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Algérie Télécom montre son incapacité à rivaliser avec ses concurrents

jeudi 8 juillet 2004, par Hassiba

Le marché de la téléphonie mobile en Algérie connaîtra dans les prochains jours les prémices d’une concurrence effective par l’arrivée du troisième opérateur de téléphonie mobile, le groupe koweïtien El Wataniya.

Une rivalité qui va essentiellement opposer Orascom Télécom Algérie (OTA) au dernier entrant El Wataniya, puisque l’opérateur historique Algérie Télécom (AT) vient de rater le lancement de son projet de 500 000 lignes, annoncé pour janvier dernier mais qui n’arrive toujours pas à voir le jour en raison d’inextricables problèmes de gestion et aussi de choix de démarche à suivre pour réduire quelque peu le grand écart existant dans le nombre d’abonnés à son réseau comparativement à celui de OTA. Un état des lieux unique quand on sait que dans chaque pays, l’opérateur historique détient le plus grand nombre de clients.

A considérer que le marché de la téléphonie mobile en Algérie serait estimé à quinze millions d’abonnés potentiels, cela voudrait dire que les trois opérateurs acteurs du marché ont tous de quoi se partager des parts de marché équitables pouvant amortir les investissements et prévoir des bénéfices. Mais il reste que chacun de ces trois acteurs a sa propre vision de la chose et espère se voir introniser leader. Les futures stratégies commerciales que comptent mener les opérateurs donnent une idée sur cette vision.

Les déboires et la tergiversation d’Algérie Télécom et de sa filiale Mobilis
Les démissions ou évictions de Messaoud Chettih et de Achaïbou, respectivement PDG d’Algérie Télécom et directeur général de Mobilis, filiale d’AT, ont fait montre de tout l’embarras dans lequel s’est retrouvée plongée AT et la pression exercée sur cette institution issue de la restructuration des postes et télécommunications.Si le PDG d’AT a longtemps signifié à sa tutelle le besoin de libérer son entreprise des dettes dont elle avait hérité et demandé des crédits conséquents pour que AT soit en mesure de réaliser au moins ses projets à court terme, le ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication a, de son côté, et ce à plusieurs occasions, rappelé à celui-ci de s’en tenir au plan de charges admis en conseil d’administration. Par ailleurs, ces deux responsables, dont le passé, avant d’arriver à AT et Mobilis, est fort connu de l’opinion publique, n’ont eu de cesse, chaque fois que l’opportunité se présentait, de donner des explications sur le retard d’exécution des projets en cours. L’exemple le plus édifiant nous est venu du projet des 500 000 lignes mobiles avec pour finalité de contribuer à accroître l’offre et la gamme de services, livré dès la fin du second semestre 2003. Ce même projet n’a pas abouti car l’équipementier suédois, détenteur du marché consistant en une extension des capacités du réseau de téléphonie mobile, n’a pas accusé réception, en temps voulu, des équipements nécessaires. En outre, des bruits ont couru selon lesquels des blocages prémédités seraient derrière les retards enregistrés. Sur le terrain, beaucoup de clients, dans l’attente d’une ligne mobile sur le réseau d’Algérie Télécom, ont vite changé d’avis car ne voyant rien venir malgré le tapage médiatique opéré par Mobilis en décembre 2003 annonçant la vente de puces d’accès à son réseau dès le début de l’année. Démarche qui s’est davantage avérée une opération de marketing forcée sinon comment expliquer que seulement un nombre restreint de puces d’accès aient pu être mises à la vente au moment où il fallait s’attendre à ce que Mobilis submerge le marché. Bien que le produit offre de meilleurs avantages comme le temps de crédit accordé à l’abonné, nombreux sont les acquéreurs qui ont appris à leurs dépens que la prestation de service de Mobilis en ce qui concerne l’interconnexion accusait des lacunes, vu que les appels effectués du réseau Mobilis vers le réseau Djezzy et inversement n’aboutissaient pas. Ajoutons à cela les défaillances dans le réseau de ventes des puces d’accès et des cartes de communication. Pour en revenir à la défaillance technique, elle serait essentiellement due à l’extension du réseau qui n’a pas été entièrement réalisée, nous ont expliqué des ingénieurs d’Algérie Télécom. Est-ce à dire qu’à un certain niveau de décision, on s’est empressé de vendre les nouvelles puces Mobilis tout en sachant qu’il fallait encore installer des relais et des supports de transmissions pour permettre une plus large connexion. En outre, ont affirmé nos sources, « si le switch a été installé à 100%, les stations ou relais devant assurer la couverture n’ont pas été entièrement réalisés ». En d’autres termes, les supports de transmissions par faisceaux hertziens (BTS : nom technique) en nombre insuffisant pour une extension du réseau permettant d’augmenter les capacités de traitements de lignes a fait que le projet des 500 000 lignes n’est pas près de connaître une concrétisation totale sinon par petites tranches. Nos interlocuteurs nous ont souligné : « Quelque part, il y a eu mauvaise démarche pour la bonne conduite du projet et sa livraison dans les délais fixés. La logique aurait voulu que les supports de transmissions soient entièrement érigés en parallèle avec le switch, pour ouvrir l’accès au réseau. » « En quelque sorte, on a voulu mettre la charrue avant les bœufs, ce qui explique en partie le retard enregistré dans le projet en question », ont soutenu nos sources. Autre problème rencontré : le choix du site devant servir de supports d’antennes où là encore, ont affirmé des cadres d’ AT, « les démarches administratives qu’on nous impose ne sont pas pour nous faciliter la tâche ». Le retard a fait couler beaucoup d’encre. On a même dit que c’était voulu pour laisser le concurrent Djezzy seul sur le marché, ce qui lui permettrait d’engranger un maximum de clients. Une hypothèse que ne partagent pas les observateurs, arguant que la véritable raison du retard dans les projets est à chercher dans le fait qu’AT ait continué à être gérée avec d’anciens réflexes, en totale contradiction avec les objectifs à atteindre, à même de rendre l’opérateur historique leader dans le marché de la téléphonie mobile. Pour l’heure, devant toute cette temporisation, on imagine mal comment AT pourra réduire l’écart qui le sépare d’ OTA, d’autant que l’entrée en compétition du troisième opérateur peut paraître comme l’estocade finale qui mettra à genoux AT. Un cas de figure que cherche à éviter la tutelle puisqu’on parle déjà d’ouverture du capital de l’opérateur historique, seule alternative plausible pour le sauver.

