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Zoom sur les coulisses de l’agroalimentaire à Béjaïa

vendredi 20 août 2004, par Hassiba

Zoom sur les coulisses de l’agroalimentaire, des abattoirs aux gargotes en passant par les petits et grands restaurants à Béjaïa.

Le constat est alarmant : aucune norme d’hygiène n’est requise, à titre d’exemple, pour ouvrir un restaurant, lacunes dans les contrôles vétérinaires.

Qualité, prix

Toutefois, si le consommateur veut de la qualité, il doit y mettre le prix. Les Algériens dont le niveau de vie ne cesse de baisser et ce, en dépit de la manne providentielle, sont alors pris entre deux feux, d’un côté la misère sociale, de l’autre, les couacs de l’alimentaire, en témoignent les scandales marquants de ces dernières années : vache folle, poulet à la dioxine, produits laitiers contaminés, maïs génétiquement modifié et autres contaminations.

En Algérie, ce sont notamment les intoxications alimentaires qui font parler d’elles. Dans une supérette de quartier, au restaurant ou chez le vendeur de glaces, la vigilance est de rigueur. On doit voir et savoir ce qu’on consomme.Les intoxications alimentaires, qui peuvent parfois être mortelles, rendent le plus souvent malades. Ventre ballonné, nausées, vomissements : en général, le mal s’estompe après quelques heures et on n’en parle plus. Ces soucis gastriques, qui surgissent parfois à la sortie d’un restaurant ou d’un dîner familial, ne figurent sur aucune statistique. Personne n’en connaît la fréquence. Les intoxications virales ou bactériologiques sont beaucoup plus courantes. Mais elles sont autant dues à l’imprudence des particuliers (produits recongelés, réfrigérateurs sales...) qu’aux dérapages sanitaires des industriels et commerçants qui par ailleurs ne sont pas toujours regardants à la qualité du produit qu’ils mettent en vente.

Quand l’hygiène vient à manquer

Pour certains commerçants et restaurateurs, la sécurité du client n’est vraiment pas un souci. Le meilleur exemple est ce gargotier de la commune de Seddouk qui installe, les jours de marché, des tables de fortune pour y vendre des frites-omelettes aux vendeurs et acheteurs de voitures. Avec un tablier « crasseux », il plonge ses frites, préalablement lavées dans un fût rouillé, dans une huile qui a servi, sans exagérer, des dizaines de fois.Non seulement, il n’est pas du tout inquiété par un quelconque contrôle, inopiné s’entend, des services concernés, mais sa « bicoque » semble être une mine d’or, elle ne désemplit presque jamais ! Les clients sont, sans doute, rassurés par le fait que le premier consommateur des frites est le cuisiner, c’est-à-dire le patron lui-même.

La même situation est observée chez certains restaurateurs notamment en cette période de grand rush, saison estivale oblige : vaisselles douteuses, viandes parfois impropres à la consommation et cafards en vadrouille.Et en ce qui concerne les colonies de vacances, c’est le même principe qui est appliqué dans les cantines scolaires. L’hygiène des cuisines est contrôlée et les accidents heureusement rares. En revanche, la nourriture reste souvent insipide et déséquilibrée. Un budget dérisoire est consacré aux matières premières, ont reconnu certains organisateurs. Conséquences : menus déséquilibrés et graisses à gogo.Mais il y a ceux qui trouvent leur compte dans ce genre de situation, les éleveurs de veaux, moutons et poulets mais aussi les agriculteurs, les commerçants, peu respectueux des règles d’hygiène et qui alimentent le marché. D’où l’urgence de l’assainissement des filières et des intermédiaires douteux.

La part du contrôle

A ce propos, des contrôleurs ont indiqué que les produits qui peuvent mettre la santé des consommateurs danger sans qu’ils le sachent sont légion. Seules solutions : mieux informer le public sur les filières de production douteuses et renforcer les contrôles, la peur du gendarme demeurant la meilleure arme pour freiner les dérives. Cependant, l’industrialisation de l’alimentation permet sans doute d’en éviter de pires. Ils ont ajouté qu’en dépit d’une réglementation sanitaire stricte, les services vétérinaires manquent de moyens pour la faire appliquer.

Pas étonnant dès lors que nos villes et campagnes bruissent d’anecdotes sur les fraudes non détectées. Le doute n’épargne malheureusement personne.Exemple de cette défaillance dans la surveillance : des maquignons peu scrupuleux profitant des lacunes dans le contrôle sanitaire parviennent à faire passer à l’abattoir des bêtes malades ; les permanences des vétérinaires ne sont pas toujours bien assurées.Sur un autre registre, il faut savoir que, des ateliers de découpe jusqu’au détaillant, le risque sanitaire le plus courant est la rupture de la chaîne du froid au cours du transport et du stockage de la viande. La filière bovine, avec ses nombreux intermédiaires, offre plus de possibilités d’incidents que des secteurs plus intégrés (comme celui de la volaille).Il en est de même en ce qui concerne la conservation : zones de stockage non réfrigérées, date limite de conservation dépassée... Les vétérinaires font souvent des découvertes bizarres dans les restaurants et chez les commerçants.En conclusion, pour en revenir à la bonne nourriture, il faut payer le prix de la qualité. Les consommateurs l’oublient parfois : leur pression sur les prix peut finir par dégrader la qualité. Mais les écarts, préviennent-on, ne reflètent pas toujours la différences de qualité et, surtout, ne sont pas forcément une garantie de sécurité.

Le prix est resté l’élément de choix et de référence du consommateur. Un produit d’usine est même a priori plus « sûr » car soumis à un contrôle de qualité surtout s’il bénéficie d’un label. Et entre deux produits d’origine industrielle, le plus cher n’est pas toujours le meilleur. Souvent, ces produits jumeaux sortent des mêmes usines et leur seule différence -le prix- s’explique par les dépenses de recherche et de marketing, indispensables à la survie d’une marque de renom.

Dans le respect des règles

Quant à la qualité des produits mis sur le marché national, nous nous sommes rapprochés d’un laboratoire qui a pignon sur rue à Béjaïa pour avoir une idée un peu plus précise de ce qui est proposé au consommateur algérien.Notre interlocuteur dira que nombre de nos industriels proposent des produits dont la fabrication est scrupuleusement et exemplairement respectueuse des règles d’hygiène et de conservation. Il citera pour exemple les laiteries Soummam, Danone (Djurdjura) et Candia, qui procèdent régulièrement, et de manière systématique, à de nouvelles expertises et contrôles et ce malgré les certificats de conformité établis par leur fournisseur. Non seulement, ils confirment par ce geste la qualité de leur produit, mais ils fidélisent une clientèle tout en ayant la conscience tranquille.

Mais ce n’est là qu’un exemple qui, hélas, n’est pas généralisé. Car il y a aussi des industriels et des négociants pour qui produit et consommateur ne sont qu’une source d’argent qu’on ne peut tarir pour des histoires d’hygiène, de qualité ou conservation. Certains importateurs véreux et vénaux se contentent des certificats complaisamment établis à l’étranger par des « laboratoires douteux », ajoutera notre interlocuteur.

Par Moussa Ouyougoute, latribuneonline.com