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Ces imams indésirables en Europe

jeudi 29 avril 2004, par Hassiba

Abdelkader Bouziane sera-t-il définitivement expulsé vers l’Algérie ? Hier, le ton est monté d’un cran supplémentaire entre Dominique de Villepin et la justice sur l’affaire de l’imam de Vénissieux.

Après la décision du lundi 26 avril du tribunal de Lyon, de suspendre l’expulsion de Abdelkader Bouziane, le ministre français de l’intérieur s’est dit prêt à modifier la loi. “Si la jurisprudence devait évoluer, il faudrait alors envisager de modifier la loi”, a-t-il expliqué devant les députés à l’Assemblée nationale.
Le ministre français de l’Intérieur affirme s’être appuyé sur des notes des Renseignements généraux (RG). Selon ces derniers, l’imam de Vénissieux a eu des contacts entretenus “avec des mouvances internationales prônant des actions terroristes”.

Hier, à la demande express du ministre de la justice, le tribunal de Lyon a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire contre l’imam Bouziane. Il sera poursuivi pour “apologie de crime” et “provocation directe par écrit, non suivi d’effets, à porter atteinte à l’intégrité d’une personne”. Abdelkader Bouziane, qui a retiré une demande de visa de retour devrait être arrêté dès sa descente d’avion.

Depuis juillet 2003, 12 imams activant en France ont fait l’objet d’arrêtés d’expulsion en raison de leur comportement qualifié de suspect ou de prêches jugés contraires aux principes de la République. Et plusieurs autres prédicateurs d’origine étrangère sont actuellement dans le collimateur du gouvernement français.
Les RG et la Direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage) auraient dans leur collimateur plusieurs imams qu’ils souhaitent voir expulsés de France rapidement. Pourtant, durant plusieurs années, les gouvernements qui se sont succédé à la tête de la France ont refusé de gérer directement ce dossier qualifié de sensible. En effet, selon nos informations, les autorités françaises avaient demandé à de nombreuses reprises aux ambassades des pays arabes d’où sont issus des imams, jugés à problème, de prendre en charge leur dossier. Les RG et la DST avaient même fourni aux représentations diplomatiques des pays concernés - dont l’Algérie -, des éléments prouvant que les prédicateurs visés constituaient un réel danger pour la stabilité de la France et pouvaient influencer des centaines de jeunes des banlieues déshéritées.

“Certains prédicateurs appelaient ouvertement au djihad et d’autres véhiculaient dans leur prêche un message d’un autre âge qui n’a pas lieu d’exister dans un pays comme la France. Avec leur discours, ils parviennent à influer des jeunes de banlieue”, explique Ahmed Sallam, auteur du Djihad en Europe, un essai sur les réseaux islamistes européens. Mais les ambassades sollicitées n’ont jamais réellement pris en charge le problème.
En 2002, dès son arrivée à la place Beuveau, Nicolas Sarkozy s’est vite retrouvé confronté à ce problème. L’ancien ministre de l’intérieur a tenté d’apporter une réponse en essayant d’organiser l’Islam de France, avec notamment, la création du Conseil français de culte musulman (CFCM).
Cette instance devait prendre en charge l’aspect organisationnel de la pratique de la religion musulmane. Ce qui devait se traduire par une perte d’influence des éléments extrémistes.

Nicolas Sarkozy avait également parié sur une “auto-régulation”. Mais “celle-ci ne s’est pas produite”, constate Ahmed Sallam. Deux ans après la création du CFCM, les mêmes problèmes demeurent : des imams autoproclamés continuent de diffuser des messages d’un autre âge auprès d’une population, composée essentiellement de jeunes issus de banlieues difficiles, donc faciles à manipuler. Dans la plupart des cas, nous n’avons pas affaire à des imams extrémistes. C’est bien plus grave : ce sont des prédicateurs qui ne connaissent pas bien la religion musulmane et qui délivrent souvent des messages qui n’existent pas dans le Coran”.
Après avoir, pendant plusieurs années, évité de s’occuper directement du dossier des imams dits “salafistes”, Paris semble décidé à résoudre définitivement ce problème. D’autres capitales d’Europe devraient lui emboîter le pas. Pour de nombreux dirigeants européens, c’est désormais la seule solution pour “éviter d’arriver à des situation à l’algérienne”.

Il avait été expulsé le 21 avril

Bouziane devra “répondre de ses actes” s’il rentre en France
L’imam de la banlieue lyonnaise (centre-est de la France), Abdelkader Bouziane, pourra retourner en France, mais “il devra répondre de ses actes” devant la justice dès son arrivée, a déclaré hier le porte-parole du gouvernement français, Jean-François Copé.
Interrogé lors du compte-rendu du Conseil des ministres, M. Copé a déclaré que “la France ne fera pas obstacle à son retour”, si l’imam expulsé de France vers l’Algérie le 21 avril décidait de revenir en France.
Mais “je peux vous dire qu’il aura à répondre de ses actes et déclarations devant la justice française dès son arrivée”, a ajouté le porte-parole du gouvernement.
Le parquet de Lyon a ouvert hier une information judiciaire sur les propos tenus par l’imam dans une interview à un magazine lyonnais pour “apologie de crime et provocation directe, non suivi d’effets, à porter atteinte à l’intégrité d’une personne”. Abdelkader Bouziane avait été expulsé de France la semaine dernière pour “atteinte à l’ordre public”, parce qu’il prônait dans cette interview un islam radical, défendait l’inégalité entre l’homme et la femme, le châtiment corporel de l’épouse infidèle ou désobéissante et la polygamie.

M. Bouziane a retiré mardi une demande de “visa de retour” au consulat général de France à Alger après la suspension par le tribunal administratif de Lyon de l’arrêté ministériel qui citait notamment ses liens avec des groupes musulmans radicaux. Le ministère français de l’Intérieur s’est pourvu en cassation. M. Copé a expliqué que “dans l’attente de la décision en cassation qui est pendante devant le Conseil d’État”, l’imam de Vénissieux pourrait rentrer en France car “la France est un État de droit”.
Abdelkader Bouziane, 52 ans, partisan du courant salafiste prônant un retour à l’islam tel que pratiqué à l’époque de Mahomet au VIIe siècle, polygame et père de 16 enfants français, vivait en France depuis 1980 et officiait dans une petite mosquée de Vénissieux.

Par Guemache Lounès, Liberté