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La libéralisation du marché des céréales en Algérie

jeudi 23 septembre 2004, par Hassiba

Dans un monde secoué par de profonds bouleversements et en pleine mutation, l’Algérie vit un processus de réforme globale visant à changer progressivement et radicalement un mode de régulation.

Ainsi des réformes embrassant l’ensemble des domaines de la vie politique, économique et social ont été engagées pour concrétiser une démarche certes prudente mais de rupture fondamentale.

Ces réformes se sont traduites sur le plan économique par l’autonomie de décision reconnue aux opérateurs économiques et par une réhabilitation des notions de rentabilité, d’efficacité, de compétitivité (concurrence) et de démonopolisation en matière de commerce extérieur.
Cependant l’Etat algérien n’a cessé depuis 1962 de considérer l’alimentation de base de la population comme étant un facteur essentiel de sa politique sociale et économique.

Ainsi le rôle nourricier de l’Etat a suscité une politique céréalière qui est restée constante dans les objectifs, quels que soient les changements de situation et d’orientation économiques.

Le passage à l’économie de marché a entraîné une série de modifications dans le mode d’intervention de l’Etat, qui ont concerné la quasi-totalité des segments de la filière, particulièrement l’approvisionnement du marché national.

Place des céréales
dans le modèle de consommation algérien

Les céréales et leurs dérivés constituent l’épine dorsale du système alimentaire algérien. En effet, elles fournissent plus de 60% de l’apport calorique et 75 à 80% de l’apport protéique de la ration alimentaire nationale.
A travers les données disponibles actuellement, les consommateurs algériens apparaissent particulièrement diversifiés.

Répartis sur une large échelle de revenus, ils sont soumis à des influences culturelles contradictoires, ils peuvent être attachés aux traditions (consommations préparées d’une manière artisanale) ou plus ou moins tentés par les signes de modernité (restauration de masse et consommation de produits issus de l’industrie alimentaire).
La résultante des comportements de ces consommateurs, c’est-à-dire le modèle de consommation algérien, change donc en fonction de l’évolution de la composition de la population et ce, par rapport au degré d’urbanisation ; de l’évolution démographique (2,5% pour l’Algérie) et le tassement des revenus ; de la libéralisation des prix des produits de première nécessité.

Concernant les blés et dérivés, leurs poids dans les régimes alimentaires de l’Algérien ne semblent pas diminuer rapidement, cela d’autant moins que les valeurs nutritionnelles refuges, dont les dérivés de blé sont porteuses, ont démontré qu’elles constituaient un antidote efficace face à la diminution importante des revenus (baisse du pouvoir d’achat).
Depuis la libéralisation des prix et l’augmentation relative de ces derniers pour les blés et leurs dérivés, on observe une diminution très importante du gaspillage et une certaine rationalité de la part des consommateurs qui exigent en contrepartie des produits céréaliers de qualité meilleure car ces derniers (semoule, farine, pâte) ont tendance à se substituer à d’autres aliments composant les protéines nobles (viande, poisson, œufs...).
Assurer l’accessibilité du consommateur aux semoules et au pain, même lorsque la demande connaît des variations considérables, constitue un objectif organisationnel et un enjeu sociopolitique majeur.

Quant à la réduction même limitée de la consommation des blés et dérivés en Algérie, elle ne pourrait être que lente et ne saurait être attendue que lors d’une diversification des régimes alimentaires.

Monopole exercé par l’OIAC
à l’amont de la filière céréale

L’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) était un organisme d’Etat à caractère administratif, exerçant un monopole sur la collecte, le stockage, la distribution et surtout l’importation des grains et graines de céréales et de légumes secs.

Créé par l’ordonnance du 12 juillet 1962, l’OAIC constitue un instrument important de la politique céréalière de l’Etat, il a été doté de la puissance publique pour coordonner et gérer les mécanismes de l’ensemble des dispositifs réglementaires relatifs à la fixation des prix des céréales, leur uniformisation ainsi que la définition des règles de commercialisation, de circulation des grains de céréales et de légumes secs.
Il a toujours joué un rôle très important dans l’organisation des campagnes labours semailles par la mise à la disposition des céréalicultures des crédits pour l’acquisition des semences et des produits phytosanitaires ; et un encadrement technique d’appui. Par ailleurs, il a pris des initiatives significatives en lançant la culture de blé sous pivot tout en assurant la collecte de la production (blés dur et tendre, orge, avoine, seigle, sorgho, haricot, pois chiche, lentilles). En matière de commerce extérieur, l’OAIC se comportait comme une véritable centrale d’achat qui gérait l’ensemble des accords passés entre l’Algérie et les pays exportateurs pour approvisionner le marché national.

Il prospectait et achetait sur les marchés à terme des quantités importantes de céréales et de légumes secs désirés en fonction des moyens financiers dont il disposait et les crédits qui lui ont été accordés.
Cependant, l’OAIC développait une politique d’accords commerciaux bilatéraux avec les organismes étatiques des pays fournisseurs.

Ainsi, durant les dernières années, les importations réalisées par l’OAIC ont atteint 70% des besoins, la production nationale ne couvrant que 30%.

En tant qu’organisme public chargé de l’importation et de la régulation du marché des céréales, l’OAIC avait toujours bénéficié de subventions importantes allouées par le Trésor public pour le soutien des prix payés tant au producteur qu’au consommateur.

