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FLN : Sous le signe de la continuité

jeudi 3 février 2005, par Hassiba

Il a été plus facile de relever les couacs, les bousculades ou les incertitudes sur l’organisation ou la qualité des participants qui alimentaient les pas perdus, sous la coupole du 5 Juillet, que le fait indubitable que ce huitième congrès du FLN était bel et bien un congrès peu ordinaire et c’est même ce qui, dans la désormais longue histoire de ce parti, le distinguera d’autres grands-messes dont le système politique algérien avait su agencer les mises en scène.

Il n’est pas en effet courant dans la tradition politique algérienne -et sans doute aussi sous d’autres cieux- de voir un congrès dûment tenu se voir reconvoquer et même l’autorité formelle de la chose jugée n’empêchera pas de relever que ce congrès n’est pas et ne peut être le « bis repetita » de celui de mars 2003 et ne peut être, à bien y regarder, que son envers et, en quelque sorte, son antidote.

Le processus ayant conduit à l’invalidation -condition même de la tenue des présentes assises- s’inscrit dans une logique de crise qui, du fait même des moyens et des acteurs qui s’y sont impliqués, de manière publique ou plus occulte, confinait plus à la crise de régime que du seul parti du FLN qui en constituait, à l’intérieur des institutions électives et de l’exécutif gouvernemental, le principal levier politique. Et il faudra en retenir, au-delà des excès et des graves dérapages observés, quelques questions lourdes sur les fondements et les formes d’exercice du pouvoir dans un système politique contraint, à son corps défendant et particulièrement par le poids croissant de l’opinion internationale et des partenaires étrangers, à des concessions aux formes démocratiques.

La hiérarchie des légitimités
Celle de la hiérarchie des légitimités électives -entre majorité présidentielle et majorité parlementaire- aura été, au fond, l’un des accélérateurs de la crise dès lors que forts des résultats des scrutins locaux et législatifs, le FLN et son secrétaire général pouvaient croire être relativement déliés de l’allégeance à la personne du président de la République dont ils avaient dûment et activement soutenu l’élection.Les calculs et les stratégies qui n’ont sans doute pas encore livré tous leurs secrets feront le reste et reposeront, en des termes d’une virulence inégalée -y compris lors de la séquence oppositionnelle de l’ère de l’ancien secrétaire général Abdelhamid Mehri- les rapports du parti FLN aux centres de la décision politique et précisément à une présidence de la République soucieuse de se réapproprier la plénitude de ses pouvoirs et particulièrement soucieuse des symboles de la charge. Même sous le registre pacificateur de « la réunification », c’est bien le solde de tous comptes des atteintes à la légitimité du « primus inter pares » qui constituait le discret mais non négociable fil rouge de ces huitièmes assises renouvelées du FLN et chacun aura récité, à sa manière, la prière de l’absent puisque l’une des finalités de fait du congrès était aussi de faire le constat de la seconde mort politique de Ali Benflis depuis le 8 avril dernier.

Le parti des clivages masqués, de mortifications des uns ou des triomphes des autres s’est résolu au consensus pour offrir au chef de l’Etat « la présidence du parti » qui, fût-elle symbolique, n’en avait pas moins nécessité des modifications dans les statuts et qui plus est, selon les propres termes du porte-parole officiel du congrès, « demeurerait vacante » si le président de la République n’y consentait pas. C’est alors sans surprise que l’ombre portée du chef de l’Etat, omniprésente tout au long des assises, allait aussi pimenter de suspense un congrès sans réels reliefs. La lettre présidentielle aux congressistes aura surtout consacré le malentendu dès lors que les nouvelles instances imaginées pour la direction du vieux parti, par le système de filtre mis en place et qui assure la maîtrise du FLN au noyau dur des fidèles du chef de l’Etat, le dispensent d’une implication non seulement politiquement onéreuse et qui jurerait avec son nouveau credo de la « fin de la légitimité historique ». Il importe que par cette offre publique, le FLN -l’un des canaux traditionnels de l’expression du système politique algérien- en soit venu à une résipiscence qui peut donner à réfléchir.

Un lifting organique
Tout comme le congrès éponyme, le huitième consacre, quasiment dans les mêmes termes, l’allégeance à un homme et si celui-ci, du fait même des rapports des force, n’est plus le même, le mode de fonctionnement est, quant à lui, revalidé sans états d’âme. Ce changement d’allégeance porte-t-il en lui des risques pour l’autonomie du parti ou fait-il seulement pièce aux illusions entretenues à ce sujet à l’occasion de la campagne ? Ainsi, ce serait se méprendre sur la nature du système politique algérien et de ses mécanismes de négociation et d’arbitrage de conclure que le FLN serait ainsi revenu dans le giron d’un pouvoir dont il n’a jamais déserté les allées. Est-ce aussi cette sociologie particulière qui expliquerait le mieux le lifting organique que vient de connaître le parti, lifting qui prévient tout dérapage incontrôlé tout en élargissant la répartition formelle des attributs du pouvoir et il conviendra surtout d’enregistrer, à l’occasion, la fin inattendue du fameux comité central et aux pouvoirs dont il disposait entre les congrès. Plus de dirigeants, distribués en plusieurs instances avec pour effet une manière de dilution de la responsabilité politique concentrée, en dernière instance, dans le secrétariat exécutif et particulièrement dans la personne du secrétaire général, porte-parole du parti.

La leçon du FLN
Cela ne justifierait sans doute pas de considérer ce congrès, globalement prévisible et à peine animé par quelques querelles de clocher au moment décisif de la répartition des postes de responsabilité, comme un événement mineur sur le plan politique alors que ses conclusions et les hommes chargés de les porter balisent l’espace public national et le fonctionnement des institutions de l’Etat.

Le huitième congrès du FLN prendra date, en tout état de cause, par les priorités qu’il s’est assignées -notamment la prise en charge du « programme du président de la République » avec en particulier le volet de la politique de la concorde- et aura peu et mal regardé la société et ses mutations.Le plus grave est qu’il s’est, quant au fond, interdit d’interroger la portée de la crise qui l’a si brutalement marqué. Aucune prospective sur le fonctionnement des pouvoirs, sur les fondements de la légitimité de l’exercice du pouvoir, sur les rapports entre acteurs politiques et société, précisément comme si la culture politique partisane -déjà si sèche en Algérie- pouvait indéfiniment s’enraciner dans les seuls appareils. C’est bien cette leçon que le FLN, du haut de sa longue histoire, a tristement délivrée sous les lampions de la coupole et, quelque part, aucune mutation démocratique du champ politique national ne peut s’imaginer sans un retour critique sur la portée de ce message.

Par Chaffik Benhacene, La Tribune