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Les vérités d’Aoun, PDG de Saïdal, sur le marché du médicament

lundi 28 juin 2004, par Hassiba

Le groupe Saïdal est plus que jamais décidé à créer sa propre usine de fabrication d’insuline en Algérie.

En dépit des rumeurs et autres contraintes auxquelles l’entreprise fait face depuis que son PDG Ali Aoun a annoncé le projet, l’équipe du plus important laboratoire du pays s’y est attelée. Cette décision, faut-il le souligner, a suscité la réaction de certains opérateurs qui ont voulu importer le produit de la Pologne alors que d’autres ont favorisé le retour de Novo Nordisk. La réaction de ces gens, estime le premier responsable du groupe, est due au fait que ces sociétés ne sont plus en mesure de tenir tête à Saïdal sur le marché. Car, cette dernière met sur le marché des produits à des prix abordables et concurrentiels. “Ils veulent saboter le projet pour qu’ils aient seuls le marché de l’insuline en Algérie”, précise-t-il.

Saïdal, à l’image des autres laboratoires espagnol, italien, anglais et suisse, fabriquera l’insuline suivant les procédés pratiqués dans le monde. Ces firmes de renommée mondiale achètent les cristaux d’insuline, elles les élaborent sous forme de solutions, leur assurent un conditionnement sous stérile et les stockent dans une chaîne de froid. Le groupe Saïdal suivra le même système dans son usine à Constantine. Saïdal dispose des réacteurs qui transforment les cristaux en liquide de l’insuline. Cette pratique s’effectue dans autoclave où sont provoquées des réactions qui donneront lieu au produit fini, c’est-à-dire l’insuline. Le comportement de certains intervenants dans le secteur n’a pas laissé indifférent le patron de Saïdal. Il n’hésite pas à parler de “parasitages” de tous bords.

Le groupe maintient son projet : l’usine d’insuline sera créée
Il s’agit, selon lui, de la concurrence déloyale qui ronge le secteur. “Aujourd’hui, Saïdal fait face à une concurrence des plus sauvages notamment dans le domaine de la promotion des produits”, constate M. Aoun Ali. Il y a, avoue-t-il, des pratiques qui défient toute déontologie et éthique dans le secteur du médicament. “Comment peut-on accepter que des importateurs, des laboratoires étrangers installés en Algérie puissent utiliser certaines procédures de promotion telles que la technique des unités gratuites qui dépasse tout entendement ?”, s’interroge-t-il. En termes plus clairs, certains laboratoires, dénonce-t-il, offrent gratuitement 10 cartons de médicaments à celui qui en achète un seul... Saïdal, de la bouche de son PDG, ne peut aucunement suivre ce procédé et se veut en revanche, prête à affronter la concurrence pour peu que celle-ci soit loyale. L’autre origine du parasitage concerne, selon le PDG, les pratiques de dumping auxquelles recourt une catégorie d’opérateurs. “J’accepte tout sauf qu’on me demande de m’aligner sur des prix proposés et fabriqués en dumping. Cela je le refuse et je le dénoncerai tant que je suis responsable à Saïdal”, précisera avec détermination M. Aoun au cours de la journée thématique sur le partenariat organisée à Annaba par le club de presse du groupe. S’il y a comparaison sur des tarifs à faire, elle doit être effectuée sur des bases identiques, c’est-à-dire le prix de sortie d’usine, celui pratiqué par les laboratoires sur leurs marchés dans leurs pays respectifs. Ces fabricants sont intéressés par un accès au marché algérien avec des prix dopés de telle sorte à faire capoter tout émergence d’une industrie pharmaceutique en Algérie. Notre pays, dit-on, cherche ses intérêts, avoue Ali Aoun, mais il ne faut pas oublier qu’en parallèle, il existe tout un tissu industriel à préserver, à encourager et à développer. “Ce n’est certainement pas avec de tels comportements qu’on pourra créer une industrie pharmaceutique digne de ce nom en Algérie”, déclare-t-il. Aujourd’hui, annonce-t-il, deux unités du groupe sont en surstock de produits à cause d’une difficulté d’écoulement. En tant que premier responsable de l’entreprise, il a décidé d’aménager le fonctionnement notamment pour le sérum physiologique et les produits destinés à l’hémodialyse. Certes, cette fâcheuse action tente de perturber les parts de marché du groupe Saïdal mais, dans le même temps, met à nu les insuffisances relevées dans le domaine du commerce du médicament. Il est grand temps, prévient-il, pour que ce type d’irrégularités cesse. “Car, il y a réellement péril en la demeure”, explique-t-il encore. M. Aoun en appelle aux autorités pour qu’il soit mis un terme à ce genre de comportement de la part de certains opérateurs. Un dossier est, à ce propos, en cours d’élaboration et sera remis à qui de droit pour attirer l’attention de tout le monde.

Ampleur de la concurrence déloyale : il y a péril en la demeure
“Nous ne demandons de l’aide à personne. Nous sommes en train d’étudier les différentes solutions possibles pour trouver des débouchés à ces produits”, rassure-t-il. Il trouve cependant, “anormal” qu’à un moment où une entreprise nationale arrive à satisfaire la demande pour ces produits, elle rencontre des difficultés sur le marché local... Sur un autre registre, le PDG estime que la volonté politique exprimée pour encourager la production et la consommation des médicaments génériques risque d’être contrariée à court ou à moyen terme par la dure réalité du terrain. Plus de 80% des importations des médicaments proviennent, argue-t-il, des laboratoires français. Or, en France, l’intérêt accordé aux produits génériques est insignifiant. Les Français ne consomment que 5% de génériques.

