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Le processus de la privatisation en Algérie

dimanche 20 juin 2004, par Hassiba

Cette partie ne peut être comprise sans la définition des objectifs cohérents liant dynamique politique, économique, sociale et culturelle afin d’asseoir un Etat de droit, base de la démocratie, dont le fondement est l’instauration de l’économie de marché concurrentielle, produit du développement du capitalisme qui a ses propres règles.

C’est donc dans ce contexte bien compris de la réconciliation nationale (ne signifiant aucunement unanimisme, signe évident de la décadence de toute société), répondre aux nouveaux enjeux de la mondialisation et au développement national que se situe cette modeste contribution.
Problématique : l’Algérie face au contexte international
Insérer l’Algérie dans l’économie mondiale, c’est d’abord situer les enjeux. Puis, connaître les règles du jeu de la globalisation. Ce renouveau stratégique doit nécessairement s’accompagner d’un ré-engineering global qui s’appuiera sur plusieurs leviers dont principalement :
 La culture des affaires internationales.
 la maîtrise du processus de privatisation.
 La mise en place d’un système d’information économique et de veille technologique.
Comprendre donc, qu’aujourd’hui, ce sont les entreprises qui compétitionnent pour les Etats nations. Aussi, si la mondialisation est subie, la globalisation est voulue, initiée et développée par les firmes multinationales dans le cadre de stratégie d’alliance. Face à ce mouvement et cette dynamique, nous restons en Algérie spectateurs d’une pièce de théâtre qui se joue sans nous mais qui nous concerne tout autant.
Les quelques expériences menées par Sonatrach avec succès doivent être analysées et évaluées dans le fond pour servir de « référents » aux formes futures de partenariat.
L’investissement direct étranger (IDE) constitue l’un des moteurs de la globalisation, voire même sa source principale. Par ailleurs, l’IDE est un élément important du processus de restructuration de modernisation et de l’éventuel réorientation de l’économie.
De ce point de vue, notre pays pendant longtemps a présenté un déficit d’attractivité des IDE qui s’explique en partie par la présence de plusieurs obstacles structurels qui font barrière à l’entrée des IDE que l’on peut lister comme suit encore que entre 1999/2004, l’image de l’Algérie sur la scène internationale s’est nettement améliorée :
 incertitudes économiques et politiques des années passées ;
 un cadre juridique et réglementaire inadapté ;
 un secteur tertiaire sous-développé ;
 l’étroitesse du marché algérien.
La plupart des pays en développement se livrent depuis une décennie à une concurrence aiguë pour attirer sur leur sol l’implantation des groupes multinationaux, vecteur traditionnel de l’IDE.

Il est urgent pour l’Algérie de s’inscrire dams um tel mouvement avec les objectifs suivants :
 relancer et moderniser son économie ;
 accéder aux technologies avancées ;
 apprendre le marché et viser l’exportation hors hydrocarbures ;
 stimuler la concurrence et la compétitivité interne et externe ;
 considérer les IDE comme ressources pour les privatisations.
L’Algérie doit alors utiliser les privatisations comme une des portes d’entrée principale des IDE pour figurer sur les agendas politiques et économiques de la plupart des Etats partenaires. L’objectif est de privilégier les intérêts supérieurs du pays en évitant de personnaliser des problèmes nationaux.

Aussi pour favoriser le débat, il est utile de rappeler les principes directeurs.
 1- L’Algérie s’est engagée dans les réformes économiques indispensables pour s’adapter tant à la mondialisation de l’économie dont l’espace euro-méditérranéen et arabo-africain (NEPAL) est son espace naturel qu’aux mutations internes : instauration de l’économie de marché (démocratie économique) est inséparable de la démocratie sociale et politique.
 2- Cependant, le cadre macro-économique relativement stabilisé est éphémère sans de profondes réformes structurelles
 3- La privatisation, qui n’est certes pas une panacée - englobée dans le cadre des réformes du système financier, douanier, fiscal - administration, régulation sociale au profit des plus démunis - est l’élément essentiel des ajustements structurels futurs. Mais il y a lieu de ne pas confondre restructuration industrielle qui n’est qu’un élément de la restructuration globale de l’économie objectif stratégique de la privatisation
 4- Le bilan est mitigé : il faut tirer les leçons. Le consensus tant au niveau international que national est l’urgence d’objectifs politiques plus précis et une nouvelle organisation institutionnelle afin de donner plus de cohérence et une accélération de ce processus complexe mais combien déterminant pour l’avenir du pays. Les expériences internationales tenant compte du contexte social algérien peuvent être utiles.
 5- Il est utile de signaler que les raisons du faible flux d’investissement étranger et du privé national, pourtant indispensable pour renouer avec la croissance et donc d’atténuer les tensions sociales, nous semble être essentiellement imputable non pas à l’aspect sécuritaire qui s’est nettement amélioré, mais au système bureaucratique sclérosant étouffant les énergies créatrices.

