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M. Mékidèche : Hausse de 15 à 20% des recettes d’hydrocarbures en Algérie

dimanche 9 mai 2004, par Hassiba

La situation du marché pétrolier, ses conséquences sur l’économie de l’Algérie et ses perspectives sont parmi les principaux sujets abordés avec M. Mékidèche, vice-président du CNES.

Liberté : Comment expliquez-vous l’envolée des prix du pétrole sur le marché international ?

Mustapha Mékidèche : Le marché pétrolier a toujours été vulnérable aux crises, malgré le rôle régulateur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Donc, c’est un phénomène qui n’est pas nouveau pour les spécialistes et observateurs du marché pétrolier. À titre indicatif, je cite deux faits majeurs pour illustrer cette situation, en l’occurrence, la baisse des prix du pétrole de 60% entre octobre 1996 et décembre 1998. Cette situation aurait pu, si elle avait continué, ruiner tous les efforts d’ajustement et d’équilibre que l’Algérie avait entamés sous l’égide du FMI et de la Banque mondiale. À l’inverse, la hausse, entre la mi-mars 2000 et mai 2001, a fait passer le prix du baril de 23 à 30 dollars. Mais ce qu’il faut observer maintenant, c’est cette situation particulière entre les raisons techniques conjoncturelles et les raisons profondes.

Concernant les raisons profondes, elles sont notamment d’ordre structurel et géopolitique. C’est-à-dire, elles sont liées au conflit en Irak et à la situation au Moyen- Orient. On peut citer également le dernier incident qui a eu lieu en mer Rouge où le groupe pétrolier ABB a retiré son personnel, suite aux attentats commis en Arabie Saoudite. Donc, on a touché un exportateur de 7,7 millions de barils/jour.

Quant aux raisons techniques, on relève la baisse du stock des produits raffinés aux États-Unis.
Ceci dit, la question qui se pose est de savoir quelles sont les réponses envisagées à cette situation ? Est-ce que demander à l’Opep de relever son plafond de production, c’est-à-dire mettre sur le marché une grande quantité de pétrole, va régler le problème ?
Cette question est actuellement en cours d’étude au niveau de l’Opep. Mais de mon point de vue, ce n’est pas suffisant parce qu’il va falloir réduire les prix et participer à la stabilisation du marché du pétrole brut en essayant d’agir sur les causes profondes. Et tant que nous avons une situation incertaine au Moyen-Orient et en Irak, les prix seront toujours influencés par ces facteurs.

Quelles sont les conséquences de la hausse des prix du pétrole sur l’économie algérienne ?

À mon avis, il y a d’autres conséquences que celles avancées actuellement : l’augmentation du niveau de nos réserves de change, avoir beaucoup plus de cash flow, améliorer notre balance de paiement et permettre de dégager plus de ressources en vue de donner à Sonatrach la possibilité de financer son vaste programme d’investissement. Il s’agit notamment d’obtenir avec moins de difficultés le quota de l’Algérie au sein de l’Opep pour passer à 1,5 million de barils/jour ou dépasser ce potentiel à court terme, car le marché traverse, aujourd’hui, une situation de déficit. Il y a aussi l’augmentation des recettes d’exportation du gaz naturel et GNL d’une façon significative, puisque le prix de ces produits est indexé sur le prix du pétrole.
En effet, c’est l’ensemble des différents segments de produits pétroliers à valeur ajoutée qui vont augmenter. Là encore, je relève un fait très important, à savoir l’indexation des prix du gaz naturel sur ceux du pétrole a été bénéfique pour l’économie nationale car c’est la ressource par laquelle on a enregistré plus de ressources financières.

Cette situation va stimuler l’exploration dans des zones nouvelles puisque la hausse des prix du pétrole incite les compagnies pétrolières à explorer davantage de puits. Ici, je signale au passage que le timing choisi par le ministère de l’énergie pour mettre en exploration une dizaine de blocs dans des zones nouvelles est très bien réfléchi.
Néanmoins, les records historiques enregistrés en 2002 et 2003 dans le niveau de nos réserves de change seront probablement dépassés en 2004.

Autrement dit, il y aura une consolidation importante de nos réserves de change et des recettes d’exportation des hydrocarbures. Là encore, il faudrait réfléchir à la possibilité de rachat d’une partie de la dette extérieure qui, actuellement, coûte cher.
Donc, les marges de manœuvres financières de l’Algérie et les capacités d’investissement de Sonatrach vont augmenter d’une manière très importante. Cette situation va permettre, également, de consolider l’option d’un second plan de soutien à la relance que le gouvernement compte lancer et qu’il faudrait orienter, à mon avis, vers l’amélioration des infrastructures de base.

Comment seront ventilées les recettes d’exportation des hydrocarbures ?

C’est l’ensemble du panier de nos exportations en gaz naturel, en condensat et de pétrole qui va bénéficier de la hausse. Cette hausse ne sera pas dans la même proportion que pour le pétrole brut. Cette hausse est dictée par le fait que le prix du gaz naturel est indexé sur celui d’un panier de pétrole brut. Si la tendance haussière actuelle des prix du pétrole persiste et s’il n’y a pas de contrecoup, ces produits connaîtront une hausse de leurs recettes variant entre 15 et 20% en 2004.

Est-ce que cette hausse des prix va durer ?

Je rappelle que l’Opep avait mis en place un mécanisme pour stabiliser le marché. Il y a une bande de fluctuation des prix entre 22 et 28 dollars/baril. Dès que le prix dépasse 28 dollars pendant 12 jours ouvrables, l’Opep met sur le marché des quantités supplémentaires pour permettre de jouer sur le mécanisme du marché.

Cette crise n’est pas due à un équilibre à court terme du marché mais à des anticipations sur l’évolution de l’approvisionnement du marché énergétique mondial.
À titre d’exemple, lors de la deuxième guerre de l’Irak, l’Opep a permis au marché d’être approvisionné et au prix de ne pas augmenter d’une façon forte car elle a joué le rôle de régulateur. Ceci dit, elle n’a pas toutes les cartes entre ses mains. Elle va revoir à la hausse peut-être la bande de fluctuation des prix du pétrole pour mieux refléter la situation du marché et intégrer les pertes de change du dollar par rapport aux autres monnaies.

Globalement, ce mécanisme a joué et joue encore son rôle sauf lorsqu’il y a des éléments extrêmement violents qui interviennent d’une façon récurrente, l’Opep n’a pas de prise sur eux.

Par Faiçal Medjahed, Liberté