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Relance des négociations au sein de l’OMC

dimanche 25 juillet 2004, par Hassiba

Les divisions Nord-Sud autour de l’agriculture pourraient fort probablement faire échouer l’accord historique en vue à partir de mardi prochain à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Une telle issue est à même de décrédibiliser l’organisation, a en croire l’AFP, qui a indiqué à ce propos que l’échéance du 30 juillet apparaît « comme une nouvelle chance de recoller les morceaux » après l’échec de la conférence ministérielle de l’OMC à Cancun (Mexique) en septembre 2003, qui avait viré à un affrontement Nord-Sud sur l’agriculture. « Un nouvel échec serait lourd de dangers pour l’OMC, qui s’est engagée à Doha à mettre le commerce au service du développement », ajoute la même source, pour laquelle c’est l’avenir même de l’OMC qui est en jeu dans la relance de ces négociations. Des négociations qui ont comme principal enjeu d’étendre à l’agriculture les règles commerciales mises en place pour les produits industriels depuis la naissance du GATT, l’ancêtre de l’OMC, en 1948. Ainsi, les 147 pays membres de l’organisation ont jusqu’à vendredi minuit pour se mettre d’accord sur la relance du cycle de négociations lancé fin 2001 à Doha, dans la capitale du Qatar. A ce titre, les déclarations du directeur général de l’OMC, Supachai Panitchpakdi, sont fort éloquentes : « Il faut que nous réussissions cette fois-ci car, dans le cas contraire, j’aime mieux ne pas penser à ce que pourraient être les conséquences non seulement pour le cycle mais aussi pour l’organisation », en ajoutant qu’un échec signifierait que « les gens seraient moins intéressés par le travail multilatéral » et redoute une multiplication d’accords commerciaux bilatéraux ou régionaux, aux termes desquels les intérêts des pays pauvres seraient moins défendus.

Principaux points de la négociation
Pourtant, le texte en question, objet des négociations, est accepté comme base de travail par l’ensemble des négociateurs, mais critiqué aussi bien par des pays en développement, qui lui reprochent de permettre aux pays riches d’échapper à une baisse des droits de douanes sur les produits « sensibles » alors que des pays développés pensent, quant à eux, exactement le contraire. D’où, ajoute le patron de l’OMC, la possibilité « historique » d’arriver à un accord, mettant fin aux subventions à l’exportation que versent les pays riches à leurs agriculteurs. La discussion doit se faire sur la base du texte remis par l’OMC le 16 juillet. Une nouvelle mouture de ce texte doit être présentée, pour approbation au plus tard le 30 juillet. Dans le domaine de l’agriculture, le projet de compromis vise à donner aux produits agricoles des pays en développement de meilleures chances de concurrencer ceux des pays riches.A propos de la concurrence à l’exportation, le projet prévoit que les Etats négocient une échéance pour éliminer les subventions à l’exportation. L’Union européenne s’est dit prête à accepter cette vieille demande des pays en développement, mais exige un « parallélisme » avec les crédits à l’exportation américains. Le projet stipule simplement que la durée de remboursement de ces crédits soit ramenée à six mois et que des disciplines soient mises en place pour éviter que l’aide alimentaire ne serve à écouler des excédents.

L’OMC envisage aussi d’éliminer « les pratiques ayant des effets de distorsion des échanges » en ce qui concerne les ventes des entreprises commerciales d’Etat, comme les commissions du blé au Canada ou en Australie. Concernant l’accès au marché, le projet prône la mise en place d’une formule par tranches pour abaisser les droits de douane. Les tranches de tarif les plus élevées comporteraient des engagements de réductions plus fortes. En contrepartie, l’UE et les importateurs nets de produits agricoles du G10 ont obtenu que des « produits sensibles » conservent un degré supérieur de protection aux frontières. Mais même pour ces produits, les pays devront s’engager à ouvrir davantage leur marché par le biais de baisses de droits de douane ou d’accroissement des quotas d’importation. De même que, selon la même source AFP, et à propos des soutiens internes, le règlement proposé envisage une réduction de la clause « de minima » qui permet à un pays (en l’occurrence les Etats-Unis) de verser jusqu’à 5% de la valeur de sa production agricole totale en aides aux agriculteurs sur différents produits. Les aides qui faussent les échanges (liées aux prix ou à la production, ou « boîte orange ») seront « réduites substantiellement », tandis que les aides liées à des limitations de production (« boîte bleue ») seront plafonnées. A propos du coton, le compromis ignore une demande des pays africains de traiter à part la question du coton mais prévoit que les aides internes (versées principalement par les Etats-Unis) fassent l’objet de « réductions substantielles et effectives ».

