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Controverse autour du projet de l’Amnistie générale

jeudi 18 novembre 2004, par nassim

La question de la teneur de l’amnistie générale que propose Abdelaziz Bouteflika est un faux débat.

Le projet et le concept étant, a priori, clairs, c’est, en fait, le champ d’application et la liste des bénéficiaires qui sont, incontestablement, sujets à controverse même si l’ambiance générale tend vers une sorte d’unanimisme.

Mais un unanimisme, qui s’avère fragile tant “l’alliance” présidentielle, - et sa clientèle -, est fondée plus sur des intérêts de pouvoir que sur un projet politique commun. Comme le décret sur les victimes de la tragédie nationale promulgué par Zeroual en 1997, l’initiative du président de la république est, sans doute, elle aussi, en voie de soulever de vives contestations au sein de la société civile et de la classe politique. Le consensus, qui avait entouré l’adoption, en 1999, du texte portant concorde civile, s’est effiloché au fil du temps. Et Bouteflika n’a visiblement pas les moyens de le reconduire, car son entreprise, cette fois-ci, semble dépasser le cadre strictement sécuritaire. L’idée que met en avant le chef de l’État ne relève plus du simple traitement de l’aspect tragique de la crise pour arriver à la paix souhaitée, mais elle franchit bien les lignes politique, morale et les barrières fixées par le devoir de vérité et les exigences de justice.

Sans oublier la responsabilité politique, reconnue par ailleurs, du parti dissous dans le terrorisme. Ce sont ces limites-là, d’ailleurs, que les défenseurs, voire les précurseurs même de l’idée de réconciliation nationale, ne voudraient pas franchir. Ali Yahia Abdenour de la ligue algérienne de la défense des droits de l’homme, qui s’est déjà exprimé sur le sujet, avait souligné le devoir de justice que nécessite une telle démarche. À quelques nuances près, le Parti des travailleurs adoptera la même position. Djoudi Djelloul, son député, qui s’exprimait avant-hier dans les colonnes du quotidien El-moudjahid, qui a consacré cinq pages au thème de l’amnistie générale, posera des préalables à la politique de Aldelaziz Bouteflika en affirmant que sa formation privilégie l’ouverture des dossiers en suspens, entre autres celui des disparus, des droits de l’homme et des réformes économiques. Pour lui, la paix, la sécurité et la stabilité passent inévitablement par le règlement de ces dossiers. Les familles des disparus regroupées dans l’association SOS disparus rejettent, elles aussi, l’offre du locataire d’El-Mouradia tant la vérité n’est pas dite sur le sort de leurs enfants. “Il n’y aura pas d’amnistie générale si le voile n’est pas levé sur cette question”, martelait une mère d’un disparu au lendemain de l’annonce du projet de Bouteflika la veille du 1er novembre.

Mais, contre toute attente, la contestation est venue de la présidente de l’association nationale des familles victimes du terrorisme, Fatma-Zohra Flici, néanmoins députée du RND, un parti dont le secrétaire général dit assumer le programme du président de la République. Elle déclare que “les gens qui ont commis des crimes doivent répondre de leurs actes et être jugés, et libre après au président de décréter l’amnistie. Il faut d’abord que les attentats cessent pour parler sérieusement d’amnistie.” L’élue du parti de Ahmed Ouyahia espère que “le peuple algérien ne lavera pas les criminels de leurs actes”. “Et si c’est le cas, ajoute-t-elle, les familles des victimes du terrorisme ne se reconnaîtront point en l’Algérie.” S’agit-il, en fait, de son propre point de vue ou d’une opinion que partage la majorité des responsables de son parti ? Une chose est sûre, après l’évocation d’un probable projet d’amnistie à l’occasion du cinquantième anniversaire du déclenchement de la Révolution, des voix se sont fait entendre pour dire non à une initiative qui s’apparente d’emblée à une forme d’absolution du terrorisme ou demandent du moins des explications sur les véritables visées du chef de l’État. Le pavé, jeté dans la mare, réanime ainsi la classe politique et réveille de leur torpeur des voix étouffées depuis la dernière élection présidentielle qui a même bouleversé l’ordre politique dans le pays.

Par Saïd Rabïa, Liberté