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Marché gazier européen : la concurrence en question

lundi 10 janvier 2005, par Hassiba

Sur le marché de l’UE, les prix de gros du gaz naturel, indexés sur ceux du pétrole, ont enregistré une hausse d’environ deux euros, fin 2004, indique un rapport d’évaluation du secteur de l’énergie dans le Vieux Continent, élaboré par la Commission européenne, repris par l’APS.

Les prix de gros du gaz se prêtent à la comparaison dans la majorité des pays UE (vingt-cinq Etats aujourd’hui), à la différence de ceux de détail, lesquels connaissent des différences considérables, est-il écrit dans le document de la Commission européenne. Cette augmentation affecte-t-elle l’approvisionnement ? Les capacités d’approvisionnement en gaz du marché communautaire sont actuellement amplement suffisantes pour satisfaire la demande en hausse, rassure Bruxelles. Il existe déjà de bonnes raisons pour les pays producteurs et les fournisseurs communautaires de conclure des contrats pour satisfaire une demande croissante.

Création du marché intérieur du gaz
A moyen terme, un certain nombre de projets, notamment pour des terminaux GNL, sont en cours ou envisagés. L’Exécutif européen, cité par l’APS, déplore toutefois les faiblesses de la construction d’un marché européen concurrentiel dans ce secteur. La création du marché intérieur du gaz, estime-t-il ainsi, exige une intégration plus forte et une intensification des efforts en vue de diversifier l’approvisionnement. Un autre problème essentiel au niveau national : celui lié au fait que, dans de nombreux cas, il n’existe qu’une seule entreprise pour commercialiser la quasi-totalité du gaz.Cette situation a d’importantes conséquences sur le potentiel concurrentiel dans le domaine de l’approvisionnement.

Même s’il existe plusieurs fournisseurs, leur concurrence mutuelle risque d’être inefficace s’ils achètent tout leur gaz au même grossiste. Le développement du marché intérieur est, en outre, freiné par le maintien de réservations à long terme de capacités de transport, ajoute le rapport. Le manque de cohérence entre les structures de tarification des différents exploitants de systèmes de transport a également empêché la concurrence dans certains domaines. Les marchés gaziers continuent de présenter d’importantes rigidités dans de nombreux cas, généralement à cause du manque persistant d’intégration entre les marchés nationaux. En l’absence de concurrence transfrontalière, les opérateurs en place peuvent protéger facilement leur position, déplore l’organe exécutif de l’UE. En outre, dans plusieurs pays, il est difficile de changer de fournisseur du fait que les régimes d’équilibrage et de stockage sont inadéquats et que les tarifs de distribution sont élevés.D’ici à juillet 2007, tous les clients pourront avoir la possibilité de choisir les fournisseurs d’électricité et de gaz qui leur conviennent. Mais peuvent-ils le faire réellement ? Pour la Commission européenne, il est important que l’ouverture du marché présente aux ménages et aux petites entreprises le même niveau de continuité de service pour l’électricité et le gaz et le même niveau de transparence des prix et des conditions contractuelles, indépendamment du choix du fournisseur.

Directives relatives à l’étiquetage
De même, en ce qui concerne les dispositions des directives relatives à l’étiquetage, les Etats membres devront assurer une mise en œuvre correcte de cette exigence pour permettre aux clients de choisir leurs fournisseurs en connaissance de cause. Des améliorations sont nécessaires à cet égard, et l’industrie et les agences de régulation doivent s’assurer que des informations utiles sur les prix et les services offerts soient disponibles d’une façon objective et transparente.

Faite en solo, la libéralisation du marché gazier européen n’était pas sans conséquences sur les pays fournisseurs. Elle a remis en question deux clauses consignées pourtant dans les relations commerciales entre l’UE et les pays exportateurs de gaz, comme l’Algérie, la Norvège et la Russie : les contrats à long terme et la destination finale du gaz commercialisé. Il a fallu des mois de négociations pour que l’Algérie -le cas qui nous concerne- parvienne à ramener les Européens à reconsidérer les contrats à long terme et à accepter un partage des bénéfices issus de la revente du gaz algérien à des pays tiers (clause de destination).

La formule de partage des bénéfices a été faite par l’Algérie. Elle consiste en un partage des bénéfices produits par la revente du gaz algérien par un pays de l’UE lié à l’Algérie par un accord commercial à un pays tiers. Libre au pays de l’UE d’en déterminer le prix. La clause de destination dont il est question, de même que les contrats à long terme, a suscité un débat serré entre Européens et Algériens. La raison en est que les pays exportateurs de gaz comme l’Algérie, la Russie et la Norvège jugeaient qu’une telle mesure rendrait frileuses les institutions financières sur le financement des projets gaziers dont l’amortissement ne peut se réaliser qu’à long terme. Les trois pays parlent le même langage sur la question. Les pays exportateurs de gaz en ont fait l’une des priorités qu’ils ont discutée dans les différentes conférences sur le gaz qu’ils ont animées à Téhéran, à Alger et à Doha, entre autres capitales. Le marché gazier de la communauté européenne est un marché naturel pour l’Algérie. Elle y est présente depuis plus de trente ans. Elle ambitionne de prendre des participations dans des entreprises européennes. Et elle travaille sur des projets d’exportation de l’électricité sur ce marché, un produit concerné également par cette libéralisation. A vrai dire, le marché européen n’a pas été aussi libéralisé que l’affirme Bruxelles, des pays de l’UE n’ayant pas encore transposé dans leur droit national toutes les règles de libéralisation dont il s’agit. Et déjà la concurrence est remise en question par les Européens eux-mêmes.

Propositions de la Commission de Bruxelles
Il est des marchés comme celui de l’Espagne qui demeurent fermés. L’ouverture voulue ainsi par les Européens vise à diversifier la palette de fournisseurs de gaz et des prix plus bas que ceux pratiqués aujourd’hui. Il n’en est rien à ce jour. La commission de Bruxelles proposait que ne soient plus indexés les prix du gaz sur ceux du pétrole.

En dehors de la communauté européenne, l’Algérie table sur d’autres marchés comme les Etats-Unis, la Chine ou encore l’Inde. Déjà, un projet d’installation aux Etats-Unis de terminaux gaziers est, dans cette perspective, en route. Même avec deux euros de plus sur 2004, le prix du gaz dans l’Europe communautaire reste dans une proposition moyenne par comparaison au marché américain dans lequel l’Algérie peut prendre pied depuis le Pérou où elle travaille sur un important gisement gazier.Pays pétrolier et gazier, l’Algérie table sur des exportations de quatre-vingt-cinq milliards de mètres cubes d’ici à 2010. Le dernier projet gazier en date qu’elle s’apprête à mettre à exécution est celui de Gassi Touil confié aux Espagnols de Repsol et Gas-Naturel en association avec Sonatrach. Terminé, il contribuera à augmenter substantiellement les exportations gazières.

Par Youcef Salami, La Tribune