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Les négriers algériens du IIIème Millénaire

Génèse et Développement

vendredi 5 mars 2004, par Hassiba

Aujourd’hui, l’irruption a eu lieu, causant beaucoup de dégâts plus moraux que matériels ; heureusement qu’il n’y a pas eu de pertes en vies humaines.
Quels que soient les diagnostics ou les hypothèses ou encore les accusations, les faits sont là, incontournables. Le ras-le-bol et la compression n’attendaient que la goutte ou l’étincelle. Et il y eu ce qu’il y a eu.

Mais il faut revenir à la genèse au moment où le FMI imposait ses règles impitoyables à notre économie pour pouvoir bénéficier de lignes de crédit pour survivre et nous endetter davantage.
L’explosion de la raffinerie de Skikda en est l’exemple le plus concret.

A ce moment, il était presque interdit d’investir dans de nouveaux créneaux et encore moins dans l’entretien et la rénovation des installations.
Vers 1987, étant employé par un organe public et assurant la couverture de la visite du ministre des hydrocarbures, M. Belkacem Nabi, qui s’évertuait à donner des orientations pour ne plus recruter de personnel, d’observer les mesures d’austérité, expliquant à la presse présente qu’il faut convaincre l’opinion qu’il fallait rentabiliser les moyens existants...

On n’avait pas le choix. Les sociétés étrangères ne se bousculaient pas au portillon ; les seules entreprises présentes, les filiales d’Enie l’italienne, lesquelles recrutaient tout comme Sonatrach et les autres entreprises à travers le bureau de main-d’œuvre de Ouargla.
Le tourisme s’étant affaibli, presque aucune recette malgré les grands investissements de Ténéré de feu El hadj Khirani. Et les premiers contrats de sous-traitance furent signés pour fournir les moyens de transport aux entreprises italiennes et à Sonatrach, chauffeur compris ; les contrats étaient juteux. La société ne pouvant plus subvenir aux besoins, elle sous-traita à son tour, et même les taxis long trajet furent mobilisés.

Puis vint le tour de l’hôtel El Mehri de sous-traiter avec Sonatrach à Hassi Berkaoui, le personnel de cuisine et d’hôtellerie. La situation de la restauration se métamorphose et à la place des valets de chambre, ce sont des femmes de chambre qui rendent agréable la vie des pétroliers. L’action fait tache d’huile, les prestataires n’arrivent pas à subvenir à la demande toujours grandissante.

L’entreprise Ténéré se divise en deux et donne naissance à SPS. L’hôtel El Djanoub de Ghardaïa sous-traite avec Noumeïrat Ziban de Biskra et arrive à suppléer à l’EGTG .
De nouvelles entreprises s’implantent jour après jour. Des cadres de sociétés pétrolières s’y mettent avec des prête-noms. A ces moments-là, le phénomène est devenu de mode et économiquement rentable ; tout le monde s’y retrouvait, sauf les travailleurs.

Les entreprises avaient moins de charges à gérer : un seul interlocuteur, pas de syndicats, pas de charges parafiscales, sociales et parasociales.
Un seul état, une seule facture, un seul chèque. Et le contrat peut être rompu à n’importe quel instant sans grabuges ni dommages.
L’Agence nationale de l’emploi et de la main-d’œuvre, après plusieurs scandales et la fermeture des entreprises nationales l’une après l’autre ne recevait plus d’offre et s’est rétrécie comme une peau de chagrin : des bureaux poussiéreux fermés non fréquentés, une porte fermée, même le gardien après sa mort n’a pas été remplacé.
Le « birou main d’ouf » est devenu un repère où il faut prendre à gauche ou à droite pour ceux qui demandent une direction.

La situation sécuritaire devenant alarmante, les entreprises étrangères deviennent exigeantes, surtout depuis que des expatriés sont assassinés à Ghardaïa, ce qui pouvait entraîner un embargo mettant dans une position difficile l’Algérie.

L’Etat algérien engage des éléments de l’ANP et du darak el watani pour assurer la sécurité. Ainsi, dans chaque base est construite une petite caserne.
Les étrangers sont gênés dans leurs mouvements, et des entreprises étrangères comme Sodexho s’empressent d’occuper le terrain, avantagées par les porteurs d’actions qui sont en même temps actionnaires dans les sociétés étrangères intervenant en Algérie.
D’autres Algériens prennent des directeurs gérants étrangers et les contrats sont discutés et arrangés avant même que lesdites sociétés s’implantent en Algérie. Ainsi, les ex-sous-traitants deviennent sous-traitants de sous-traitants.