L’urgence de la diversification des sources d’approvisionnement
D’où la nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement. “La meilleure manière c’est d’imposer des appels d’offres aux importateurs afin de faire profiter l’Algérie, le citoyen et le malade de la concurrence des firmes étrangères”, propose le premier dirigeant de Saïdal. Ce qui intrigue néanmoins Ali Aoun, demeure la facture de l’importation du médicament qui ne cesse d’augmenter d’année en année. Rien que pour les 4 mois de l’année en cours, l’enveloppe a atteint 342 millions de dollars US. Il se demande quel serait le volume importé pour pouvoir le comparer à l’année d’avant. “Je suis sûr que le volume est le même à quelques millions près. Il faut chercher la raison de cette augmentation constante dans la surfacturation, la non- négociation des prix des médicaments et le transfert qui ne dit pas son nom”, déclare-t-il. Le PDG de Saïdal évalue le taux de la surfacturation et de la ristourne à plus de 30% des importations. “Si on veut faire des économies, il faut puiser dans ce créneau”, souligne-t-il. Abordant la problématique du remboursement des médicaments, Ali Aoun qualifie le travail effectué depuis quelques mois par le ministre du Travail à travers le comité technique de “sérieux”. La tutelle, reconnaît-il, a pris en considération presque toutes les doléances du groupe Saïdal qui, du reste, sont logiques et légitimes. “Les choses sont rentrées dans l’ordre”, relève-t-il, tout en rendant un vibrant hommage au ministre du Travail. Toutefois, la seule tache noire restent les prix de référence. L’équipe de Saïdal est actuellement en train d’élaborer des propositions dans ce sens. L’objectif du staff et du collectif des travailleurs de Saïdal est de faire du groupe un support idoine pour la politique de santé dans le pays.

Remboursement du médicament : les prix de référence à revoir
“Qu’on nous mette sur le pied d’égalité avec les laboratoires étrangers et les importateurs, nous sommes des professionnels, qu’on nous laisse travailler en tant que tels. C’est notre seule demande”, dit-il en s’adressant aux pouvoirs publics. Par ailleurs, l’adhésion de l’Algérie à l’OMC, pour Ali Aoun, doit être la plus bénéfique possible pour l’économie nationale. Il reste en revanche, préoccupé en tant que producteur de génériques par le volet de la protection de la propriété intellectuelle. “Je souhaiterais obtenir des informations sur l’état des négociations”. Il parle de black-out avant de proposer un débat entre professionnels à ce sujet. Le temps qu’il reste avant l’accession de l’Algérie à cette organisation doit être, selon lui, utilisé par l’État dans le but de réguler son marché et baliser son économie. La production locale n’arrive pas à satisfaire la demande notamment pour les médicaments destinés aux maladies chroniques. Ce constat Ali Aoun le partage avec les observateurs. “C’est voulu”, répond-il, en renvoyant cela au fait d’orienter les investissements et la production vers des médicaments qui n’ont aucune valeur ajoutée dans le schéma thérapeutique. “Qui, à part Saïdal et ses partenaires, s’est engagé dans la fabrication de produits stratégiques ?”, s’est-il encore interrogé.

Prévisions du groupe pour la fin de l’année 2004
7,5 milliards de DA de chiffre d’affaires

Selon Ali Aoun, Saïdal gagnerait à ouvrir son capital à hauteur de 80% car, l’avenir dans le secteur appartient au privé. Les actionnaires doivent être cependant des professionnels nationaux ou étrangers à même d’apporter et leur capital et leur savoir-faire. L’État gardera les 20% restant de ce capital.
Son rôle sera celui du contrôle. La décision finale reviendrait au CPE (participations de l’État).
 Le groupe créera prochainement une société mixte commerciale qui sera chargée de placer les produits Saïdal sur des marchés étrangers.
 Pour la fin de l’exercice en cours, le groupe Saïdal prévoit un chiffre d’affaires qui avoisine les 7,5 milliards de DA soit plus de 17% par rapport à l’année dernière. La production prévisionnelle est estimée à plus de 135 millions d’unités-vente (U/V) soit plus de 9% en comparaison au dernier exercice.
 Des observateurs avouent que l’entreprise et bien partie pour réaliser ses objectifs d’autant plus que la situation au 31 mai dernier indique un chiffre d’affaires de plus de 2,7 milliards de DA et de près de 63 millions d’U/V.
 L’investissement pour le projet d’insuline coûterait la somme de 1,1 milliard de DA.
 Plus de 75 % des produits importés sont des spécialités.
 Plus de 4 500 produits sont enregistrés en Algérie.
 En cinq années, le titre de Saïdal a chuté de près de 45 %.
 Les parts de marché de Saïdal à l’horizon 2011 seront, selon les prévisions du groupe, de 50% avec un doublement du chiffre d’affaires.
 Les produits de Saïdal sont exportés dans 14 pays.

Par Badreddine Khris, Liberté