Au total, fera remarquer l’intervenant, les taux courts fixés par la BCE et les taux longs fixés par les opérateurs sur les marchés restent modérés, les taux longs notamment ne s’écartent pas trop de ceux fixés par la BCE, ce qui crédibilise l’action de cette dernière.

La réussite à ce niveau, soulignera le Gouverneur de la Banque de Belgique, demeure aussi dans la convergence des taux d’intérêt à l’intérieur de la zone euro vers les taux d’intérêt les plus bas, les pays membres profitant ainsi de conditions favorables.

La stabilité des prix et des taux d’intérêt a poussé l’euro à jouer un rôle international important, devenant la deuxième monnaie de transactions internationales, derrière le dollar. L’euro est la monnaie des douze pays membres et d’une façon ou d’une autre, par rattachement ou par pondération, la monnaie de 50 autres pays. En outre, il représente 20% des échanges mondiaux en biens et services et 20% des réserves des banques centrales nationales à travers le monde.

Concernant les problèmes rencontrés dans la mise en oeuvre de l’euro, le Gouverneur de la Banque centrale de Belgique évoquera principalement le cours de change dollar/euro, la croissance économique dans la zone qui reste insuffisante et la politique budgétaire liée notamment au respect du pacte de stabilité et de croissance.

Après une dépréciation d’un tiers de sa valeur vis-à-vis du dollar, durant la période 1999-2001, l’euro s’apprécie depuis un certain temps atteignant 1,34 dollar pour un euro.

Pour le conférencier, ces fluctuations sont plus liées à la spécificité du dollar américain qu’à un réel problème d’ajustement entre l’euro et le dollar. En effet, explique le professeur de l’Université libre de Belgique, le cours du dollar est adossé à l’économie américaine qui reste avec la Chine la principale locomotive de la croissance économique. De ce fait, le dollar suscite alternativement la confiance et l’enthousiasme des opérateurs économiques et des particuliers puis leur défiance et leur retenue.

Le marché international de la monnaie et donc leurs prix sont fixés par les milliers d’interventions quotidiennes de ces opérateurs économiques et particuliers. Le dynamisme de l’économie américaine attire les investisseurs en même temps que les déficits de la balance courante et des finances publiques américaines les inquiètent, aussi, précisera-t-il, la principale contribution attendue des Etats-Unis demeure-t-elle une réduction des déséquilibres budgétaires, le réajustement des taux de change ayant été opéré par la BCE.

L’autre problème de la zone euro concerne la faiblesse de la croissance (1,8% en moyenne ces derniers mois) notamment dans un grand pays membre qu’est l’Allemagne, même si cela masque des performances différentes des pays qui la composent, la Belgique, par exemple, ayant atteint 2,4% de croissance. Cette faiblesse de la croissance est relativisée par le conférencier qui note que l’écart des taux de croissance par tête par rapport aux Etats-Unis, par exemple, est plus nuancé.

Au passage, le conférencier notera que cette insuffisance de la croissance dans la zone euro n’est pas imputable à une augmentation des prix du pétrole à partir du moment où, précisera-t-il, cette matière première n’a pas plus la place qu’elle occupait il y a trente ans dans les économies européennes qui ont développé une maîtrise de la consommation d’énergie en même temps que leurs systèmes économiques ont glissé d’un système fortement industrialisé à un système où domine le secteur des services peu consommateurs d’énergie. En fait, rapporte le conférencier, c’est l’investissement dans la connaissance contenu dans les recommandations de l’Agenda de Lisbonne pour compléter l’Union économique et monétaire, et les dépenses pour la recherche qui peuvent augmenter le potentiel de croissance dans l’UE et asseoir durablement la crédibilité de l’euro. Abordant le chapitre des politiques budgétaires qui restent du ressort des Etats, le conférencier soulignera le rôle du pacte de stabilité et de croissance qui vise à établir un minimum de règles à respecter, notamment en matière de déficit budgétaire limité à 3% mais actuellement dépassé par deux grands pays, l’Allemagne et la France, sans lesquelles l’Union économique et monétaire n’est pas viable. En fait, cette dernière s’est faite sans union politique d’où les discussions autour de l’adoption d’une Constitution européenne. Les ministres des Finances des pays membres discutent actuellement de ce pacte dont la philosophie de base devrait être respectée.

