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Les Français manifestent de l’intérêt pour le marché algérien

mercredi 9 février 2005, par Hassiba

Organisée par le Forum des chefs d’entreprise (FCE) et le Medef, la troisième rencontre franco-algérienne du Medef s’est tenue hier à l’hôtel Sofitel. Elle s’est terminée à la satisfaction des deux parties, même si elle fut avare en concrets.

Un constat en ressort : les chefs d’entreprise de l’Hexagone ont manifesté de l’intérêt pour le marché algérien. Dans le discours qu’il a prononcé à l’ouverture des travaux, Yves-Thibault de Silguy, chef de la délégation du Medef à Alger, a déclaré que celle-ci accompagnera le partenariat en Algérie dans la bataille de l’économie mondiale. Yves-Thibault de Silguy a indiqué que les choses s’améliorent en Algérie, en allusion au travail fait en matière de réforme et d’ouverture, de manière globale, mais que les projets à matérialiser prennent du temps. Et d’ajouter en optimiste : ça va venir.

Omar Ramdane, président du FCE, a fait, lui, un discours aux accents pragmatiques, au-delà de la cordialité. Il a ainsi dit que les chiffres sous-tendant aujourd’hui les relations entre l’Algérie et la France nous interpellent. Car, a-t-il expliqué, des relations portées exclusivement par le commerce présentent souvent un caractère de fragilité, surtout dans une économie mondiale caractérisée par l’interdépendance, de plus en plus forte des économies. Omar Ramdane a fourni une multitude de statistiques pour donner de la consistance à son intervention. Il a précisé : « La France reste le premier fournisseur de l’Algérie et de façon constante depuis 1992. » Cette position, des chiffres l’illustrent : les importations algériennes de France ont plus que doublé entre 1992 et 1994, passant d’un montant de l’ordre de deux milliards de dollars en 1992 à 2,65 milliards de dollars en 2002, à 3,12 milliards de dollars en 2003 et 4,12 milliards de dollars en 2004. Le solde commercial a toujours tourné à l’avantage de la France, à l’exception des quatre années suivantes : en 1997 avec un solde positif de 151 millions de dollars, en 2000 avec 756 millions de dollars, en 2001 avec 499 millions de dollars et, enfin, en 2002 avec 134 millions de dollars. Inversement, le solde commercial avec l’Union européenne a été à l’avantage de l’Algérie durant toute la période. La part de la France dans le volume des échanges se situe entre 22 et 25% du montant des importations totales de l’Algérie, tous pays confondus. 38 et 48% du montant des importations de l’Algérie en provenance de l’Union européenne. Autres données, 43% du montant annuel des importations de France concernent neuf produits classés par ordre d’importance décroissant. Les médicaments occupent le premier rang avec un montant de l’ordre de 300 millions de dollars par an en moyenne (1992-2004). Ils représentent ainsi, sur la période considérée, 12% du montant annuel des importations de marchandises de France et 63% du montant des importations.

En ce qui concerne les exportations algériennes, la France se posait en deuxième client de l’Algérie sur la période 1992, 1993, 2001, 2002 et 2004. Elle occupait le troisième rang en 2004 derrière l’Italie (2ème rang) et les Etats-Unis (1er rang).

La France conservera-t-elle dans le long terme sa position de principal partenaire commercial de l’Algérie ? se demande le président du Forum des chefs d’entreprise. Cette question, il se la pose pour deux raisons.

Et Omar Ramdane d’expliquer : « La première est que l’Algérie est engagée dans un processus de mise en œuvre de l’accord d’association signé avec la communauté européenne et se prépare à l’accession à l’OMC [Organisation mondiale du commerce][...] ». La deuxième tient au fait que les entreprises algériennes qui opèrent dans les activités d’importation diversifient de plus en plus leurs sources d’approvisionnement et n’hésitent plus à prospecter des marchés éloignés pour acheter à moindres coûts. Cela équivaut à dire qu’il pourrait y avoir une diminution de la part relative de la France dans les échanges commerciaux avec l’Algérie.Le président du FCE a, par ailleurs, dressé un tableau positif de l’évolution de l’économie nationale dans son ensemble.

Il a ainsi avancé : « Après une période de stagnation, le PIB n’a cessé d’augmenter depuis 1999, passant de 48,6 milliards de dollars à quelque 74 milliards de dollars en 2004 ; la dette extérieure est en baisse ; l’inflation maîtrisée, l’équilibre budgétaire retrouvé, le commerce extérieur totalement libéralisé, la convertibilité du dinar est garante, les comptes extérieurs équilibrés [...]. » Omar Ramdane dit ne pas comprendre le peu d’empressement des entreprises françaises quand il s’agit du marché algérien en dehors du commercial. Aussi, il les a invitées à faire plus de volontarisme. Dans son intervention, Reda Hamiani, membre du FCE, a souligné la bonne tenue des relations franco-algériennes.

