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Le processus de la privatisation en Algérie (2e partie et fin)

samedi 26 juin 2004, par Hassiba

Pour ce qui est du système fiscal, celui-ci doit être plus incitatif tout en autorisant une grande rigueur dans son application en vue de la lutte contre l’évasion fiscale par la mise en place d’un système d’information et de communication plus moderne et moins sujet à interprétation. Il est également proposé d’améliorer la lisibilité de la politique générale de l’Etat par référence notamment à une nouvelle loi-cadre de planification budgétaire. Il est enfin préconisé de simplifier et regrouper dans un cadre plus cohérent, l’organisation institutionnelle chargée d’exécuter une politique désormais plus claire de libéralisation de l’économie et pourquoi pas un grand ministère de l’économie scindé en plusieurs secrétariats d’Etat techniques.

II Stratégie de privatisation
La conduite du secteur public économique a donné lieu à plusieurs tentatives de réformes dont l’aboutissement a été la promulgation de plusieurs ordonnances : d’une part, celle relative à la privatisation des entreprises publiques et celle traitant des capitaux marchands de l’Etat, d’autre part. Ces ordonnances dans leur esprit et leur lettre ont pour objet de canaliser le transfert du secteur public économique vers la propriété et/ou la gestion privée. En préliminaire, il y a lieu de rappeler avec force que la privatisation est d abord et avant tout un acte éminemment politique qui doit être accompagnée de la définition à l’objectif à atteindre et d’une stratégie de concrétisation. L’examen des divers textes émis en Algérie ne laisse rien apparaître de tel et de ce fait, la levée du tabou qu’a constitué la privatisation a été altérée par la démultiplication des centres de décision et un blocage institutionnel préjudiciable à la concrétisation du processus. En définitive, la démarche de l’Etat est restée alors frappée d’une espèce de non légitimité de l’acte et ipso-facto sa non-crédibilité. Aussi, dans ce qui suit on s’attachera à des propositions de définition d’objectifs et de stratégie de concrétisation tout en insistant qu’au préalable, il y aura lieu de restituer sa pleine légitimité politique à l’acte de privatisation.

2.1 Définition des objectifs
La privatisation répond à de nombreux objectifs qui ne sont pas tous compatibles et qu’il convient de hiérarchiser dans la formulation d’un programme de privatisation, synthétiquement et sans être exhaustif. On peut citer les thèmes suivants en soulignant le fait qu’elle ne saurait s’assimiler au bradage du patrimoine public. Dans le cas de l’Algérie, les objectifs tels que cités ci-dessus peuvent varier et être adaptés en fonction de l’activité ou l’entreprise objet de la privatisation.
Car comme rappelé précédemment, la privatisation est non une finalité idéologique mais un moyen du retour à la croissance et à la création d’emplois utiles autour de dix axes fondamentaux :
 parvenir à une grande efficience de l’économie donc croissance et création d’emplois ;
 substituer des critères de gestion économiques à des critères politiques ;
 éliminer les rigidités administratives ;
 alléger les contraintes budgétaires.
A moyen terme, elles peuvent permettre de réduire le poids de la dette publique et la contrainte de solvabilité de I’Etat si les recettes de privatisation sont affectées au désendettement et/ou aux dépenses d’investissement :
 contribuer à la compétitivité et à la modernisation des places financières. Les privatisations présentent l’avantage de renforcer la capitalisation boursière d’une place, d’augmenter considérablement le nombre des transactions et d’améliorer la liquidité du marché et, partant, la capacité d’attraction de l’épargne étrangère ;
 favoriser la transparence des opérations et lutter contre les pratiques contraires à la déontologie ;
 Lutter contre les rigidités syndicales ;
 permettre la promotion de certaines entreprises sur le plan commercial et auprès des investisseurs étrangers ;
 développer l’actionnariat populaire et la participation des salariés au capital de leur entreprise (objectif explicite des privatisations britanniques et françaises) ;
 favoriser et promouvoir des équipes de managers et développer une classe moyenne porteuse de dynamisme social.

Quels enseignements
pour l’Algérie ?

