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L’Algérie rend hommage à ses "martyrs"

samedi 7 mai 2005, par Hassiba

C’est à Sétif, la ville des hauts plateaux algériens, là où la tragédie s’est enclenchée, que se déroulera la manifestation nationale officielle marquant le 60e anniversaire des massacres du 8 mai 1945.

Depuis plusieurs mois, la ville se prépare fébrilement à rendre hommage aux "45 000 martyrs" des événements de mai 1945, un tournant majeur dans l’histoire de l’Algérie, annonciateur de la guerre d’indépendance qui commencera dix ans plus tard.

Les cérémonies du souvenir, patronnées par le président Abdelaziz Bouteflika, culmineront avec une marche de 25 000 Algériens, qui emprunteront, le 8 mai, dès 8 h 30, l’itinéraire choisi il y a soixante ans par les manifestants nationalistes : de la mosquée de la Gare à la Colonne.

Là où est tombé Saal Bouzid, jeune scout portant le drapeau algérien et qui fut la première victime de ce qui allait se transformer en émeutes puis en massacres touchant principalement Sétif et Guelma, respectivement à 300 km et 540 km à l’est d’Alger.

L’Université du 8 mai 1945 de Guelma organise de son côté, les 7 et 8 mai, un colloque international intitulé "Le génocide de mai 1945, Algérie-France : mémoire et mémoire" , où il sera notamment question de "crimes contre l’humanité" et "d’impunité" .

DES CHIFFRES CONTROVERSÉS

La presse algérienne regorge de témoignages de militants du Parti du peuple algérien, ancêtre du FLN, qui était dans la clandestinité depuis 1939. Si les témoignages confirment le caractère spontané de la manifestation nationaliste du 8 mai 1945 et l’extrême brutalité de la répression, sur le bilan des victimes, des sons de cloches différents se font entendre pour la première fois en Algérie.

Ahmed Mahsas, une figure du mouvement nationaliste, affirme que le gros des massacres a été le fait des milices et considère que le chiffre de 45 000 que l’on retrouve dans les manuels d’histoire algériens est "proche de la vérité" .

En revanche, Belaid Abdesselam, ancien premier ministre algérien, note que le chiffre a été choisi à des fins de propagande nationaliste et qu’il était difficile à l’époque de recenser le nombre des victimes. "Quand nous parlions de 45 000 Algériens victimes de génocide dans les événements du 8 mai 1945, c’était une manière d’accuser la France et de l’impliquer dans les crimes qu’elle commettait contre un peuple isolé" , a- t-il déclaré à El-Khabar Hebdo, en jetant un doute sur un chiffre qui fait partie des vérités officielles.

La présence du président Abdelaziz Bouteflika n’était pas encore confirmée de manière officielle, mais une rumeur persistante à Sétif, dont quelques journaux se sont fait prudemment l’écho, voulait même qu’il soit accompagné par le président Jacques Chirac.

Le 27 février, à Sétif même, l’ambassadeur de France, Hubert Colin de la Verdière, avait franchi un pas important en parlant des "massacres du 8 mai" et en les qualifiant de "tragédie inexcusable" . Les propos avaient été salués comme un "premier pas" dans le bon sens par la presse. La Fondation du 8 mai 1945, créée par Bachir Boumaza, ancien président du Sénat, avait jugé la démarche positive mais insuffisante. Elle formulait le voeu de voir les présidents Bouteflika et Chirac se recueillir, "main dans la main, devant la tombe du chahid Larbi Ben M’hidi, assassiné sous la torture, à l’image du président Charles de Gaulle et du chancelier Adenauer devant celle du résistant Jean Moulin" .

Même si un tel geste semble improbable, le souhait existe en Algérie d’une réconciliation sur le modèle franco-allemand. Les officiels algériens n’ont commenté ni les propos de l’ambassadeur de France à Sétif, ni la récente loi française sur le "rôle positif" de la colonisation.

Vis-à-vis de la France et de son rapport à l’histoire coloniale, le ton des journaux est plus critique que celui des officiels, tout à la préparation d’un traité d’amitié franco-algérien prévu pour 2005. C’est d’ailleurs autant à la France qu’au gouvernement algérien que l’éditorial d’El-Khabar Hebdo s’adresse, en estimant qu’"une demande de pardon doit précéder le traité d’amitié" .

Source : lemonde.fr