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Du pétrole dans vos robinets

Le barrage de Kaddara gravement pollué

dimanche 7 mars 2004, par Hassiba

À peine remis du scandale de la mise à la consommation de la viande d’âne, la population d’Alger va vivre un nouveau fait sans précédent : elle va avoir dans les prochains jours de l’eau avec une odeur de pétrole.

En effet, une rupture du pipe Beni Mansour (Béjaïa)-Sidi Arcine (Baraki) alimentant la raffinerie d’Alger, survenu mercredi dernier, a provoqué le déversement de centaines de m3 de pétrole brut dans le barrage de Keddara, la principale source d’approvisionnement en eau de la capitale, a-t-on appris de source sûre. Depuis deux jours, les efforts tendent à ce que la nappe noire reste à l’arrière et n’atteigne la prise d’eau du barrage. Ce qui menace l’alimentation en eau de la capitale. Il y a risque de distribution aux ménages de la capitale d’une eau mélangée à du pétrole. Revenons au terrain. On a installé une barge et avec des barques, on tente de retirer le brut. Des moyens rudimentaires.

À l’heure où nous écrivons, Sonatrach qui exploite l’oléoduc n’avait pas encore déployé ses gros moyens. Perplexe, un responsable du ministère de l’énergie n’était même pas au courant. Mais ce qu’il nous révélera est édifiant : il avouera que ce pipe est effectivement très vétuste et qu’il a subi antérieurement des actes de sabotage. Et qu’il sera remplacé dans un an par un pipe tout neuf. En attendant, on n’a rien fait. Une autre source nous a révélé que cet ouvrage date des années 1960. Et qu’il a connu, ces dernières années, de nombreuses fuites d’hydrocarbures sans que le problème soit réglé définitivement. Les réparations se limitent à de simples colmatages.

Premier effet : l’eau qui va être consommée dans les prochains jours aura une odeur de pétrole qu’on dit peu supportable. À moins qu’on utilise les gros moyens pour résorber la nappe de pétrole rapidement. Seconde conséquence si la réaction n’est pas prompte, c’est de traiter l’eau au niveau de la station de Boudouaou en vue de gommer la toxicité du mélange. Mais on a affaire à 400 000 m3/jour. C’est ce que fournit actuellement quotidiennement le barrage de Keddara à la population d’Alger, soit l’essentiel de son approvisionnement en eau. Il faut donc énormément de produits chimiques. Il convient également de traiter l’eau au charbon actif pour supprimer l’odeur du brut.

On étudie actuellement plusieurs scénarios : réduire la distribution d’eau à partir du Keddara, augmenter les quantités puisées de l’interconnexion à 180 000 m3/ jour et accroître les volumes tirés des forages.
On a donc affaire à une véritable catastrophe écologique, d’autant qu’il y a, de surcroît, des risques d’infiltration des hydrocarbures dans les eaux souterraines, c’est-à-dire les nappes. Le plus étrange, c’est qu’il y a eu plusieurs écrits pour demander une solution définitive à ce problème. On connaît la suite. On n’a pas pris le dossier sérieusement en main.

L’incertitude pèse aujourd’hui sur la manière de traiter l’eau. Y aura-t-il des analyses poussées pour démontrer que l’eau du barrage de Keddara est saine, qu’elle est dénuée de produits toxiques avant de la distribuer ? Selon des officiels, il n’y aura pas de graves perturbations dans l’alimentation en eau potable.
Juste une odeur de pétrole à supporter quelques jours. Il faut attendre, à notre sens, pour voir si la nappe ne va pas s’élargir jusqu’à menacer l’Aep d’Alger, du moins atteindre les habitants de la capitale du syndrome de l’eau à l’odeur de pétrole. Ira-t-elle jusqu’à toucher la santé des Algérois ? En fin de compte, ce qui vient d’arriver est inadmissible. Intolérable.

Des mesures fermes doivent être prises pour éviter toutes les conséquences négatives de cette pollution. Et que cet incident ne se reproduise plus. À défaut, n’oublions pas que la population a été suffisamment patiente.

Ryad Nasrou, Liberté