Accueil > ALGERIE > La gestion de l’eau en Algérie (1re Partie)

La gestion de l’eau en Algérie (1re Partie)

dimanche 20 mars 2005, par Stanislas

L’Assemblée populaire nationale aborde en sa session en cours la question sensible de la gestion de l’eau en Algérie et statue sur le régime (public ou privé) des entreprises à qui elle pourrait être confiée.

Tous les Algériens constatent, depuis de nombreuses décennies, la dégradation de leur alimentation en eau qui se manifeste par de longues et aléatoires périodes de privation. L’on estime de 20 à 40% les pertes de cette précieuse ressource, liées à la vétusté des réseaux d’adduction et aux détournements illicites. En cette époque où la chose publique est décriée, où la déréglementation, la privatisation, la désétatisation est présentée partout comme la panacée pour pallier aux difficultés naturelles et techniques, administratives et politiques, il serait peut-être bon de tempérer les ardeurs en faveur d’un libéralisme à tous crins et, loin de toute idéologie, s’en tenir à des données de raison et de bon sens. Avant que des décisions d’une importance considérable pour le pays ne soient prises, il importe que le dossier soumis aux parlementaires soit aussi complet que possible. Quelques rappels élémentaires pourraient leur être utiles.

L’eau sur Terre

Sur les 510 millions de km² que compte notre planète, 71% sont occupés par des surfaces aquatiques : la Terre aurait dû s’appeler la « mer » ou l’« océan ». Toutefois, si l’hydrosphère représente 1,384 milliard de km3 (1), 97,4% de l’eau totale est salée. Sur les 2,61% d’eau douce restante (36,22 millions de km3), seulement 9 000 km3 (soit 0,65.10-5%) sont accessibles et exploitables par l’homme. Le reste de l’eau douce est soit dans l’atmosphère, les lacs, les cours d’eau, les nappes souterraines ou dans les glaciers (la part la plus importante). A cela s’ajoute le fait que la répartition de la population humaine sur Terre et celles des ressources en eau, ne coïncident pas. A titre d’illustration, l’Asie concentre 60% de la population humaine, mais ne dispose que de 30% des réserves en eau disponibles. Les régions arides qui reçoivent moins de 250 mm d’eau par an couvrent près de 20% des terres émergées et 1/5e des continents ne dispose d’aucune ressource propre en eaux fluviales. Le cas de l’Egypte est à cet égard exemplaire.

L’eau est une denrée rare en milieu méditerranéen, particulièrement dans les géosystèmes semi-arides. Toutes les civilisations qui ont bordé les rives de la Méditerranée ont eu le souci de la préserver. Les Romains sont passés maîtres en aménagement hydraulique. Leurs ouvrages d’art peuplent les paysages archéologiques et historiques de cette région du monde. L’eau est ainsi mal répartie. Elle est aussi inégalement exploitée. En moyenne, si un Tunisien se contente de 100 m3 d’eau par an, un Français en consomme cinq fois plus, soit 1.400 litres par jour (2). Dans l’usage de l’eau, une comparaison Grande-Bretagne - Inde est instructive : si la première consacre 27% de son eau aux besoins domestiques, 71% à ses industries et seulement 2% à son agriculture, les Indiens, eux, affectent leurs eaux à 2% pour leurs besoins domestiques, 2% pour leur industrie et 96% pour leur agriculture.

Il est vrai que l’Inde a réussi à la fois à atteindre l’autosuffisance alimentaire et un contrôle raisonnable de son exode rural. Ce n’est pas peu quand on sait d’où elle vient. On peut signaler le gaspillage de l’eau en Amérique du Nord, notamment dans les Etats du Sud où elle est rare (Nouveau-Mexique, Arizona, Californie...). Les nappes renouvelables ne suffisent plus à alimenter parcs nautiques, piscines à ciel ouvert, lavages de voiture, arrosages de golfs et de pelouses... Les Américains puisent dans des nappes aquifères fossiles des quantités excessives ainsi soustraites de fait à la satisfaction des besoins des générations futures.

Aujourd’hui, les hommes - entreprises et Etats - s’entre-tuent pour du pétrole. Demain, nous le savons tous, ce sera pour de l’eau potable. Les observateurs n’insistent pas suffisamment sur la dimension hydrique et hydraulique du conflit israélo-palestinien. La carte des implantations israéliennes en Cisjordanie coïncide étrangement avec celle des nappes d’eaux souterraines, contrôlées à plus de 90 % par Israël dont les citoyens consomment 350 l d’eau par jour, contre 20 pour les Palestiniens. Une des exactions favorites des Israéliens consiste à bétonner les puits des agriculteurs cisjordaniens dont les eaux alimentent pour 40% les besoins d’Israël. C’est enfin sur cette question que réside une part de l’enjeu du Golan.

L’eau et la question urbaine en Algérie

Bien après les Romains jusqu’aux Turcs (à partir du XVIe siècle), l’essentiel des infrastructures hydrauliques dont le pays dispose aujourd’hui a été mis en place sous l’occupation française. Depuis l’indépendance, les municipalités n’ont pas accordé l’importance voulue aux réseaux de distribution de l’eau, à sa maintenance et à son développement. Il faut dire à leur décharge que l’explosion démographique des villes a rapidement submergé les capacités d’accueil et tous les services à la collectivité : le logement, l’emploi, la santé, l’éducation, les transports... et naturellement l’alimentation en eau. Ce n’est donc pas un déficit de gestion lié seulement à l’eau. Ce ne sont pas ces services qui sont malades. C’est la ville algérienne dans son ensemble qui souffre d’un manque de maîtrise de sa croissance et de ses interfaces complexes avec la campagne. Sans entrer dans le détail de cette question qui est sans aucun doute à l’origine des problèmes multiformes que connaît l’Algérie depuis plus de vingt ans, on peut la situer au centre de toute politique fondamentale qui s’abstiendrait de céder facilement aux inférences superficielles et aux traitements symptomatiques.

Par Abdelhak Benelhadj quotidien-oran.com