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L’Algérie au cœur de la rivalité franco-américaine

mercredi 5 mai 2004, par Hassiba

L’Algérie est au centre d’une rivalité qui ne veut pas dire son nom entre Français lesquels, pour des raisons historiques connues, considèrent notre pays comme une chasse gardée et Américains qui découvrent dans la libéralisation de notre économie et principalement dans les perspectives de coopération nouvelles qu’offre le secteur énergétique un marché potentiel.

L’Algérie, qui a compris l’enjeu stratégique pour son économie de diversifier ses partenaires économiques et commerciaux, n’a pas su tirer le meilleur parti de cette concurrence que se livrent ces deux grandes puissances industrielles autour du marché algérien en utilisant l’attrait suscité par ce marché comme arme stratégique dans la négociation et les relations de coopération multiforme avec l’un et l’autre pays. Avec la France, l’Algérie a toujours eu des relations passionnelles liées à l’histoire qui ont déteint sur les relations entre les deux pays selon les majorités politiques qui se sont succédé dans l’Hexagone.

Relations passionnelles avec la France

Ces relations ont connu des périodes franchement exécrables sous le règne de la gauche mitterrandienne qui avait coïncidé avec les tentatives de déstabilisation de l’Etat et de la République durant les années 1990, œuvre d’un courant politique qui rêvait de l’instauration d’une république islamique par le sang et les larmes. L’Etat et le peuple algérien qui enterraient chaque jour leurs enfants fauchés par le terrorisme se souviendront pour toujours de cette déclaration du président Mitterrand regrettant que les militaires algériens aient interrompu le processus électoral empêchant l’ex-parti dissous, qui était puissamment soutenu par Paris, de gouverner. Cette période des relations algéro-françaises est importante à analyser pour comprendre les rééquilibrages qu’Alger fut amenée à opérer en se tournant vers d’autres horizons où elle se sentait sinon mieux comprise dans son combat contre le terrorisme et l’islamisme politique qui avait érigé ses bases arrière dans de nombreuses capitales occidentales, du moins soumis à des pressions politiques moins pesantes. Pendant que Paris perdait du terrain et des parts de marché conséquemment à sa politique d’ingérence dans les affaires intérieures algériennes à travers le soutien au parti dissous, les Etats-Unis ont su comment surfer habilement sur la vague islamiste. Cela en entretenant plusieurs fers au feu, accueillant des dirigeants islamistes sur leur sol, à l’image de Anouar Haddam, tout en maintenant au plan officiel une position en apparence de neutralité par rapport à la crise algérienne. Durant cette période tumultueuse de l’histoire récente de l’Algérie, jamais les Etats-Unis n’ont reçu autant de délégations algériennes issues d’horizons divers de la société civile et de la classe politique. Journalistes, avocats, représentants de partis politiques, membres d’associations de victimes du terrorisme ont été invités par l’Us aid (organisme gouvernemental dépendant du département d’Etat) pour visiter les Etats-Unis, s’informer au plus près des réalités américaines et informer de leur côté leurs interlocuteurs américains de la situation, politique surtout, qui prévalait dans le pays.

Le pragmatisme des américains

Ce travail de sensibilisation et de découverte de l’Algérie - une destination qui ne figurait même pas sur les agendas officiels de l’establishment politique ou du monde des affaires américains - fut remarquablement bien relayé par la présence d’une diplomatie américaine active en Algérie qui a contribué par un regard plus lucide sur la crise algérienne à rétablir certaines vérités sur l’origine et l’enjeu de cette crise. Il faut reconnaître aussi aux Américains ce pragmatisme qui les caractérise de faire du business là où cela est possible même avec des régimes avec lesquels ils ne sont pas officiellement en odeur de sainteté. Pendant que le pouvoir algérien était politiquement mis à l’index pour avoir interrompu le processus électoral et par la suite géré la crise politique et la donne sécuritaire dans des conditions qui n’ont pas fait le consenus auprès des partenaires étrangers, les hommes d’affaires américains se pressaient pour s’implanter en Algérie et prendre des parts de marché, principalement dans le secteur énergétique. D’autres secteurs stratégiques pour le développement économique de l’Algérie sont également ciblés par les Américains tels que ceux des télécommunications, de l’agroalimentaire, de l’industrie pharmaceutique, des banques. L’avènement de la droite au pouvoir en France avec la présidence de Jacques Chirac a marqué au plan politique un nouveau tournant dans la décrispation des relations algéro-françaises. Il a trouvé en Algérie en la personne du président Bouteflika l’interlocuteur espéré pour refonder ces relations sur des bases saines et mutuellement avantageuses.

Le « traité d’amitié »

Les nombreux voyages effectués en France par le président Bouteflika, et particulièrement sa visite d’Etat dans ce pays durant laquelle il avait reçu un accueil chaleureux, et la visite à Alger de Jacques Chirac qui avait, lui aussi, reçu un accueil populaire enthousiaste ont jeté les bases d’une confiance retrouvée entre les deux pays. L’intérêt montré par les autorités françaises pour organiser l’Année de l’Algérie participe de cette volonté de Paris de trouver ou de retrouver rapidement la place qui lui revient de « droit » par rapport à ses concurrents européens et outre-Atlantique. La seconde visite de Chirac en Algérie au lendemain du scrutin où il a eu à féliciter de vive voix son homologue algérien pour sa réélection visait à apporter une nouvelle pierre à l’édifice à travers le souhait exprimé par Jacques Chirac de voir la « Déclaration d’Alger » signée entre les deux chefs d’Etat à l’issue de sa première visite à Alger en mars 2003 prendre les contours d’un « Traité d’amitié » pour donner aux relations bilatérales un caractère d’exception. Une démarche politique qui s’inscrit en droite ligne de la volonté de la France de reprendre pied et racine dans notre pays en s’imposant comme le partenaire privilégié de l’Algérie. La position de Paris et de Washington sur le conflit du Sahara-Occidental ne semble pas peser dans cette guerre d’influence en Algérie que se livrent ces deux capitales. L’Algérie, qui est attachée à l’application du plan de paix onusien, est très à l’aise sur ce dossier avec l’un et l’autre partenaire, membres permanents du Conseil de sécurité, même si individuellement on sait de quel côté bascule le cœur des Français et des Américains par rapport à ce conflit.

Par S.B., El Watan