C’est en 1995 qu’après plusieurs interpellations médiatiques - LNR et autres médias - que Mokdad Sifi, alors chef du gouvernement, ouvre le dossier, mais pas pour réguler.

Bien au contraire, l’Algérie est toujours affaiblie par les contraintes imposées par le fameux « embargo » et pour plaire « aux patrons voyous », la situation fut régularisée du ministère du Commerce N° 488/99 sous le gouvernement de Hamdani.

Encore plus, un code de la sous-traitance est mis en application avec ses n°011 et 012, et légifère d’une manière indirecte sur l’existence et le champ d’application desdites sociétés. Benflis, interpellé à plusieurs reprises par les médias et le Parlement, n’accorde pas de suite à ce qui a aujourd’hui conduit la situation au pourrissement.
Les éléments de l’ANP ou du Darak ne pouvaient se déplacer librement, aller où ils le voulaient.

L’Algérie palliera cela par les sociétés de gardiennage armées. Et du jour au lendemain, des prête-noms se bousculent chez ceux qui avaient la primauté de créer de telles entreprises, avec une offre d’emplois nouvelle. La ruée vers Ouargla s’amplifie, les restaurants, les hôtels, les cafés réalisent des chiffres d’affaires astronomiques.
Les zones d’exclusion créées limitent un petit peu la circulation ou plutôt la régulent d’abord, fuyant le terrorisme et la misère, ensuite cherchant un emploi rémunérateur. Parfois, les rêves s’exaucent, d’autres s’estompent et les « pionniers » « sablent » pour un premier temps et finissent par accepter n’importe quel métier à n’importe quel prix.

Ainsi les esclavagistes sont nés.
Les femmes surtout du nord arrivent par grandes vagues pour travailler et gagner honorablement leur vie. Mais elles, pas toutes, s’adonnent au plus vieux métier du monde pour remonter avec le magot et sauver le reste de la famille. Les articles de Kamel Guerd de LNR sur les évènements d’El Haïcha égayent parfaitement la situation.

Les jeunes de Ouargla refusent certains métiers « déshonorants » (selon leur appréciation). Et aucun d’eux n’a pu tenir le coup à la Bechtel...qu’ils ont fini par appeler « Bacteria ». Mais pour certains métiers, même s’ils sont qualifiés, les sociétés sous-traitantes préfèrent un gars de leur village qu’un Ouargli ou Touggourti parce que ces derniers connaissent les inspecteurs du travail et on ne peut pas leur appliquer la politique de l’usure ; les sous-traitants n’emploient de Ouargla que des « drivers », chauffeurs avec une lettre de démission préalablement signée sans date comme gage.

La régionalisation du recrutement est une réalité incontournable mais pleine de vissicitudes : le soufi recrute et emploie le soufi, tout en lui faisant comprendre qu’il n’a pas les mêmes capacités qu’un autre concurrent au poste pour simplement qu’il l’essore au maximum d’une part et que l’autre s’estime heureux de « tenir la main » ; idem pour les kabyles, pour les Skikdis, les Batnéens, les Oranais ou les Algérois. Pour entretenir ce climat, chaque communauté colporte un anathème jeté sur la rivale pour jeter l’opprobre sur les soufis.

On dit d’eux qu’ils ont la mainmise sur tout et donnent le nom d’un grand richard qui possède plus de 500 véhicules TT, pas très catholique dans ses relations avec les partenaires ; donc, il faut accepter les conditions. Pour les Kabyles, ils avancent c’est Hassi Ouzou et pas Hassi Messaoud et ainsi de suite pour le reste des autres communautés.
En fin de compte, tous les sous-traités sont mal traités, essorés jusqu’à la moelle. La solution serait d’appliquer la loi, mais il n’y a pas de code au registre du commerce réservé à la sous-traitance du personnel.

Seul l’Etat doit réguler l’emploi, obliger les entreprises à passer par les bureaux de main-d’œuvre qui doivent être mis à niveau avec les exigences de l’heure, car la dignité des humains est la chose que l’on doit sacraliser. Si aujourd’hui il n’y a pas « un holà basta » pour ces actes d’exploitation éhontée des Algériens, d’autres volcans entreront en irruption. Et il sera trop tard. Mais il n’est pas trop tard pour se rattraper sans trop de dégâts ; bien entendu, un arrangement vaut mieux qu’une guerre interminable. .

D.O.S. , La Nouvelle République

P.S. La majorité des employés n’est pas déclarée à la sécurité sociale