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Les Européens acceptent que Wolfowitz préside la Banque mondiale

jeudi 31 mars 2005, par nassim

Les ministres européens ont donné leur feu vert à la candidature de l’Américain Paul Wolfowitz à la présidence de la Banque mondiale après avoir entendu les assurances du n°2 du Pentagone sur son engagement en faveur de la lutte contre la pauvreté.

L’homme qui fit l’un des principaux artisans de la guerre en Irak a fait spécialement le déplacement de Bruxelles à la veille de la réunion du conseil des gouverneurs de la Banque mondiale consacrée à la succession de James Wolfensohn.

Wolfowitz, longtemps ambassadeur en Indonésie, a souligné son attachement à la réduction de la pauvreté dans le monde dans un communiqué publié à l’issue de ses entretiens. Il y fait l’éloge du rôle joué par l’Union européenne en matière de développement et s’engage à consulter régulièrement les Européens et à faire en sorte qu’ils soient correctement représentés dans l’organigramme de la Banque mondiale. La Commission européenne s’est, pour sa part, déclarée satisfaite des engagements pris par le candidat américain auprès des responsables européens des Finances et du Développement. L’Allemagne a fait savoir qu’elle tablait sur un appui à Wolfowitz des représentants de l’UE au sein du conseil des gouverneurs de la Banque mondiale où ils possèdent 30% des droits de vote.

Olli Rehn, commissaire européen à l’Elargissement, s’est déclaré "satisfait par tout ce qu’il a entendu de M. Wolfowitz concernant le libre échange ainsi que sur la politique de réduction de la pauvreté et de développement", a rapporté une porte-parole de la commission.

"PROCHAIN PRESIDENT"

La ministre allemande du Développement, Heidemarie Wieczorek-Zeul, qui avait fait part de son scepticisme initial à l’annonce du choix de Wolfowitz par le président George W. Bush, a confié aux journalistes : "Je m’attends à ce qu’il bénéficie du soutien de l’Allemagne et de l’Europe".

Interrogée sur le rôle de "faucon" dans la crise irakienne du probable futur patron de la Banque mondiale, la ministre allemande a répondu : "C’est pour lui aussi un nouveau commencement".

Wolfowitz, dont le nom est plus associé à l’unilatéralisme et à la puissance militaire des Etats-Unis qu’à la lutte contre la pauvreté, a reconnu que son image de néo-conservateur inquiétait certains dans le monde. "Je comprends que je suis, pour le dire avec des gants, une personnalité controversée. Mais quand on me connaîtra mieux, on comprendra que je crois avec conviction et sincérité à la mission de la Banque mondiale", a-t-il dit lors d’une conférence de presse.

Le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, qui a présidé la réunion avec Wolfowitz en sa qualité de président en exercice du Conseil européen, a présenté à plusieurs reprises son hôte comme "le prochain président de la Banque mondiale".

Avant les discussions, Juncker avait souligné que les Européens souhaitaient s’assurer que les objectifs du Millénaire pour le développement des Nations unies, qui prévoient notamment une réduction de moitié de la pauvreté d’ici 2015, "soient le socle sur lequel le futur président de la Banque mondiale organisera son travail".

PAS D’ASSURANCE SUR LES ADJOINTS

"Nous devons nous assurer que les Européens seront mieux représentés au conseil des gouverneurs de la Banque", avait-il ajouté.

La désignation du n°2 du Pentagone pour présider l’une des institutions de Bretton Woods, théoriquement vouée au multilatéralisme et dont la mission est de financer le développement des pays pauvres, avait pourtant été accueillie avec réserves par certains gouvernements de l’UE.

Néanmoins, au moment où les Vingt-Cinq s’efforcent parallèlement d’obtenir le soutien de Washington à la nomination du Français Pascal Lamy à la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), aucune capitale européenne n’a ouvertement dénoncé le choix de Washington.

De sources diplomatiques européennes, on précise que les Européens souhaiteraient obtenir de Wolfowitz la nomination d’un Européen et d’un représentant d’un pays en voie de développement à la tête de deux vice-présidences actuellement vacantes.

Confirmant des informations de presse, on ajoute de même source que la France propose que l’actuel président du Club de Paris, le Français Jean-Pierre Jouyet, seconde l’Américain dans le cadre de cette nouvelle architecture.

Selon un haut diplomate européen, le secrétaire adjoint à la Défense n’a fourni aucune assurance à ce sujet "mais je pense qu’il nous a compris".

Le fait que Wolfowitz ait accepté rapidement de franchir l’Atlantique pour rassurer les partenaires européens de Washington a été en outre perçu à Bruxelles comme un geste significatif de bonne volonté.

Par Mark John et Aine Gallagher, liberation.fr