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Algérie : 62 cimetières français vont être détruits

samedi 12 mars 2005, par nassim

C’est une décision lourde de sens qu’auront à prendre, avant le 16 mai, quatre mille familles de rapatriés d’Algérie.

Un arrêté du ministère des Affaires étrangères, publié en janvier dernier au Journal officiel, leur donne quatre mois pour rapatrier à leurs frais sur le sol français leurs défunts, aujourd’hui inhumés dans 62 petits cimetières français d’Algérie. Faute de quoi les sépultures seront regroupées en tombes collectives ou en ossuaires.

« Le choix est douloureux, souligne Pierre-Henri Pappalardo, président de l’association France Maghreb. Mais ces cimetières, abandonnés depuis 40 ans, sont aujourd’hui dans un état de désolation absolue. Alors, mieux vaut honorer ses morts dans un endroit digne. » Difficile à accepter pour certaines familles. Le regroupement des sépultures résulte du plan de sauvetage des cimetières français d’Algérie, engagé après la visite dans ce pays de Jacques Chirac au printemps 2003. A l’issue du bilan exhaustif des 600 cimetières français (300 000 tombes chrétiennes ou juives) leur rénovation a été jugée indispensable.

« Depuis 1962, ces lieux de mémoire ont été fortement dégradés par l’usure du temps, souligne Marc Dubourdieu, président de la mission interministérielle aux rapatriés. Le phénomène est pire encore dans les zones rurales, où des cimetières éloignés ont été très abîmés. Pendant les années d’insécurité, certains servaient notamment de caches d’armes. » En raison de la situation chaotique du pays, les rapatriés n’ont jamais pu se rendre sur les tombes de leurs défunts. Selon le ministère des Affaires étrangères, « l’idée est aujourd’hui de regrouper les tombes qu’on ne peut plus entretenir. Les autres cimetières seront entièrement rénovés ».

La famille d’Albert Marsot, routier en retraite de 64 ans, a deux caveaux au petit cimetière de Palestro, touché par le regroupement des corps. « Mon arrière-grand-mère fut la première institutrice de ce village, dit-il. Tous mes aïeux sont inhumés là-bas. » Que faire désormais ? « Le délai est extrêmement court pour se décider. Il faut d’abord s’assurer que les os de nos ancêtres sont encore là, après quarante ans de vandalisme et de dispersion des ossements. » Et le coût du rapatriement est élevé. Pour toutes ces raisons, Fabienne Latapie, présidente de l’association pour la sauvegarde des cimetières d’Algérie, « dissuade les familles de faire revenir leurs morts ». « Il faut compter au moins 1 500 euros pour un transfert jusqu’à Marseille », explique-t-elle.

Tant que les travaux n’auront pas commencé, selon le ministère des Affaires étrangères, « les familles pourront effectuer la procédure de rapatriement. Cela leur laisse en fait deux ou trois ans ».

Et les associations, soucieuses du repos des défunts, demandent des garanties. « Les terrains libérés ont une valeur financière importante pour les municipalités algériennes qui vont les récupérer, souligne Fabienne Latapie. En échange, les autorités locales doivent s’engager à installer un petit monument à la mémoire des morts. » Hier, le ministère rappelait que « les autorités algériennes ne sont pas demandeuses dans ce dossier puisque cette démarche vient de la France ». La mission interministérielle aux rapatriés assurait de son côté qu’une plaque commémorant les morts sera apposée dans les 62 anciens cimetières français d’Algérie.

Par Delphine Chayet, lefigaro.fr