Pour éclairer notre problématique, nous citerons un écrivain du XIXe siècle à propos de ce fléau : « Le bureaucrate amène avec lui le carcan, les lenteurs, les petitesses en oubliant la conscience et l’efficacité. Le but du bureaucrate est de donner l’illusion d’un gouvernement même si l’administration fonctionne à vide, en fait de gouverner une population infime en ignorant la société majoritaire.

Nous aurons ainsi une triple conséquence :
 1ère conséquence : une centralisation pour régenter la vie politique, sociale et économique du pays.
 2e conséquence : l’élimination de tout pouvoir rival au nom du pouvoir bureaucratique.
 3e conséquence : la bureaucratie bâtit au nom de l’Etat des plans dont l’efficacité sinon l’imagination se révèle bien faible. Aussi nous centrerons sommairement notre analyse :
 sur le diagnostic et les repères d’une nouvelle politique économique ;
 la stratégie en matière de privatisation.
I. Diagnostic et repères pour une nouvelle politique
1.1 Diagnostic
Durant les dernières décennies, l’emprise de l’Etat sur la condition de l’économie ne s’est guère démentie. Omniprésent durant la décennie 70 et jusqu’en 1985, l’Etat s’est peu à peu résolu à effectuer un certain nombre de réformes sans cependant dans la réalité des faits se départir des fondements institutionnels et réglementaires de l’économie administrée.

L’effort de développement qui s’est voulu centralisé et accéléré s’est fondé sur l’exploitation de la rente pétrolière. Cet effort visait une croissance durable en mesure de renverser à partir de 1980 la tendance à la paupérisation. Dans les faits, on a abouti à une économie en stagflation endémique toujours dépendante des hydrocarbures. L’objectif d’une croissance stable et durable n’est donc pas atteint. Incertaine, la croissance est aussi illusoire : elle est monétaire, non réelle. Pour l’essentiel, cette situation est due aux performances de l’appareil industrie et au système de financement qui a prévalu ainsi qu’au droit des entreprises.

En premier lieu, l’appareil industriel reste marqué par la sous-utilisation des capacités installées. Le rétablissement de l’équilibre de gestion des entreprises postulé par les différentes, successives et répétitives opérations de restructuration et d’assainissement ne peut dans ces conditions être obtenu par la seule réduction des charges. Il passe nécessairement par l’augmentation de la production.
En second lieu, l’édification de l’économie à partir de la rente pétrolière sous tendait la centralisation des ressources et leur affectation en conformité avec les priorités planifiées. Ce système de financement découlant de cette vision avait pour seul rôle à travers les langues de financer les entreprises publiques à concurrence des crédits moyen terme planifiés et sans limite pour les crédits d’exploitation.
En troisième lieu, la rigidité du système productif est lié au statut juridique des entreprises constituée à l’origine en société nationale, celle-ci de par la restructuration organique du début des années 80 a donné naissance à une série d’entités dénommées « entreprises socialistes ».