Orascom Télécom Algérie
De toute évidence, et en se basant sur le chiffre d’affaires que réalise l’opérateur égyptien détenteur de la deuxième licence, il faut croire que ses dirigeants ont vu juste quant à la portée du marché algérien.Les résultats qu’enregistre OTA depuis la mise en exploitation de la deuxième licence ont de quoi faire rêver plus d’un opérateur en téléphonie mobile. Il va sans dire aussi que la réussite de Djezzy (nom commercial donné à OTA) peut être mise sur le compte de l’inexistence de concurrence effective, l’opérateur historique, trop occupé à se réorganiser (voir chapitre ci-dessus), laissant ainsi le champ libre à son rival direct. Bien en avance sur les exigences du cahier des cahiers, OTA n’arrête pas d’améliorer le taux de couverture de son réseau sur le territoire mais également la qualité de service à l’intérieur de son réseau. Quant à l’interconnexion, la prestation reste tributaire de la qualité de service du réseau de son concurrent AT. Le différend né et qui existe toujours entre les deux opérateurs au sujet d’irrégularités observées au niveau de l’interconnexion en défaveur d’OTA a poussé cette dernière à faire appel à l’arbitrage de l’ARPT, laquelle a mis en demeure, à deux reprises, AT d’augmenter ses capacités afin de faire aboutir les appels émanant des abonnés de Djezzy. Les réponses données par l’opérateur public n’ont pas été convaincantes, empèchant ainsi l’autorité de régulation de rendre effective toute décision de sanction. Devant une telle situation, très contraignante pour sa politique d’expansion commerciale, OTA a choisi la voie qui la mènera vers une moindre dépendance des services du réseau de AT, puisque Djezzy se dotera de ses propres terminaux, permettant de la sorte à ses abonnés désirant effectuer des appels à ceux de AT d’éviter les fréquentes saturations de réseaux. Pour en revenir aux performances de OTA, le chiffre de deux millions d’abonnés atteint témoigne du poids de Djezzy sur le marché algérien du mobile. Ce leadership qu’OTA veut conserver a poussé le groupe à élaborer des stratégies de vente. En outre, un plan d’action a été décidé pour se préparer à la dure concurrence de l’opérateur entrant, El Wataniya. Les contours de ce plan ont été révélés à la presse hier (voir article ci-contre). Deux ans après l’ouverture effective du marché des télécommunications, l’accès au téléphone et à l’Internet s’est élargi de manière formidable.

