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Le paludisme, un tueur du tiers-monde

mardi 26 avril 2005, par nassim

Lundi 25 Avril a été choisi comme la Journée africaine du paludisme 2005.

Une occasion de mettre l’accent sur les ravages que produit cette maladie infectieuse due à un parasite ­ dont il existe quatre formes, la principale étant Plasmodium falciparum ­, et transmise à l’homme par la piqûre de certains moustiquesIl existe des moyens de prévention et des traitements efficaces. Pourtant, environ 40 % de la population mondiale est exposée au paludisme. D’ici à 2010, ce sera le cas de la moitié des habitants de la planète, soit près de 3,5 milliards d’êtres humains. Le Dr Wenceslaus Kilama, président de la Fondation internationale Paludisme, a donné la mesure du nombre de victimes de cette épidémie : "Sept Boeing 747 chargés de passagers que l’on précipiterait chaque jour sur le Kilimandjaro."

L’Afrique est en première ligne. Environ 90 % du million de décès dus au paludisme et recensés par l’OMS ont lieu dans cette partie du globe, pour la plupart chez de jeunes enfants. L’OMS dénombre également 300 millions de cas chaque année à travers le mondeOr ces évaluations sont, selon toute vraisemblance, encore en dessous de la réalité. Epidémiologiste renommé, Robert Snow et ses collaborateurs viennent de publier, le 10 mars, dans la revue Nature, de nouvelles estimations sur la distribution géographique des épisodes de crises de paludisme dans le monde. Ils parviennent au chiffre moyen de 515 millions d’accès palustres, avec une fourchette allant de 300 millions à 660 millions). "Ces estimations globales sont jusqu’à 50 % supérieures à celles rapportées par l’OMS et 200 % fois supérieures aux zones hors Afrique, ce qui reflète la dépendance de l’OMS sur la notification nationale passive pour ces pays" , conclut l’équipe de Robert SnowDe même, Jean-François Trape, qui dirige l’UR 77 sur la parasitologie tropicale de l’Institut de recherche sur le développement (IRD), à Dakar, donne une fourchette de "2,7 à 3 millions de morts par an" , au lieu du million de décès officiel du fait du paludisme. "La forte augmentation de la mortalité provoquée par la maladie, constatée à partir des années 1980-1990, est directement liée à l’augmentation des résistances à la chloroquine" , explique Jean-François TrapeLa lutte contre ce fléau avait en effet connu un bond en avant avec la mise au point de la chloroquine, un médicament bon marché, bien toléré et efficace en prophylaxie et en traitement du paludisme.

Malheureusement, l’apparition de formes du parasite, le plasmodium, résistantes à la chloroquine a progressivement posé un problème majeur de santé publique. "Aujourd’hui, explique Jean-Marie Kindermans de Médecins sans frontières (MSF), on compte 4 fois plus de cas et 3 fois plus de décès par paludisme que dans les années 1970." Les taux de résistance à la chloroquine atteignent 70 % à 80 % des cas dans certaines régions d’AfriquePlusieurs autres molécules ont été utilisées au cours des dernières décennies, mais là encore des résistances sont apparues. La véritable percée est représentée par les combinaisons à base d’artémisinine ("Artemisinin-based combination treatments" ou ACT), un dérivé d’une variété d’armoise ("qinghao" ) utilisée en médecine traditionnelle chinoise. Ces combinaisons sont très efficaces, à raison d’une prise par voie orale par jourA partir de 2001, l’OMS a recommandé aux pays fortement touchés par les résistances aux antipaludéens traditionnels d’utiliser en première intention les ACT. Il en existe plusieurs, selon la molécule associée (luméfantrine ­ la seule combinaison fixe en un seul comprimé ­, amodiaquine ou sulfadoxine-pyriméthamine, toutes deux sous forme de comprimés séparés).

Une nouvelle combinaison fixe, réunissant en un seul comprimé l’amodiaquine et l’artémisinine, devrait s’y ajouter en 2006, grâce aux efforts conjoints de la fondation DNDi, créée notamment par MSF et l’Institut Pasteur, et du laboratoire Sanofi-Aventis (Le Monde du 11 avril)Plusieurs essais cliniques publiés dans le numéro du 23 avril du Lancet, ainsi que dans la livraison d’avril du magazine en ligne Public Library of Science (www.plosmedicine.org) attestent de l’efficacité des ACT. Seulement, si "une cinquantaine de pays d’Afrique ont décidé de changer leur protocole de traitement pour inclure des ACT, aujourd’hui seulement neuf d’entre eux ont commencé à concrétiser ce changement" , dénonce Jean-Marie Kindermans.

L’approvisionnement en artémisinine est un problème non résolu et malgré les alertes lancées depuis un an et demi par MSF sur les ruptures de stocks de matière première, rien n’est venu, et l’offre reste notablement inférieure à la demandeA côté de l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticides, de nouvelles voies de prévention apparaissent prometteuses. Dans The Lancet, l’équipe de David Schellenberg montre qu’un "traitement présomptif intermittent" , consistant à administrer à l’enfant une dose de sulfadoxine-pyriméthamine à trois reprises à l’occasion des séances de vaccination (à 2, 3 et 9 mois), permet de réduire l’incidence du paludisme de 59 % au cours de la première année de vie et de 36 % au cours des deux premières années.

"Cela pourrait constituer l’une des méthodes de lutte les plus efficaces contre le paludisme" , commente Jean-François Trape. A condition qu’il existe une mobilisation à hauteur de l’enjeu. A la fois problème sanitaire et de développement, le paludisme représente pour le produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique une perte de 12 milliards de dollars par an, alors que 3 milliards de dollars annuels permettraient de contrôler la maladie dans le monde.

Par Paul Benkimoun, lemonde.fr