Parmi les défis posés aujourd’hui à la zone, figurent, selon M. Quadem, le vieillissement de sa population lié à l’augmentation de l’espérance de vie et la baisse conséquente du taux d’activité qui pose le problème à terme du financement des retraites, le système de répartition étant basé aujourd’hui sur le financement des retraités par les actifs. Le coût lié au vieillissement de la population pèsera aussi sur les caisses de sécurité sociale et leur financement.

L’autre défi est lié à l’élargissement à l’Est de l’Union européenne et à terme à la zone euro, qui se traduit par un accroissement de population de 150 millions de personnes soit un quart de la population avec un accroissement parallèle des ressources de seulement 5%.

Cette conférence du Gouverneur de la Banque de Belgique, une « véritable leçon publique en matière de politique monétaire, de croissance et stabilisation des taux de change et de leurs relations avec les politiques budgétaires », n’a pas manqué de susciter un grand intérêt de la part d’un public avisé en la matière, ce qui a entraîné un débat qui a beaucoup contribué à l’échange d’expériences et d’avis dans les domaines de la politique monétaire, du rôle des banques centrales dans la stabilité des taux de change, dans la supervision bancaire et leur contribution in fine à la promotion d’une croissance durable, seule garante à long terme de la crédibilité d’une monnaie. A l’issue de la conférence et, pour alimenter les débats, le Gouverneur de la Banque d’Algérie, M. Mohammed Laksaci, a présenté quelques chiffres relatifs à la politique monétaire de la Banque d’Algérie et la structure de son endettement ainsi que sur la gestion de ses réserves de change.

A ce sujet, le Gouverneur de la Banque d’Algérie va indiquer que la dette algérienne est constituée pour 40% en euros et 39% en dollars. Les importations de biens et services sont libellés pour près de 50% en euros et les exportations d’hydrocarbures en dollars. Concernant le marché de change en Algérie, le Gouverneur de la Banque d’Algérie rappellera que depuis 1996, le marché interbancaire de change suit un régime de flottement dirigé avec comme objectif une stabilité du taux de change effectif réel lequel tient compte dans son calcul du poids des deux principales monnaies, l’euro et le dollar, entre autres.

Enfin concernant les principaux agrégats monétaires, le Gouverneur de la Banque d’Algérie fera remarquer une tendance baissière des excès de liquidités puisque les dépôts des banques ont augmenté de 10% en 2004 contre 110% en 2003 et une décélération du rythme de croissance de la masse monétaire M2 de 15,6% en 2003 à 11,7% en 2004.

Au cours des débats, le Gouverneur de la Banque de Belgique ne manquera pas de relever les atouts dont dispose l’Algérie dans son ouverture vers l’extérieur et qui sont outre le pétrole, des réserves de change importantes et une population jeune apte à supporter un rythme élevé de croissance avec un différentiel important de coût de main-d’ouvre par rapport aux voisins de l’Europe.

Concernant la part de réserves en monnaie détenues par les Banques centrales, le conférencier reviendra sur le prix de la monnaie fixé par son prix sur les marchés internationaux de change et la nécessité pour chaque banque centrale de prendre en compte les spécificités de ses échanges extérieurs en prenant l’exemple de l’Algérie dont les importations proviennent pour une partie importante de la zone euro, les exportations d’hydrocarbures se font vers la zone dollar.

Aussi, précisera-t-il à ce sujet, la zone euro devra maintenir et améliorer sa compétitivité pour renforcer le rôle international de l’euro et sa crédibilité au plan des échanges internationaux.

De ce point de vue, cette intervention constitue une contribution fort utile à l’échange d’expérience entre banques centrales, en matière de promotion et d’utilisation d’une instrumentation monétaire et économique de nature à créer les synergies nécessaires à une dynamisation et une extension de la croissance tant au plan national qu’au plan régional et international.

Par Mohammed Tahar BOUHOUCHE : Directeur De l’Organisation Et De La Communication, Banque d’Algérie

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