Les visées du troisième opérateur El Wataniya
La troisième licence GSM accordée au groupe El Wataniya, après que ce dernier eut avancé la meilleure offre et dont l’entrée en scène est attendue ce mois-ci, comme exigé par le cahier des charges, n’en sera pas moins un grand événement dans la mesure où cet opérateur qui entre en compétition n’a d’autre choix pour acquérir une part de marché importante que d’innover en matière d’offres de produits. Selon des sources bien introduites dans le domaine de la téléphonie mobile, El Wataniya a de sérieux atouts pour devenir en un temps record un sérieux concurrent au deuxième opérateur puisque le groupe koweïtien, très au fait de la demande du marché algérien et de surcroît bien renseigné -Orascom est son associé en Tunisie-, compte mettre le paquet en matière de projets à réaliser car consacrant des sommes d’argent importantes comme il n’a pas lésiné sur les moyens pour réussir son pari. La grande nouveauté, qui n’en est pas moins le fer de lance de l’opérateur, sera le lancement du GPRS en Algérie. Il est bon de rappeler que ce système se définit comme étant une transmission de données par paquets ou système de transmissions de données sur les réseaux GSM permettant des vitesses de transmission maximales de l’ordre de 40 kbit/s alors que le GSM ne permet pas plus de 14,4 kbit/s, appelé système de 2,5e génération GSM sur le standard mondial de télécommunications cellulaires mobiles fonctionnant en 900 Mhz. Il est aussi appelé système de 2e génération comme il était au départ appelé Groupe spécial mobiles. Notons aussi qu’El Wataniya introduira l’accès au réseau internet à partir d’un téléphone portable, une offre de services qui connaîtra un engouement certain. Selon les mêmes sources, l’opérateur a opté pour installer les équipements de toute dernière technologie pour assurer une qualité de service sans faille. Autant de nouvelles offres de service qui auront un impact sur le marché de la téléphonie. Un marché qui, jusque-là, n’a pas connu une concurrence suffisante comme nous l’avons expliqué plus haut. Mais avec la venue sur le marché d’El Wataniya, on va bientôt constater l’amorce d’une compétition qui, jusqu’à présent, s’est traduite par une meilleure disponibilité du produit, une facilité d’accès, une extension notable des circuits de distribution et une baisse sensible des droits d’accès chez l’opérateur entrant tant pour le service post-payé que pour celui du prépayé.

Constat actuel et à venir
Pour la téléphonie mobile, premier créneau ouvert à la concurrence, le nombre d’abonnés a atteint au mois d’avril 2004 le chiffre de 1 650 000 abonnés chez OTA, et de 242 000 chez AT. Orascom Télécom Algérie détient 87,92% de parts de marché (fin avril 2004) et Algérie Télécom Mobile 4,33%. En ce qui concerne la télédensité mobile en Algérie, elle est de 6,52% (fin avril 2004). Ils étaient 54 000 en 2000, soit 27 fois moins nombreux. Parmi les abonnés d’OTA, 91,75% sont des clients selon la formule du prépayé, formule lancée par AT en janvier 2004. Le nombre des abonnés mobiles représente près de 90% de celui des abonnés au fixe (2,2 millions d’abonnés) ce signifie que nous sommes près de la parité entre les deux types d’abonnements. La télédensité fixe est de 8,20% alors que celle du mobile est de 11%. Ce qui donne une télédensité globale (fixe et mobile) de 12,15% contre 5,28% en 2000. Plus qu’un doublement en deux ans. Des chiffres qui auraient pu être revues à la hausse, estiment les observateurs, si le lancement des 500 000 lignes d’AT s’était réalisé, ce qui, aussi, aurait eu comme impact une concurrence perceptible dans le prix d’accès aux deux réseaux. Malheureusement, il n’en fut rien, tout cela au détriment d’une grande majorité de futurs clients au revenu moyen qui ont compris que les prix que va appliquer El Wataniya ne seront pas à la portée de tous sinon à une frange de la population utilisant Internet et très intéressée par les offres de services du dernier opérateur entrant. En fin de compte, au lieu de se retrouver devant une rivalité commerciale entre AT et OTA, c’est le troisième opérateur qui préoccupe le plus Djezzy avant même l’entrée de ce détenteur de la 3ème licence. Comme si ces deux derniers avaient tiré des conclusions sur les véritables capacités de pénétration dans un marché déjà acquis aux plus performants et qui recèle un potentiel de futurs abonnés très important.

Par Ziad Abdelhadi, La Tribune