Pour ce qui a trait à l’accès au marché des produits non agricoles, et en contrepartie des concessions faites en matière agricole, les pays développés demandent aux pays en développement d’ouvrir davantage leurs marchés aux produits industriels. Le compromis envisage une baisse des droits de douane, voire une élimination des crêtes tarifaires. Certains pays en développement estiment que ces dispositions sont injustes, car plus précises qu’en ce qui concerne l’agriculture. Dans le domaine des services, les pays riches souhaitent libéraliser le secteur des services. Le texte appelle la quarantaine de pays qui ne l’ont pas encore fait à déposer leurs offres. Les pays développés ont accepté de laisser tomber trois des quatre thèmes adoptés par l’OMC à Singapour en 1998 (marchés publics, investissement, concurrence). Le texte proposé n’envisage d’ouvrir des négociations que sur le quatrième thème, la « facilitation des échanges », c’est-à-dire la simplification des procédures douanières. Mais certains pays pauvres exigent que les trois autres thèmes soient entièrement exclus du champ de l’OMC. Et, enfin, le texte prévoit que les pays en développement auront des délais plus longs et seront soumis à des exigences moindres pour ouvrir leurs marchés.

Les principaux groupes en présence aux négociations
Les 147 Etats membres de l’OMC se sont organisés en groupes plus ou moins formels, soit pour donner plus de poids à leurs arguments, soit pour négocier entre eux et simplifier la recherche d’un compromis. Les groupes participant à partir de mardi à la réunion du Conseil général de l’OMC qui doit relancer les négociations du cycle de Doha, où un pays peut figurer dans plusieurs groupes qui sont :NG5 ou « non-groupe des Cinq », qui rassemble l’Australie, le Brésil, les Etats-Unis, l’Inde et l’Union européenne. Il ne s’agit pas d’un groupe de pression mais de négociation, qui a vu le jour à Londres début mai lors d’un dîner de ministres.

Surnommé « FIP », pour « Five interested parties », le groupe, censé concentrer les sensibilités des pays du Nord et du Sud, s’est réuni pour la dernière fois à Paris les 11 et 12 juillet en présence du négociateur agricole de l’OMC Tim Groser, dont le texte de compromis s’inspirerait largement des travaux du NG5. G10 : le groupe des dix importateurs nets de produits agricoles rassemble la Suisse, la Bulgarie, Taïwan, l’Islande, la Corée du Sud, le Japon, Israël, le Liechtenstein, l’Ile Maurice et la Norvège. Il défend les subventions agricoles et les droits de douane élevés qui protègent ses « produits sensibles » (comme le riz, défendu par des tarifs de 500% au Japon). En échange de concessions agricoles, le G10 réclame davantage d’ouverture des marchés pour les produits industriels et les services. Groupe de Cairns : emmené par l’Australie, il rassemble 17 pays exportateurs de produits agricoles comme le Canada et la Nouvelle-Zélande qui exigent le démantèlement des subventions et des protections mises en place par l’UE et les Etats-Unis. G20 : le groupe, qui réunit autour du Brésil des pays émergents comme la Chine, l’Inde ou l’Afrique du Sud, s’est formé juste avant la conférence ministérielle de l’OMC à Cancun (Mexique) en septembre 2003 pour exiger la fin des subventions agricoles des pays riches. Il est à l’origine de la proposition de baisse des droits de douane en fonction de tranches progressives, repris dans le projet de compromis de l’OMC.

Le G20 compte en fait 19 pays. G33 : « L’Alliance pour les produits stratégiques et les mesures de sauvegarde » rassemble autour de l’Indonésie des pays en développement comme Cuba, le Kenya, le Nigeria, la Turquie, le Pakistan et les Philippines, qui demandent à être exemptés d’engagements de réductions de droits de douane sur des produits « stratégiques » pour leurs agriculteurs. Le nombre exact de pays membres n’est pas connu. G90 : le G90 rassemble les pays de l’Union africaine, les ACP (Afrique-Caraïbe-Pacifique) et les pays les moins avancés (PMA). Il réclame que les pays pauvres soient dispensés de faire des concessions et que les Etats-Unis cessent de subventionner leur production cotonnière, qui désavantage les planteurs africains. A Cancun, le G90 avait refusé de discuter des « thèmes de Singapour », entraînant l’échec de la conférence. Le G90 compte 63 pays membres de l’OMC.

Par Rafik Elias, La Tribune