Les lois de 1988 érigent ces dernières en sociétés par actions sous l’égide de 8 fonds de participations. Le statut juridique ainsi conféré aux entreprises publiques est confirmé par les différentes ordonnances entre 1995/2002 relatives aux capitaux marchands de l’Etat, ces dernières ne faisant que substituer les holdings ou sociétés de participation de l’Etat (SGP) aux fonds de participation et rendre passible de l’ensemble des dispositions du code du commerce les entreprises publiques. _ Les démarches et pratiques décrites ci-dessus ont induit une série de conséquences qui peuvent être résumées comme suit :
 Le modèle de développement est resté indécis sur la question de la rentabilité financière des entreprises publiques.
 L’appareil de production public mobilise des fonds théoriquement adossés à des mesures de redressement internes ; cet assainissement a constitué en le rachat par l’Etat des découverts bancaires des entreprises publiques et de les payer par des obligations du Trésor.
En différant la restructuration industrielle des entreprises qui aurait permis l’atténuation des implications de l’ajustement structurel, l’Etat n’a fait qu’accentuer les déséquilibres. Celles-ci sont concrétisées par des dissolutions d’entreprises et par des actions visant à la réduction des coûts en s’attaquant pour l’essentiel à la réduction des effectifs. L’obligation implicite faite aux banques d’assurer la liquidité des entreprises publiques n’a pas pu contribuer à l’expansion monétaire et ce, malgré le programme liant l’Algérie au FMI.
Adjurant plutôt que stimulant de l’activité, les crédits nourrissent d’abord et seulement l’expansion monétaire : le soutien financier apporté par I’Etat aux entreprises ne fait plus que substituer aux crédits à l’économie, la dette publique.

En définitive, l’économie a été pénalisée par la non-concomitance entre l’ajustement macro-économique et l’indispensable restructuration industrielle : le pays aurait alors évité la décrépitude de son appareil de production, l’exacerbation de ses déséquilibres macro-financiers et la grave préconisation de la situation d’une frange importante de la population. Sa préférence pour le formel doit laisser la place à une politique résolue de réformes économiques effectives et globales et à une vision stratégique de la privatisation en tant qu’instrument d’une gouvernance éclairée des affaires publiques.

1.2 Repères pour une nouvelle
politique économique

Le secteur public économique a montré ses limites : longtemps perçu comme porteur du progrès social, il est considéré aujourd’hui comme un gaspilleur de ressources. Ce secteur public serait quelque part devenu « antisocial » ou perçu comme tel. Une telle image se répercute directement sur l’Etat qui demeure très attaché à la sauvegarde des équilibres sociaux. Par ailleurs, la quasi-dépendance de notre économie de la conjoncture pétrolière alliée à une dette externe dévorante par le passé (n’oublions pas les effets de 1986 avec le rééchelonnement en 1994) incitent à développer notre degré de liberté pour la résolution de l’équation financière externe, le problème étant de remplir les conditions auxquelles sont subordonnées les apports internationaux de capitaux d’accès aux nouvelles technologies et de pénétration de marché.
De cet axe d’analyse, il en ressort que des évolutions déterminées devraient intervenir pour démarquer et reformuler le rôle de l’Etat. En d’autres termes, l’Etat entrepreneur et exploitant direct doit s’effacer peu à peu pour laisser place à un Etat exerçant la puissance publique et qui sera conforté dans ses missions naturelles d’arbitrage et de régulation par un front économique interne.

Ce front devrait permettre aux différents acteurs économiques de réhabiliter leur rôle stratégique dans une vision nouvelle du développement. Ceci implique le transfert du secteur public à un statut privé de façon à passer d’un système productif foncièrement extensif à un système intensif, le but essentiel étant de mieux gérer les entreprises et de maximiser la création de richesses.
En parallèle à ce nouveau « deal » entre l’Etat et les entrepreneurs, une série d’évolutions et de réformes liées à l’environnement économique est à même d’une part de créer un climat de confiance afin de susciter l’intérêt des investisseurs nationaux et étrangers et d’assurer la crédibilité de l’Etat d’autre part. Dans ce cadre, la bureaucratie héritage d’une économie administrée constitue une des contraintes les plus fortes, dont l’éradication est absolument nécessaire pour insuffler au marché la dynamique et la fluidité attendues. Sur le plan du système financier, il est fondamental de promouvoir l’adaptation du système bancaire et de la fiscalité.

La mise à niveau du système bancaire est un des axes de promotion à privilégier, car c’est au sein de cette sphère que les rythmes de croissance seront arbitrés à titre principal. L’objectif à viser est d’aboutir à un système bancaire affranchi des ingérences, plus efficient et plus en harmonie avec les exigences d’une intermédiation financière performante et orientée vers l’économie de marche de capitaux. Jusqu’ici, la situation financière des banques publiques a constitué une contrainte qui a inhibé toute velléité de restructuration. Aussi il y aurait lieu de dégager un scénario pour leur sauvegarde et leur insertion dans la stratégie globale de privatisation.

Par un groupe d’experts sous
la direction du Dr Abderrahmane Mebtoul, expert international, ex-président
du Conseil national des privatisations, La Nouvelle République