En bon orateur, il a indiqué que la donne de l’économie nationale a changé, que l’Etat a quitté la sphère économique, le privé gagne en importance, qu’il y a muliplicité d’acteurs économiques (25 000 dans le commerce extérieur)... De même qu’il a énuméré les avantages dont dispose l’économie nationale : stabilité politique, réserves de changes, marché du travail, prix de l’énergie et de l’eau pas élevés, taux de change... Durant 28 ans, de 1963 à 1990, la parité du dinar algérien avec le dollar, monnaie de règlement des transactions commerciales, a connu des variations relativement faib les. Elle est passée respectivement de 4.9371 DA/$US à 8 9648 DA/$US. En quinze ans, de 1990 à 2004, le taux de change a connu de fortes variations : en 2004, le dollar US s’échangeait contre 80 dinars algériens, alors qu’en 1990 la parité était de moins de 9 dinars pour un dollar US. Reda Hamiani a expliqué aussi la préférence de l’Algérien pour le produit français par rapport aux autres produits : une voiture sur deux est ainsi de marque française, en Algérie ; trois médicaments sur trois proviennent de France. Il résume qu’il y a intérêt dans le marché algérien.

Benachenhou invite les Français à s’intéresser aux banques publiques
Intervenant dans les débats de la troisième rencontre franco-algérienne du Medef, le ministre des Finances Abdelatif Benachenhou a invité les opérateurs du Medef à s’intéresser à l’investissement dans les banques publiques, dont trois sont concernées par l’ouverture de capital. Il a estimé qu’il vaut mieux investir dans une banque disposant de réseaux que d’en créer une nouvelle. Abdelatif Benachenhou a cité la Société Générale, installée depuis quelques années en exemple d’une banque qui a réussi en Algérie.

L’ouverture de capital touche également d’autres secteurs tels que celui du tabac. De la privatisation, il en a parlé aussi, estimant qu’on progresse dans la vente de petites entités. En tout, cent dix-sept opérations ont été enregistrées, rapportant dix-huit milliards de dinars au Trésor public. C’est peu, commente-t-il, non sans cette boutade à l’adresse du ministre chargé des Participations de l’Etat : « Faisons-nous suffisamment de publicité à ce qu’on veut vendre ? »

Par ailleurs, le ministre des Finances s’en est pris aux tenants du statu quo, ceux qui ne veulent pas que les choses changent parce qu’ils y ont intérêt. « Et ils sont nombreux », a-t-il noté. « Les tenants du statu quo, on les trouve également en France », dira Abdelatif Benachenhou. Celui-ci a présenté aux Français une physionomie favorable de l’économie nationale. Et d’indiquer : « Toutes sortes d’intrants sont bon marché, deux mille deux cents positions tarifaires vont passer à la taxe zéro. L’Algérie préfère un financement d’une société étrangère rentable au mauvais financement d’une entreprise locale. » Des zones grises cependant dans ce tableau qu’il a brossé : cinq sources d’inquiétude affectent aujourd’hui le développement de l’économe de façon générale, selon lui. Il s’agit de l’informel, des tenants du statu quo, du déficit en matière d’expertise et dans l’administration, l’entreprise, de l’économie étatique et du foncier. Le ministre des Finances a, en réponse aux interpellations d’opérateurs français mais également algériens, au sujet du foncier par exemple, rappelé une disposition contenue dans la loi de finances 2005. Cette dernière stipule que les entreprises disposant de terrains excédentaires sont appelées à les restituer au domaine public. Du côté du privé, il y a aussi un stockage stérile, qu’il faut dégeler, a souligné Abdelatif Benachenhou.

Le ministre des Finances a estimé que cette disposition constitue une première action dans la déréglementation du marché du foncier. L’argentier du pays a, sur un autre plan, mis en exergue les effets induits par l’instauration de l’euro dont le chef de la délégation du Medef à Alger est l’un des artisans. Le renchérissement de la monnaie européenne a rendu chères nos importations en provenance de la zone euro, a-t-il rappelé. La réponse d’Yves-Thibault de Silguy est prononcée : « L’Algérie pourrait vendre en euro. » A. Benachenhou est revenu à la charge, dans une humeur mesurée : « L’Algérie ne financera pas les décisions de Bruxelles. »

Par Youcef Salami, La Tribune