Pour remplir ses missions, l’OAIC s’appuie sur un réseau très dense de coopératives céréalières (CCLS et UCA) qui sont au nombre de 46 à travers l’ensemble du territoire.
En plus de la collecte de la production nationale et d’appui aux céréaliculteurs, les CCLS assurent la réception, le conditionnement et le stockage des grains de céréales importés qu’elles distribuent et vendent à des agents différents selon le type de céréales : les blés sont essentiellement destinés aux industries de transformation (Eriad et privés) qui les transforment en semoule, farine et autres dérivés ; l’orge et le maïs sont orientés à une autre clientèle composée principalement d’éleveurs regroupés en coopératives spécialisés, l’Office national des aliments du bétail (ONAB) et autres fabricants des aliments de bétail (FAB) ; les semences de céréales sont destinées aux céréaliculteurs qui s’approvisionnent directement auprès des CCLS implantées dans leur wilaya d’origine ; enfin les légumes secs étaient cédés en quasi-totalité aux entreprises publiques de commercialisation jusqu’en 1992.

La circulation des grains relevait du monopole accordé à l’OAIC, les différents intervenants étaient donc soumis à un ensemble de règles délimitant leur droit, à un prix à la production garanti, fixé en début de campagne par décret. Ils bénéficiaient également du droit de voir l’intégralité de leurs livraisons acceptées par l’OAIC. Ils étaient cependant tenus de procéder à une déclaration d’emblavure et une déclaration de récolte. Ces documents devant obligatoirement être produits au moment des livraisons.
Pour permettre à l’OAIC (force publique) la constitution des stocks de sécurité et leur régulation - les CCLS et les industries de transformation (Eriad, ONAB, FAB, privés) devaient déclarer l’état de leurs stocks à la fin de chaque mois et tenir une comptabilité matière faisant ressortir les entrées et les sorties de céréales.

Lorsqu’ils circulent, y compris dans le cadre de mouvements internes (entre silos d’un même organisme stockeur ou entre dépôts d’une même entreprise de transformation industrielle), les grains de céréales sont obligatoirement accompagnés d’un passe-avant délivré par l’organisme stockeur.

Réhabilitation
des missions de l’OAIC

Les missions de l’OAIC ont pour
objet d’organiser, approvisionner, réguler et stabiliser le marché national des céréales et dérivés ; apporter le soutien et l’appui à la production nationale.

Le redéploiement de l’office consiste à considérer ce dernier comme étant capable de prendre en charge les activités stratégiques d’appui à la production et de régulation du marché des céréales.

L’office aura pour rôle de traduire dans les faits les mesures relatives à la politique de développement et de production de la céréaliculture et de coordonner les actions en vue d’assurer la régulation du marché des céréales. Cette nouvelle vision constitue une stratégie de transition qui maintient les prérogatives de puissance publique de l’office et les missions d’appui à la production et de régulation du marché des céréales.

Appui à la production
La mise en place d’une politique d’appui à la céréaliculture va permettre une intensification accordant un intérêt particulier à la production de semences de qualité. Cela implique une réorientation de la production de semences vers les zones mieux dotées en ressources ; une intensification sélective vers les zones à haute potentialité où la pluviométrie est supérieure à 450 mm ; la régulation.

A ce titre, l’OAIC est chargé de satisfaire les besoins de consommation des céréales ; ajuster les disponibilités aux besoins ; mettre en œuvre, pour le compte de l’Etat, les mécanismes de péréquation et de stabilisation des prix sur le territoire national ; la régulation est imposée par la variabilité de la production nationale et par la forte dépendance des approvisionnements extérieurs ; les fluctuations sont surtout liées aux conditions climatiques et le degré de variation rend le stockage inévitable.
Réorganisation structurelle

L’évolution de l’environnement de la filière céréales et le changement du statut de l’office imposent une évolution de sa restructuration. Cette évolution s’oriente vers une entité pouvant contrôler la projection stratégique de son activité, en même temps qu’elle décentralise la mise en œuvre à des filiales. Ces dernières seront chargées de la gestion opérationnelle.

Dynamique de la filière
céréales en Algérie

La filière céréales occupe une place très importante dans le système agroalimentaire algérien. En effet, la céréaliculture jachère comprise occupe environ 80% de la superficie agricole du pays.

L’industrie de transformation des céréales occupe également la première place dans le secteur agroalimentaire en raison de l’importance de ses capacités de trituration, mais aussi de son réseau de distribution qui mobilise plus de 2000 dépôts de vente et plus de 5 000 unités de transport.
La progression rapide de la consommation des farines et semoules a engendré des transformations structurelles importantes de l’ensemble des segments de la filière ainsi que son processus de régulation. Cependant, cette dernière est caractérisée par la rigidité de la demande en produits transformés et par la stagnation de la production céréalière nationale.

La consommation par habitant de semoules et de farines est passée de 65 kg en 1967 à 100 kg en 1986 et a atteint environ 130 kg en 1996.

La régression de la consommation par habitant en grain s’est traduite par une progression rapide de la consommation des dérivés de blé par habitant.
Pour faire face à cette forte dynamique en produits finis, des investissements importants ont été consacrés au secteur des industries céréalières entre 1967 et 1990, les quantités écoulées par l’industrie céréalière ont été multipliées par cinq, alors que les quantités de la production nationale en blé non collectées par le circuit officiel sont restées approximativement au même niveau. Actuellement, le circuit industriel assure plus de 90% de la consommation de blé. En outre, les quantités collectées par l’OAIC n’ayant pas connu d’augmentation notable, il est clair que les approvisionnements des industries nationales de transformation en blé et la consommation humaine en semoule et farine sont assurées respectivement de plus en plus par des importations en grain effectuées jusque là par l’OAIC et de moins en moins en produits finis importés. A partir de 1995, plus de 80% des disponibilités nationales en matière de blé et de produits dérivés proviennent des importations.( A suivre)

Talamali L.
OAIC, Alger, Algérie,La Nouvelle République