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L’Algérie dans une position difficile

dimanche 17 octobre 2004, par Hassiba

La libéralisation des échanges agricoles dans les pays du pourtour méditerranéen (PPM) est, selon une analyse faite par Mouloud Hedir, ancien cadre au ministère du Commerce, « porteuse de grands dangers pour une grande partie des producteurs, de même que pour l’emploi et les équilibres de la balance commerciale agricole ».

Mouloud Hedir estime que, dans un tel contexte, il est évident que « les dispositions qui, dans les accords d’association, programment la question de l’ouverture des échanges agricoles après une période donnée [5 années, en général] risquent fort de rester lettre morte ». « C’est pourquoi, du point de vue européen, un instrument accompagnant une telle ouverture paraît indispensable pour tenter de convaincre leurs vis-à-vis », explique-t-il.

Par rapport à cet aspect, « l’Algérie, estime-t-il, se trouve dans une position décalée mais, par certains égards, très difficile ». En effet, on peut considérer que son accord d’association « n’étant toujours pas mis en vigueur à ce jour, la question de la libéralisation de ses échanges agricoles dans le contexte euro-méditerranéen est, constate-t-il, encore une perspective lointaine ». « Néanmoins, sa situation à ce sujet présente au moins trois grandes faiblesses que l’analyse énumère comme suit : elle connaît aujourd’hui déjà [avant même d’avoir libéralisé le régime de ses échanges] le déséquilibre le plus grave de ses échanges agricoles parmi tous les pays partenaires méditerranéens (PPM) ; sa négociation à l’OMC va certainement affecter durement son régime commercial agricole, les nouveaux pays candidats n’y bénéficiant pas, à l’instar des membres fondateurs originels, de la possibilité de procéder à une tarification avantageuse de leurs restrictions commerciales en vigueur ; enfin, l’Algérie ne semble pas impliquée très activement dans les réflexions en cours sur cette libéralisation agricole dans le cadre du dialogue Euromed, ses priorités actuelles étant plutôt celles du compromis qu’elle devra trouver en entrant à l’OMC ; en outre, la faiblesse actuelle de ses capacités d’exportation de produits agricoles ne l’incite pas à rechercher un accès renforcé sur le marché européen.

Il reste au total que le débat en cours au niveau euro-méditerranéen pour la libéralisation future des marchés agricoles est d’une importance cruciale et que l’Algérie a grand besoin de veiller à ce que les compromis qui y seront négociés contribuent à préserver ses intérêts économiques et commerciaux à long terme : une libéralisation agricole telle qu’envisagée dans cette étude reviendrait, dans le cas algérien, à creuser davantage un déficit agricole déjà très grave.

Dans cette analyse, l’ancien cadre au ministère du Commerce, parle, à la forme interrogative, d’une aggravation du déficit agricole algérien. Il relève ainsi une somme d’observations sur les difficultés particulières du commerce agricole de l’Algérie avec l’UE et, surtout, en contraste au sein du groupe des principaux PPM : les performances algériennes à l’exportation des produits agricoles sont insignifiantes ; l’Algérie est, de loin, le premier importateur de produits agricoles de l’UE, y compris par comparaison avec des pays démographiquement lourds comme l’Egypte, la Turquie ou le Maroc, elle réalise à elle seule près du quart (24%) des importations agricoles des PPM à partir du marché européen. Dans une telle évolution du commerce agricole, une libéralisation accrue du marché algérien ne fera qu’accroître le volume des importations sans contrepartie notable au plan de ses exportations, fait remarquer Mouloud Hedir.

Dans le même ordre d’analyses, celui-ci indique que le déficit commercial que l’Algérie enregistre avec l’UE en matière agricole est de très loin le plus important de tous les PPM. Il représente, précise-t-il, plus du double du déficit enregistré globalement dans les échanges entre les PPM et l’UE. Il apparaît indispensable que cet aspect, recommande-t-il, soit traité par l’Algérie prioritairement dans toute discussion sur la libéralisation future de son marché agricole. Mouloud Hedir suggère que tous ces éléments conduisent à soulever la question de l’avenir des relations commerciales entre l’Algérie et l’UE en matière agricole : il est clair que toute ouverture supplémentaire ne ferait que creuser un déficit déjà fort pesant et compliquer une situation à tous égards très préoccupante.

Par Youcef Salami, La Tribune