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L’Algérie manque de cadres

lundi 11 avril 2005, par Stanislas

"L’Algérie manque de cadres." Ce constat émane de la filiale de la Banque française Paribas-Algérie qui attribue cette carence au niveau de formation des universités algériennes.

Selon une information rapportée par Les Nouvelles d’Alsace, le groupe bancaire français envisage d’ouvrir une trentaine d’agences bancaires à travers le pays d’ici à 2008. Ce plan de développement repose sur le recrutement de centaines de cadres et pour cela la présence d’un personnel compétent est plus que nécessaire. « Les compétences sont rares et difficiles à trouver à cause de la dégradation de la qualité de l’enseignement dans les universités et l’anarchie qui règne sur le marché de l’emploi », estime-t-on au niveau de la filiale bancaire française.

Face au manque de compétences locales, la filiale algérienne du groupe bancaire français tente tant bien que mal à « faire revenir au pays » des cadres exilés et des cadres algériens fraîchement sortis des universités occidentales. « Nous venons de prendre part au forum Rhône-Alpes qui est le premier salon de recrutement en Europe. Nous essayons d’attirer des compétences algériennes installées à l’étranger », explique Abdelkader Achek-Youcef, responsable marketing à BNP Paribas-Algérie. La réforme du système éducatif initiée par le chef de l’Etat devrait pallier ce manque. Néanmoins, ces réformes ambitieuses exigent elles-mêmes un encadrement adéquat au vu de l’importance des chantiers en cours. En attendant, convaincre les cadres algériens installés à l’étranger de revenir travailler dans leur pays n’est pas une tâche facile en dépit des assurances avancées à maintes reprises par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui n’a cessé de jouer sur la fibre patriotique face aux conditions favorables prévalant ailleurs. A l’image de cette banque, d’autres filiales algériennes de groupes étrangers et certaines grosses entreprises privées se tournent vers l’étranger, notamment la France, pour trouver les cadres qui manquent en Algérie.

Pour les responsables des filiales algériennes de groupes étrangers, recruter des expatriés est trop coûteux : salaires élevés, assurances, prise en charge dans les hôtels. « On travaille en Algérie et nos concurrents sont ici. On ne peut pas recruter massivement des expatriés parce que leurs salaires sont trop élevés », souligne le directeur général de Natexis Banque populaire Algérie, Hocine Mouffok. Cette banque envisage d’ouvrir une vingtaine d’agences bancaires en Algérie durant les trois prochaines années.

Autrefois anecdotique, la fuite des compétences constitue aujourd’hui un véritable problème à l’économie nationale. Les dégâts occasionnés à l’économie nationale par cette « décérébration » du pays, sont difficiles à évaluer. Le coût moyen pour former un diplômé serait d’environ 100.000 dollars. Selon certaines informations, cela représenterait une perte de plus de 40 milliards de dollars dans le cas de l’Algérie. Si l’on ajoute à cela la plus-value qu’aurait pu créer chaque individu en termes de progrès, d’intelligence et de richesses, cette estimation s’écarte de la réalité. Quand on sait que l’exode a commencé au début des années 1992, on devine aisément les investissements perdus au profit des pays d’accueil, notamment les États-Unis, le Canada, la France et le Royaume-Uni. Amorcée à la fin des années 1970, l’émigration des scientifiques algériens a pris une ampleur telle que l’Algérie est aujourd’hui considérée comme un réservoir d’élites à la disposition des pays développés ou seulement émergents, capables de mettre à leur disposition les conditions de travail requises.

Aujourd’hui selon certaines sources, ils sont des milliers à avoir fui leur pays. Cette fuite des cerveaux avait été expliquée par Abdelatif Benachenhou par des aspirations purement matérielles. « La fuite des cerveaux renvoie à un problème différent. Aucun individu ne quitte son pays de gaieté de coeur. Les aspirations des Algériens s’élèvent avec leur formation et leur qualification et, aussi, sous l’influence des médias. Or certains d’entre eux ne trouvent pas la place qui leur convient dans les entreprises algériennes telles qu’elles sont aujourd’hui organisées. Par conséquent, lorsque les Algériens se sentiront bien dans leurs universités, lorsque l’économie algérienne sera plus réactive, plus moderne, les Algériens reviendront. La réponse à donner n’est donc pas d’ordre administratif », avait souligné le grand argentier du pays lors d’une interview à la presse, en avril 2003.

Aujourd’hui, il s’agit de définir préalablement, en Algérie, les besoins en expertise des secteurs d’activité afin de mieux identifier la demande et cibler le profil de compétence recherché. C’est ainsi qu’un dispositif législatif et réglementaire régissant la recherche scientifique a été amendé dans le sens où il permettra d’intégrer des scientifiques algériens travaillant à l’étranger comme membres à part entière, d’intégrer les conseils scientifiques existants au sein des différents centres de recherche. Outre le transfert technologique que le mécanisme permet, le potentiel scientifique national s’en trouvera enrichi.

Par Smaïl ROUHA, lexpressiondz.com