 Politiques : ouverture au capital étranger et conservation d’une partie de l’actif par l’Etat
 Economiques : pénurie d’épargne, absence de marché financier, définition d’une taille critique dans le démantèlement, réticences des investisseurs étrangers
 Techniques : définition et évaluation des actifs, questions liées à la propriété. L’expertise locale non adaptée à de telles opérations.
 Culturels : esprit d’entreprise et appétence à l’argent et au profit non affichés.
La privatisation ne peut intervenir avec succès que si elle s’accompagne d’un univers concurrentiel et un dialogue soutenu. Un processus de libéralisation doit porter le transfert au secteur privé des activités entrepreneuriales.
Cela implique, par exemple :
 la surpression des barrières à l’entrée afin de favoriser l’introduction de nouveaux produits sur le marché
 la réorganisation interne de l’entreprise privatisée (aux normes des entreprises concurrentes internationales).
 enfin la mise en place d’une instance de régulation véritablement impartiale un ministère ne pouvant pas être juge et partie.
L’expérience de la transition dans les pays d’Europe
centrale et orientale PECO a mis en lumière de manière crue les problèmes que pourrait rencontrer le processus de privatisation dans un contexte marqué par l’inadaptation, voire l’inexistence des règles juridiques relatives tant au droit de propriété qu’au droit commercial, ou financier.
En ouvrant le capital à des investisseurs étrangers, la privatisation sera l’occasion de faire appel à des compétences extérieures et un moyen de développer la place financière d’Alger. Menées dans le cadre dune politique de libéralisation, les privatisations sont de nature à donner des gages à la communauté financière internationale afin de faire apparaître comme crédible et irrémédiable l’ensemble du processus. Cependant, dans une économie en transition comme la nôtre, le but fondamental à viser reste l’instrumentation d’une économie de marché. Aussi, les privatisations en Algérie doivent être guidées par un objectif prioritaire qui dominera tous les autres.
Cet axe prioritaire est constitué par :
 un arrêt de l’aggravation de la dette publique par un désengagement de l’Etat de la scène économique publique
 une meilleure gestion du système productif et un relèvement important du niveau technologique de ce dernier.

2.2 Stratégie de concrétisation
2-2-1 Moyens de la privatisation
L’offre comme la demande potentielle de privatisation ont besoin d’être estimées. Concernant l’offre, celle-ci repose sur une estimation de la valeur des entreprises à mettre sur le marché. Cette évaluation de base pour l’essentiel sur la comptabilité de l’entreprise et sur la réalité du patrimoine immobilier que cette dernière détient.
Aussi, il s’agit de procéder à la mise à niveau des comptabilités et à la régularisation du patrimoine pour pouvoir effectuer l’évaluation qui en tout état de cause ne peut servir que de référence.
La demande de privatisation exprimée en ressources peut provenir de trois horizons :
 l’épargne domestique d’entreprises et des ménages.
 les IDE (investissement direct étrangers) par apport d’argent frais.
 les debt equity swap, si la formule était retenue.
En Algérie, les esprits et les capitaux sont réservés d’autant que les instruments de mobilisation font défaut. En finale, la demande solvable locale risque d’être d’autant plus limitée qu’elle pourrait être sollicitée pour d’autres emplois concernant les investisseurs non résidants ; ceux-ci ne sont guère à s’impliquer jusque-là. Aussi, il s’agit de développer les incitations voulues pour dégripper la situation tout en veillant à éviter une mainmise plus ou moins totale des intérêts étrangers sur l’ensemble de l’économie.

Une des possibilités est qui ne serait pas privilégiée par l’Etat est la disponibilité des ressources à attendre de la privatisation. En d’autres termes, la dotation des flux attendus du produit de la cession des entreprises ne constitue pas le critère primordial et par contre situer l’enjeu sur le plan industriel et sur l’amélioration de l’efficacité d’exploitation des entreprises ainsi que de leur développement. Ainsi peut s’élargir la population des investisseurs potentiels.
Le principe de cession à tempérament est retenu par le législateur relative à la privatisation des entreprises publiques. Il est du seul ressort du gouvernement et le montage du financement ne s’effectue pas à travers un système bancaire, mais par le biais du Trésor. La possibilité de sollicitation du système bancaire diffère suivant qu’il s’agit d’un investisseur résidant ou non.
Dans le cas d’un investisseur résidant, celui-ci ne peut s’adresser qu’aux banques publiques et toute la problématique réside pour celui-ci à se faire garantir par lesdites banques, le problème pour ces dernières étant l’augmentation de leurs engagements par signature au détriment de leurs capacités de financement pour les autres besoins.

