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Algérie Télécom est-elle privatisable ?

dimanche 1er août 2004, par Hassiba

L’entrée sur scène, même tardive, du troisième opérateur de téléphonie mobile, Wataniya, remet à l’ordre du jour non seulement la problématique de la concurrence mais surtout la place de l’opérateur historique Algérie Télécom dans le nouveau paysage des télécommunication en Algérie.

Accumulant un important retard dans son objectif de densification de son réseau de téléphonie mobile, il est de plus en plus question de privatisation de l’opérateur historique. Est-il alors possible de trouver un opérateur étranger de téléphonie intéressé par une prise de participation dans l’entreprise publique des télécommunications la plus en retard au Maghreb ? En apparence, rien n’est moins sûr.

Le 3 juillet 2004, Tunisie Télécom, l’opérateur historique de la téléphonie, a franchi la barre des deux millions d’abonnés.

Au mois de mars 2002, Tunisie Télécom n’avait que 400 000 abonnés. En l’espace de deux ans, l’opérateur tunisien a multiplié le nombre de ses abonnés par cinq. Avec cette performance, l’Etat tunisien prévoyait l’ouverture du capital de l’opérateur historique au plus tards au début de l’année 2003. Cette opération a été retardée en raison de la récession qui a caractérisé le marché mondial des télécommunications et des nouvelles technologie.

Chez notre voisin de l’ouest, Maroc Télécom dépasse actuellement les 5,5 millions d’abonnés au mobile. En l’an 2000, le royaume marocain cède 35% des actions de Maroc Télécom à Vivendi Universel pour un montant de 2,2 milliards de dollars. Maroc Télécom comptait près de trois millions d’abonnés au moment de l’ouverture de son capital. Face à ses deux concurrents, qu’elles sont les performances d’Algérie Télécom. Le réseau Gsm, lancé en 1999 par l’ex- ministère des Postes et Télécommunication, et géré actuellement par Mobilis, une filiale d’Algérie Télécom, ne dépasse pas le nombre de 315 000 abonnés. Il aurait fallu presque six mois pour que Mobilis place 165 000 abonnement en pré-payé à un moment où Orascom Télécom Algérie, Djezzy, a vendu un million de puces durant la même période.

Mais qu’est-ce qui ne va pas à Algérie Télécom ?
L’opérateur historique algérien de téléphonie mobile est né suite à la restructuration de l’ex-ministère des Postes et des Télécommunication. Ce dernier était une lourde institution bureaucratique employant près de quarante mille personnes.
La réforme a donnée naissance à Algérie poste et Algérie télécom. Cette dernière héritera de 19 000 agents.

Deux ans après la naissance d’Algérie Télécom, personne ne sait quel est son chiffre d’affaires. L’opérateur cumule tout de même près de 33 milliards de dinars de dettes dont onze ont été effacés. Le ratio charge du personnel sur chiffre d’affaires devrait être très contraignant. A titre de comparaison, pour plus de deux millions d’abonnés, Orascom Télécom Algérie emploie 1 300 personnes. Tandis que pour moins de 400 000 abonnés au Gsm, AT emploie près de 19 000 personnes. Il est certain qu’avec un tel héritage de l’ancien ministère, la nouvelle entité n’arrive pas à se débarrasser des lourdeurs administratives et bureaucratiques et éprouve, surtout, des difficultés à faire adapter la mentalité de ses agents à la nouvelle donne économique où la concurrence devient de plus en plus rude.

Quelle solution ?
Le diagnostique d’Algérie Télécom ne plaide nullement pour sa privatisation dans l’immédiat. A l’exemple du Maroc et de la Tunisie, l’Etat algérien doit jouer un rôle pour le redressement de l’opérateur historique avant de proposer à l’ouverture de son capital. Mais à première vue et en raison de l’environnement concurrentiel qui s’installe dans le marché de la téléphonie mobile en Algérie, ce redressement relève du domaine de l’impossible. Donc, il ne reste qu’une seule solution : l’ouverture du capital de Mobilis.

Ayant un effectif ne dépassant pas les mille agents, l’Etat pourrait proposer l’ouverture du capital de la filiale d’Algérie Télécom à un opérateur étranger. Et ce dernier pourrait être européen. Lors la cession des deux licences Gsm, plusieurs opérateurs européens, dont Orange et Téléfonica, n’ont pu rivaliser avec Orascom et Wataniya. Avec la décision prise par la France, l’Espagne et l’Italie de reconvertir une partie de la dette extérieure en investissement, il n’est pas à écarter que des opérateurs européens de la téléphonie mobile soient intéressés par la formule pour pénétrer le marché algérien par la grande porte.

Pour le reste, Algérie Télécom aura à gérer le plus important parc de la téléphonie fixe au Maghreb avec 2,3 millions de lignes. Par ailleurs, le gouvernement sait pertinemment que tout redressement passera par un plan de restructuration où la problématique de la pléthore du personnel sera posée avec toutes ses conséquences politiques

Par M. Chermat, La Nouvelle République