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Jacques Chirac honore Alger, "capitale de la France combattante"

lundi 16 août 2004, par Hassiba

Jacques Chirac a décoré, dimanche 15 août, à bord du porte-avions "Charles-de-Gaulle", les vétérans de l’armée d’Afrique qui débarquèrent il y a 60 ans en Provence.

A cette occasion, il a décerné la croix de la Légion d’honneur à la capitale algérienne.
Cette fois, c’était bien le tour de l’Afrique. Dix semaines après la célébration du soixantième anniversaire du débarquement de Normandie, Jacques Chirac a saisi l’occasion de la commémoration de sa réplique provençale, le 15 août 1944, pour faire l’éloge de "l’amitié profonde" qui unit, à ses yeux, la France et le continent noir.

Le président de la République a accueilli à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle quinze chefs d’Etat et de gouvernement africains. Vingt et un anciens combattants, originaires des vingt et un pays qui ont lutté contre les armées allemandes en Provence, ont été décorés, à cette occasion, de la Légion d’honneur.

Dans son discours, M. Chirac n’a pas mesuré ses mots pour rendre hommage au rôle déterminant tenu par les troupes coloniales françaises (environ 100 000 hommes sur un total de 256 000) dans la réussite de l’opération. S’adressant aux dirigeants africains présents sur le navire, le président de la République s’est exclamé : "Les fils de vos nations ont associé leurs noms à la légende militaire de la France. Ils ont à jamais mêlé leur sang au nôtre."

En dépit du dîner de clôture qui a rassemblé, dimanche soir, le chef de l’Etat et ses hôtes dans le salon des officiers du Charles-de-Gaulle, l’entourage de M. Chirac déniait que ce rendez-vous ait pris l’allure d’un sommet franco-africain. La priorité, expliquait-on, revenait à "la fraternité d’armes" évoquée par M. Chirac dans son allocution. "Elle est le socle de l’amitié profonde qui nous unit, a-t-il ajouté. Elle constitue l’héritage le plus précieux légué par ces héros que nous honorons aujourd’hui."

Le président de la République a aussi profité de l’occasion pour associer aux hommages publics un participant inattendu. Il a en effet conféré à la ville d’Alger, "en tant que capitale de la France combattante, la croix de la Légion d’honneur". Dans l’esprit de M. Chirac, expliquait un collaborateur de l’Elysée, ce geste visait à célébrer le rôle éminent joué par l’actuelle capitale de l’Algérie dans la reconstitution de l’armée française en 1944.

Quatre autres villes étrangères ont déjà bénéficié de cette distinction : Liège, Belgrade, Luxembourg et Stalingrad. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika n’a pas souhaité commenter la décision de son homologue français.

Sa présence aux cérémonies avait suscité une polémique en France, jusqu’au sein même de la majorité. Des élus UMP reprochaient à M. Bouteflika des déclarations antérieures sur les harkis, supplétifs de l’armée française pendant la guerre d’Algérie (1954- 1962).

Interrogé à bord du porte-avions, le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a insisté sur la nécessité de regarder "l’avenir". Evoquant les "liens de passion" entre la France et l’Algérie, le chef du gouvernement a déclaré : "Il faut assumer notre mission de mémoire, mais nous avons aussi une mission d’avenir." Et, a-t-il ajouté, "l’avenir, c’est forcément une relation de proximité entre la rive sud de la Méditerranée et l’Europe". Un traité d’amitié entre les deux pays est en cours d’élaboration. M. Raffarin avait reçu à déjeuner à Matignon l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement invités à l’exception du roi du Maroc, Mohammed VI.

Outre M. Chirac et M. Raffarin, sept membres du gouvernement ont assisté à la commémoration. Le matin même, Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, et Hamlaoui Mekachera, ministre des anciens combattants, avaient eux-mêmes remis des médailles à des vétérans africains. Sur le Charles-de-Gaulle, Mme Alliot-Marie s’est adressée aux soldats d’Afrique : "Nous vous sommes redevables de ce que nous sommes ici, nous ne l’oublierons pas." De son côté, le ministre des affaires étrangères, Michel Barnier, a estimé que cette journée était "un événement considérable pour les relations franco-africaines".

Rien n’a donc pu entamer l’ambiance festive des cérémonies, pas même le renoncement de dernière minute du président tunisien, Zine El-Abidine Ben Ali. Sans en rendre publique la raison, il s’est fait remplacer par son premier ministre.

La seule note discordante est venue du président du Sénégal, Abdoulaye Wade. Il a souhaité, sur la chaîne de télévision publique France 3, que la situation des anciens combattants africains soit mieux prise en compte. Il a émis le vœu "qu’un jour les Africains et les tirailleurs sénégalais touchent les mêmes pensions que les Français". M. Wade a suggéré que l’Assemblée nationale "se saisisse de cette question qui ne sera jamais réglée par un gouvernement".

Abdelaziz Bouteflika reçu lundi par Jacques Chirac
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika devait être l’hôte de Jacques Chirac, lundi 16 août, pour un déjeuner au fort de Brégançon (Var). C’est la première fois que M. Chirac reçoit un chef d’Etat étranger dans la résidence officielle des présidents de la République française. A cette occasion, les deux hommes devaient évoquer les problèmes de coopération économique, civile et militaire. Selon une source proche du dossier concerné, cette coopération pourrait notamment englober l’achat par l’Algérie d’avions Rafale. Ce même interlocuteur indiquait que la perspective d’un tel contrat aurait été rendue possible par le départ, lundi 2 août, officiellement "pour raison de santé", du général Mohamed Lamari, qui occupait la fonction de chef d’état major de l’armée algérienne, et son remplacement par le général Salah Ahmed Gaïd.

Pascal Ceaux, www.lemonde.fr