Accueil > ECONOMIE > Privatisations : entre le tout privatisable de l’Etat et la frilosité du privé

Privatisations : entre le tout privatisable de l’Etat et la frilosité du privé

lundi 7 mars 2005, par Hassiba

En Algérie, le secteur public compte treize pour cent seulement dans la valeur ajoutée nationale. C’est peu, note Yahia Hamlaoui, ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé de la participation et de la promotion des investissements, l’invité, mercredi 2 mars à l’hôtel El Aurassi, du Club Management de MDI Alger.

L’amélioration des comptes et agrégats des entités publiques passera-t-elle forcément par la privatisation ?
Yahia Hamlaoui estime que la privatisation est un facteur de croissance et d’investissement comme le sont les dépenses publiques et les hydrocarbures. Il rappelle que toutes les formes de privatisation sont permises et que toutes les EPE sont concernées qui par une ouverture du capital qui par une cession totale.

Le processus de privatisation a été amorcé en 1994, dans le sillage des accords conclus avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Il l’a été dans une conjoncture difficile, l’Algérie disposant de maigres recettes pétrolières, une partie des entreprises publiques périclitant. De toilettage en toilettage, la privatisation n’a pas débouché cependant sur ce à quoi aspiraient ses initiateurs : aucune entreprise publique n’a été cédée au privé.

Aujourd’hui, ce processus a-t-il été relancé réellement après l’annonce faite par le chef du gouvernement, fin 2004, de mettre sur le marché mille deux cents sociétés nationales ? Il faut dire que les prétendants repreneurs ne se bousculent pas encore au portillon. Le ministre chargé de la Participation et de la Promotion des investissements le reconnaît dans un certain sens quand il dit que le rythme imprimé à la privatisation est aujourd’hui lent. Son souhait est de faire passer sous contrôle privé une entreprise par mois et par SGP (sociétés de gestion des participations). Ces structures, au nombre de soixante-neuf, ont mandat pour privatiser. Elles font office d’agences de privatisation d’ailleurs. Yahia Hamlaoui souligne aussi qu’il y a retard dans les opérations d’évaluation du patrimoine des entreprises promises à la privatisation. Une opération dans laquelle il y a matière à supputation, parce que les choses ne semblent pas claires.

Le ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé de la participation et de la promotion des investissements explique, tout en indiquant qu’elle pose problème, que l’évaluation faite l’avait été à titre d’expertise. C’est-à-dire non définitive. Elle a touché deux cent soixante-dix entreprises. Et elle n’a rien à voir avec la valeur marchande, celle transactionnelle, de la société proposée à la vente. Y. Hamlaoui a-t-il convaincu ? Hamlaoui, en défenseur de la stratégie du gouvernement en matière de privatisation, s’est exprimé devant un parterre d’opérateurs économiques, privés et publics confondus, pas d’accord sur la méthode.

Valeur transactionnelle et bilans des entreprises
Des privés présents à la rencontre d’El Aurassi estiment ainsi incohérente la formule de privatisation dans sa forme actuelle. Explication : Omar Ramdane, président du Forum des chefs d’entreprises, relève par exemple que l’opération n’est pas entourée de suffisamment de transparence parce qu’elle n’est pas formulée dans des offres publiques, de sorte à permettre aux opérateurs désireux de reprendre des entreprises privatisables d’accéder à toute la documentation technique.

Autre insuffisance, celle de l’obligation faite aux repreneurs de garder et les salariés et l’activité originale de la société cédée. Le président du FCE trouve anormale une telle disposition dans une économie de marché. Omar Ramdane évoque aussi l’absence de calendrier de privatisation : ne faut-il pas y procéder par lot d’entreprises et se fixer un délai, demande-t-il. La question des bilans des sociétés vouées à la privatisation a été posée au chef du gouvernement lors de la bipartite de novembre 2004. Ahmed Ouyahia a promis aux privés qui souhaitaient y accéder d’en discuter dans un cadre trilatéral. C’est-à-dire avec l’UGTA. Il n’en est rien dans les travaux de la dernière tripartite de jeudi dernier. Toujours dans la réunion de mercredi 2 mars, le président du FCE rappelle, sur un autre registre, que le loyer de l’argent reste cher (5,5% de taux d’intérêt) dans un contexte économique où les banques disposent de six cent milliards de dinars de liquidités. Il s’est dit par ailleurs favorable à la dernière décision du gouvernement de financer l’autoroute Est-Ouest sur fonds publics au lieu d’attendre un hypothétique BOT (built-operate transfert).La préoccupation des taux d’intérêts, le FCE en a fait part au chef du gouvernement au cours de la bipartite du 5 janvier dernier.

De son côté, Réda Hamiani, membre du FCE et patron d’une entreprise privée, se demande si l’information dont s’est fait l’écho la presse nationale et selon laquelle l’entrée dans le capital des cimenteries est limitée à seulement tente pour cent était vraie.

Il se pose également d’autres questions dans le même chapitre de privatisation : qui prendra en charge la dette d’une entreprise cédée ? Le Trésor public prendra-t-il sur lui une dette intégrée dans le passif, comme cela avait été le cas d’ISPAT ? De son côté, Isaad Rebrab, patron de Cévital, évoque la problématique du foncier. Il estime ainsi que l’Etat veut s’enrichir sur du foncier. Sinon, s’interroge-t-il, pourquoi surévalue-t-il le patrimoine foncier d’entreprises qu’il a soumises à privatisation ? Isaad Rebrab donne un exemple en l’espèce.

Yahia Hamlaoui reprend les termes de la stratégie de privatisation et répond aux interrogations des uns et des autres. Tout en explicitant la procédure de privatisation, il insiste sur l’intérêt central que lui confère le gouvernement. Il indique que l’Etat considère la privatisation comme un facteur de croissance, en plus des hydrocarbures et des dépenses publiques, comme acte d’investissement. Le ministre chargé de la Participation et de la Promotion des investissements souligne, au sujet du manque de délais pour ce processus de privatisation, que si l’on opte pour les offres publiques et la méthode qui les sous-tend, les opérations de privatisation en pâtiront, parce que ce sera une procédure qui prendra du temps. Il reconnaît d’ailleurs que le rythme imprimé à la privatisation aujourd’hui est lent. Son souhait, c’est une entreprise cédée par mois et par SGP. Y. Hamlaoui affirme dans les mêmes termes, ou presque, que le ministre des Finances, dans l’une de ses déclarations, qu’il n’y a pas de crise foncière, pas plus qu’une surévaluation foncière.

Abdelatif Benachenhou rappelait, dans une déclaration récente, l’une des dispositions liées au foncier introduite dans la loi de finances 2005. Elle stipule que les entreprises publiques sont appelées à restituer les assiettes de terrain dont elles n’ont pas besoin. Le privé doit en faire de même. Selon l’ANDI, sur vingt-trois mille hectares de stock foncier, huit mille hectares sont inutilisés. Y. Hamlaoui confirme le pourcentage de trente pour cent évoqué par Réda Hamiani. Il l’a justifié par le fait que l’Etat est intéressé aujourd’hui par l’augmentation des capacités de production d’entreprises opérant dans ce secteur et non par une logique financière. La production locale de ciment demeure insuffisante aujourd’hui. Elle le sera davantage avec la mise en chantier du million de logements à construire dans le quinquennat en cours.

Par Youcef Salami, latribune-online.com