Pour un investisseur non résidant qui s’adresse au système bancaire de son propre pays, Ie problème évoqué dans le paragraphe ci-dessus se pose avec moins d’acuité. Reste à se prononcer sur la qualité de l’argent et en particulier les fonds qui peuvent avoir échappé aux obligations fiscales. Une amnistie décrétée selon les voies de droit appropriées permettraient de surmonter la difficulté. Dans tous les cas, une décision doit être prise.

2.2.2 Les techniques de privatisation adaptées aux objectifs économiques
En premier lieu, il s’agit d’abord de cerner correctement l’objet de la cession. En effet, faut-il et peut-on vendre en bloc les entreprises en tant que combinats ou les vendre par compartiment ? La restructuration par cession, filialisation ou par fusion d’activités de diverses entreprises pré-existantes présentent des difficultés qu’il y a lieu d’appréhender correctement et surtout répondre à une configuration industrielle susceptible d’intéresser les repreneurs potentiels. La configuration de l’entité à céder arrêtée, il s’agit de déterminer s’il s’agit d’une privatisation totale ou partielle, ceci déterminant le degré d’intérêt des investisseurs et le niveau de prix qui peut être obtenu. Aussi bien le degré d’intérêt que le niveau de prix sont une fonction inverse du taux de participation et de contrôle que veut garder l’Etat. Aussi, la tentation de privatiser tout en gardant une certaine tutelle sur l’entreprise doit être écartée. En revanche, les préoccupations légitimes de l’Etat, notamment la sauvegarde de l’emploi et de l’activité, l’intéressement des salariés, les investissements de renouvellement et de modernisation peuvent et doivent être pris en considération dans le cahier des charges. Dans le cas d’une cession ne faisant pas appel au marché, la démarche à favoriser est celle d’une reprise de l’entreprise publique par une société en joint-venture entre des privés nationaux et des partenaires étrangers. Une autre possibilité, c’est le choix des opérateurs au terme d’un appel d’offres ouvert à tous les intéressés auxquels on fixe des participations minimales et/ou maximales pour les acquéreurs locaux et étrangers. La cession par appel au marché induit le développement d’un marché de capitaux et de valeurs mobilières et permet d’asseoir une réelle économie de marché.

De telles opérations font appel à la technique de l’offre publique de vente (OPV). Cette technique nécessite un publicitaire et une banque introductrice dont le renom et l’image de marque stimulent les candidatures. Une autre approche du désengagement de l’Etat est celle qui consiste à procéder à une privatisation de la gestion sans transfert immédiat de propriété de l’entreprise, En résumé, il importe d’adapter les techniques de privatisation aux objectifs que recherche I’Etat et aux moyens dont il dispose.

Conclusion générale
Processus éminemment politique, la privatisation en tant que facteur de restructuration globale de l’économie concerne l’ensemble de la société et non certains segments liés à la rente. La réussite de ce processus doit donc reposer sur le dialogue et une totale transparence au moyen d’une communication active et accessible à l’ensemble des citoyens.
L’expérience à travers les différentes organisations qui se sont succédé en Algérie méritent des corrections pour accroître l’efficacité. Le début de mise en pratique du processus de privatisation a mis en lumière un certain nombre de dysfonctionnements dont l’essentiel se résume en un manque de représentativité politique qui se traduit par une non-coordination entre les différents acteurs et une confusion dans les rôles de chacun. Encore que la dernière ordonnance constitue un dépassement qualitatif en donnant la présidence tant pour l’investissement que pour la participation au Chef du gouvernement devait lever cette ambiguïté.
Mais il reste la confusion entre les prérogatives politiques et de mise en œuvre concrète par une institution neutre (agence de privatisation relativement autonome composée d’experts compétents et honnêtes avec une mission temporaire) n’est pas à ce jour levé. La réussite de ce processus complexe étant fondamentalement liée à la transparence. En effet, les SGP ne peuvent pas être juge et partie. Il y aurait lieu de définir clairement les deux niveaux de responsabilités politiques et techniques.

Un groupe d’experts sous la direction du Dr Abderrahmane Mebtoul, expert international, ex-président du Conseil national des privatisations, La Nouvelle République