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Femme et espoir ne riment plus en Algérie

jeudi 30 décembre 2004, par Hassiba

Des espérances en Algérie ? Très peu. Les Algériennes n’espèrent pas grand-chose. S’exprimant sur leurs attentes de l’année 2005, les femmes travailleuses, au foyer, étudiantes, lycéennes ou même collégiennes sont plutôt pessimistes.

« Je n’espère rien », « Il n’y a rien à espérer de ce bled », « de l’espoir encore ? Jamais ! » Ce sont là, les réponses majoritaires données par les femmes algériennes. Manel, étudiante à l’école de banque, 19 ans à peine, trouve que l’année 2005 n’apportera rien de nouveau : « Ce sera aussi monotone que 2004. Je ne m’attends à rien. » Sirine n’a que 15 ans, et elle voit déjà la vie en gris : « L’espoir, mot inconnu. Peut-être que quand je serai plus grande et que je serai ailleurs, je pourrai espérer. »

A voir la mélancolie des plus jeunes, le pessimisme des plus âgés n’étonne plus. A 36 ans, Fatiha, professeur de langues étrangères, préfère parler d’espoir sous d’autres cieux : « Des cieux plus cléments. J’espère partir au Canada ou à défaut avoir un appartement. » Chahrazed, la quarantaine bien entamée, n’a pas pu se marier à cause du logement. Elle aussi n’aspire qu’à avoir un toit : « Vivre avec mes parents et les belles-sœurs n’est pas facile. J’aurais aimé faire ma vie et avoir ma propre famille mais, à mon époque, le logement n’est plus qu’un rêve. » A 47 ans, Djamila, qui a plus d’une vingtaine d’années dans le travail administratif, demande justice. « J’espère que les promesses du président de la République ne sont pas juste un discours électoral. Il faut abolir les passe-droits et l’injustice qui règnent dans les administrations.

Certains viennent au travail occasionnellement et ce sont ces mêmes personnes qui sont promues à des postes de responsabilité », dira-t-elle avant de renchérir : « J’ai le cœur gros d’amertume et, au fond de moi-même, je sais que rien ne changera. Tout espoir est un leurre. » Comme Djamila, Faïza, médecin, rit d’un rire amer en écoutant la question du journaliste. « Même si je n’y crois pas et que je ne m’attende pas à un grand changement, j’espère que la femme en Algérie recouvrera ses droits. Des droits stipulés par les lois algériennes et qui sont loin d’être appliqués. J’espère que la femme, même mariée, aura droit au logement. » Mariée, trois enfants à charge, Faïza est loin de vivre une vie heureuse auprès de son conjoint. Elle a postulé à toutes les formules pour obtenir un logement mais son statut de femme mariée la recale automatiquement. « Mon mari a l’intention de divorcer mais je ne veux pas attendre ce moment pour me retrouver dehors avec mes trois enfants. Que faire ensuite ?

Retourner chez mes parents. Non, ce n’est pas dans mes projets », raconte-t-elle d’un air déprimé. « En Algérie, je sens que mes libertés sont freinées par celles de mon mari. Pourtant [...] » lâche encore Faïza. Cet avis est partagé par Samia, enseignante. Cette dernière espère que le code de la femme changera en faveur de la femme : « Je suis croyante et la religion est ce qu’elle est mais il faut que le code de la famille s’adapte aux réalités de la femme du XXIe siècle. » A 32 ans, Fouzia qui prépare son mariage est plutôt satisfaite. Elle espère que son futur mari aura un logement de fonction pour réaliser son rêve et fonder une famille. « J’espère que notre monnaie s’appréciera, ce qui nous permettra de vivre décemment. ». Eclats de rire pour Zahia, une femme au foyer de 37 ans qui n’a pas enfanté durant ces neuf ans de vie commune. Son espoir est, bien sûr, d’être mère mais aussi et surtout « la santé. Car rien ne remplace la santé, pas même l’argent. J’espère aussi que les cœurs des Algériens et des Algériennes seront remplis d’amour et de bonté et que Dieu, le Tout-Puissant, nous protège ». Razika est mariée depuis plus d’une année. Femme au foyer et mère d’un petit garçon de 3 mois à 23 ans, elle est plutôt pessimiste : « Je n’ai rien eu de ce pays et je ne m’attends à rien. Peut-être la santé et une longue vie pour mon petit et les miens. Sinon rien ! »

Du côté des femmes du troisième âge, les aspirations diffèrent. Pour Yakout, une dame âgée de 75 ans, l’espoir est de voir la paix durer : « La santé, le bonheur pour le pays et notre peuple qui a tant souffert. » Avec des mots simples, Yakout révèle aussi que son rêve pour 2005 est de vivre dans une Algérie où « la vie sera moins chère et où toutes les jeunes filles trouveront un mari ». Le dernier mot revient à Saadia. Son rêve est autre. Cette femme, moudjahida de 65 ans, demande à son Président de mettre en application les promesses faites à la jeunesse : « Moi, ma vie est derrière moi. Nous, à notre époque, nous rêvions de voir notre pays indépendant. Nous rêvions de vivre en paix en Algérie. Pour 2005, mon rêve, je le formule pour vous, les jeunes d’Algérie. J’espère que vous ne connaîtrez pas la déception et que le pays ne vous trompera pas. Ses plus hauts responsables ne doivent pas vous duper, ni trahir votre confiance. Ils doivent tenir leurs promesses. »

Par Hasna Yacoub, La Tribune