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11 décembre 1960 : Mise en échec de la troisième voie

dimanche 12 décembre 2004, par Hassiba

Evoquer le 11 décembre 1960, c’est mettre en relief la détermination d’un peuple, sa prise de conscience à vouloir se libérer du joug du colonialisme.

Malgré toute la répression et les génocides perpétrés par l’armée française, notre terre est restée insoumise, et c’est ce long itinéraire de la lutte pour l’indépendance de notre pays jalonné de tant de souffrances qui a permis à notre peuple d’acquérir cette maturité politique, cette notion qui a permis de déjouer les manœuvres du général de Gaulle en ce 11 décembre 1960, dont le plan consistait à mettre sur la sellette une troisième force représentative pour négocier au nom du peuple algérien.

Cette idée de constituer une troisième force avait déjà été projetée dans les milieux gouvernementaux français dès 1957. A l’époque, Robert Lacoste avait tenté de rallier à sa thèse des personnalités algériennes, aidé par le secrétaire d’Etat aux Affaires algériennes, Marcel Champaix. Ce dernier identifie Cherif Benhabilès, élu sénateur de Constantine, Ali Checkal, vice-président de l’Assemblée algérienne, ainsi que Barabrok et Sid Kara... Après une mise en garde, le Front de libération nationale exécuta Ali Checkal en France, dans un stade archicomble et en présence du président de la République René Coty ; Barabrok échappa de peu à un attentat ; Benhabilès est abattu. Dissuadées, les autres personnalités se retirèrent de la scène politique et l’idée d’une troisième force fut abandonnée, elle fut reprise par le général de Gaulle en décembre 1960, après avoir été acculé par les échecs des diverses réformes proposées, entre autres tentatives de la paix des braves (paix séparée) et surtout après les opérations militaires françaises de grande envergure confiées au général Challes, promu au commandement des forces françaises en Algérie, opérations qui durèrent plus de sept mois, dont le but était de déterminer le potentiel de l’ALN dans les maquis, mais sans grand succès, d’autant plus que les attentats du FLN reprirent de plus fort dans les grandes villes, et ce, après une brève accalmie. Comprenant que l’Algérie est devenue un gouffre engloutissant des dépenses ruineuses avec une armée française composée de plus d’un million d’hommes pataugeant dans le bourbier algérien, ce qui laisse entrevoir des prévisions néfastes pour la France qui perdra par le déséquilibre des forces sa position de grande puissance dans le concert des nations.

C’est aussi face à l’hostilité grandissante du peuple français qui supporte le fardeau de la guerre dans sa case sociale et c’est en voulant d’abord sauver la France de cette situation désastreuse que le général de Gaulle, a joué la dernière carte avec l’idée subtile de manipuler le peuple algérien en lui faisant miroiter l’instauration d’un Etat algérien par un stratagème qui consiste à isoler le FLN et coiffer le Gouvernement provisoire algérien (GPRA) en mettant sur la sellette une troisième force qui, au nom de l’Algérie algérienne, négociera avec la France. C’est ainsi que le 2 décembre 1960, dans un discours, le général de Gaulle avait parlé de la nouvelle voie qui conduit non plus à l’Algérie gouvernée, mais à l’Algérie algérienne, donc première étape de sa nouvelle stratégie qui consiste à pousser la masse à manifester dans la capitale, dont l’impact aura un écho grandissant à travers toutes les autres régions de notre pays, au slogan de l’Algérie algérienne. Pour sa réussite, ce plan fut confié au cinquième bureau français soutenu par le Mouvement pour la coopération (MPC) qui identifie le Front de l’Algérie démocratique (FAD), branche messaliste (prévu comme futur négociateur), cette tendance fut créée par Cadi Belhadj Lamine après la faillite du messalisme comme courant politique avec l’aval du gouvernement français...

C’est ainsi que le 9 décembre 1960, à la suite d’une manifestation des ultramanipulés encouragés par le Service actions urbaines (SAU) du capitaine Bernard, des Européens provoquèrent des musulmans, à la hauteur du monoprix de Belcourt et du stade Bialèse ; une bagarre s’ensuivit et quelques heures après, une contre-manifestation submergea les ultras qui se barricadèrent chez eux. Dans cette même journée, l’effervescence se propagea vers d’autres quartiers, tels Ruisseau, Kouba, Clos Salembier et La Casbah d’Alger. Le lendemain 10 décembre, la manifestation prit de l’ampleur bien organisée et encadrée par les militants de la Wilaya III et ceux de la Wilaya IV, arborant l’emblème national, scandant « L’Algérie algérienne », « L’Algérie musulmane », « Vive le FLN, Abbas au pouvoir » allusion au président du GPRA, par un déferlement sans précédent. Bab El Oued, qui était le fief des pieds-noirs, fut envahi par une foule déployant des drapeaux vert et blanc frappés du croissant. Telle une traînée de poudre, les manifestations se propagèrent à travers tout le territoire national.

Le peuple algérien a démontré qu’il n’était pas dupe, déjouant le complot ourdi par le général de Gaulle, en criant son attachement au GPRA comme étant le seul interlocuteur valable. Le 11 décembre 1960, comprenant que ses plans étaient déjoués, l’armée tenta vainement d’arrêter l’étendue de la manifestation qui a dépassé l’objectif assigné en tirant sur la foule à bout portant ; il y a eu certes beaucoup de morts et de blessés, mais leurs sacrifices ont été le témoignage de leur attachement à la révolution pour la libération de notre pays. Ce poids considérable avait permis de mettre en relief le GPRA sur la scène internationale comme seul représentant du peuple algérien et toutes les propagandes de l’Algérie française prêchées par les diverses tendances ultras se sont effondrées et, après la motion de l’ONU en date du 20 décembre 1960, la représentativité du GPRA ne fut plus remise en question.

Malgré ce pas immense vers la victoire, la lutte fut encore longue, il y a eu encore deux années de résistance armée et beaucoup de sacrifices et la répression s’abattait sur notre peuple ; c’était une période cruciale, mais c’était aussi le dernier soubresaut de la République française en Algérie.

Par Allel Benebri, El Watan